[Replay] Comment rendre plus attractif le métier d’enseignant aujourd’hui ?

Effectifs aux concours en chute, postes vacants et recours aux contractuels… L’attractivité du métier d’enseignant figure désormais au rang de priorité politique. Comment remobiliser les étudiants et mieux répondre aux aspirations, en matière notamment de souplesse dans la carrière, des futurs enseignants ? C’est sur ces questionnements qu’a porté le webinaire organisé le 25 janvier avec le Réseau des Inspé dans le cadre de Think Éducation et Recherche 2023.

Cycle : Campus Matin

Quelque 185 000 candidats étaient inscrits aux concours d’enseignement des premier et second degrés pour la session 2023, contre 254 000 en 2021. Une crise des vocations sous-tendue par de multiples freins : la rémunération, les conditions d’exercice du métier, son image et la place globale des enseignants dans la société.

Quelles sont les pistes de réflexion pour inverser la tendance ? Quelles sont les motivations pour devenir enseignant aujourd’hui ? Réponses dans ce webinaire Campus Matin organisé le 25 janvier dernier, avec le Réseau des Inspé.

Améliorer la communication envers les jeunes

Pierre Chareyron est directeur de l’Inspé de Lyon et VP du Réseau en charge de la formation. - © @DR
Pierre Chareyron est directeur de l’Inspé de Lyon et VP du Réseau en charge de la formation. - © @DR

Redorer le blason de la profession auprès des jeunes générations : c’est l’un des challenges numéro un du Réseau des Inspé pour pallier la désaffection des candidatures. Pierre Chareyron, directeur de l’Inspé de Lyon et vice-président du Réseau des Inspé en charge de la formation, pointe un paradoxe : « Le métier d’enseignant véhicule une image, bonne ou moins bonne, mais pas forcément réaliste, alors que pourtant tout le monde, en tant qu’élève, y a été confronté dans son parcours. »

Sur le plan de la communication, l’Éducation nationale aurait des leçons à tirer de l’Armée de terre qui va, depuis des années, à la rencontre des jeunes avec des campagnes incisives. Une approche « publicitaire » envers laquelle le ministère de l’éducation a longtemps été réticent. « Aujourd’hui, on évolue sur ce sujet, mais on fait plutôt de l’accompagnement, comme dans le cadre des Cordées de la réussite, au niveau du collège », précise Valérie Cabuil, rectrice de la région académique des Hauts-de-France et présidente de la Conférence des recteurs français.

Une promotion désormais relayée de manière active par les universités. « Nous devons contribuer à l’image du métier, en étant présents sur les salons d’orientation et en misant sur une recherche pluridisciplinaire », exprime Virginie Laval, présidente de l’Université de Poitiers et du Conseil de la formation, de la vie étudiante et de l’insertion professionnelle de France Universités.

Des parcours plus lisibles et plus sécurisés…

Virginie Laval préside l’Université de Poitiers depuis décembre 2020. - © @DR
Virginie Laval préside l’Université de Poitiers depuis décembre 2020. - © @DR

Les parcours pour devenir enseignant manquent encore cruellement de lisibilité. « Faute d’informations claires et précises sur Parcoursup, il est très difficile pour les jeunes de se projeter dès le bac et de savoir quelle licence ils doivent suivre, surtout pour devenir enseignant du premier degré, avec une diversité de compétences », souligne Virginie Laval.

Pierre Chareyron estime nécessaire de « mieux faire connaître le métier et les parcours qui permettent d’y accéder, sur 5 ou 6 ans (avec l’année de stage) ».

Cette visibilité accrue doit se faire jour dès la licence 1, pour pouvoir d’emblée envisager une formation sur cinq ans, et non plus, comme aujourd’hui, sur deux ans seulement, en master 1 et master 2.

« Pour ce faire, on doit parler du métier dès le lycée, dans le cadre du continuum bac-3 — bac+3. Il faut que la L1 “enseignement” soit étiquetée comme telle sur Parcoursup et que la formation comporte, dès la licence, une vraie dimension “terrain”, avec des stages de professionnalisation », détaille Virginie Laval qui s’appuie sur le succès du Parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE).

… Mais aussi plus souples et attractifs

Damien Schoennahl est directeur général adjoint de l’agence Insign. - © @DR
Damien Schoennahl est directeur général adjoint de l’agence Insign. - © @DR

Pour recruter, il faut éviter les logiques d’enfermement. Notamment envers une jeune génération qui boude l’emploi garanti. C’est ce que met en lumière Damien Schoennahl, directeur général adjoint de l’agence Insign, travaillant comme consultant en communication notamment pour l’Armée de terre : « Les diplômés d’un M1 ou d’un M2 ne se projettent pas chez un employeur pour plus de trois ans. C’est pourquoi il est anachronique, en 2023, de dire à un jeune : “Vous allez faire cinq ans d’études pour ensuite signer pendant 40 ans dans la même structure.” »

Une réalité que l’Armée de terre intègre déjà activement à son recrutement, en ne signant avec les jeunes que pour quelques années et en travaillant d’emblée avec eux sur leur reconversion post-contrat.

« Faire du métier d’enseignant un métier comme les autres, avec la possibilité de changer de job, doit probablement aussi faire partie de nos interrogations », admet Pierre Chareyron.

D’où la nécessité de mettre en place, tout au long du parcours, des passerelles permettant aux étudiants de bifurquer vers d’autres voies.

Faciliter et mieux accompagner les secondes carrières

Dans l’Armée de Terre comme dans l’Éducation nationale, mieux vaut s’entourer de compétences extérieures pour renforcer les troupes. « Il faut aller chercher des professionnels confirmés qui ont des choses à transmettre », conseille Damien Schoennahl.

Une population désormais cible de l’institution, mais là aussi on revient de loin. « Pendant longtemps, nous n’avons pas été très bons sur les reconstitutions de carrière et la valorisation, car on avait des gens très motivés, prêts à se former », reconnaît Valérie Cabuil.

Le directeur de l’Inspé de Lyon, Pierre Chareyron émet toutefois un bémol : « Il ne suffit pas d’avoir maîtrisé un métier pour être capable de l’enseigner. »

Une gestion plus « RH » des personnels

Une vraie gestion des ressources humaines, incluant l’ensemble des réalités des carrières, est une nécessité dont l’institution commence à s’emparer, en dépit de difficultés liées à la lourdeur des effectifs (un million de personnels). « Notre gestion des ressources humaines a connu une vraie avancée qualitative, expose Valérie Cabuil. La direction des RH n’est plus seulement un organisme gestionnaire de carrière, mais un service qui accompagne celles-ci, ainsi que les personnels dans leurs difficultés ou leurs souhaits d’évolution. »

Parmi les chantiers qui portent le plus d’enjeux, on compte la facilitation et l’accompagnement des reconversions. « Nous devons travailler à aider les enseignants à valoriser tout un ensemble de savoir-faire et de qualités associés au métier, comme la gestion de classe ou de la diversité culturelle, qu’ils pourraient mettre à profit dans une carrière ultérieure », soulève Valérie Cabuil. Elle note une vraie évolution dans les académies, avec les écoles académiques de la formation continue

Le Réseau des Inspé est également très impliqué dans ces problématiques RH. “Nos formations sont désormais proposées dans le cadre de l’approche par compétences, plus propice à cette appropriation de leurs atouts annexes par les enseignants”, souligne Pierre Chareyron.

Repenser le concours : pour ou contre ?

Virginie Laval serait plutôt pour : « Il nous semblerait pertinent d’appliquer aux cursus d’enseignement le modèle des cursus en ingénierie, qui garantissent à l’étudiant une place en master dès sa sélection en entrée de cycle. Dans le cadre d’une telle continuité, il ne semblerait pas aberrant de repenser la place du concours, peut-être à la sortie de la L3. »

Pierre Chareyron, lui, milite pour conserver le statu quo : « La stabilité du modèle garantit lisibilité et appétence. Il est à craindre, par ailleurs, les effets de la dissociation entre premier et second degré si le concours de recrutement des professeurs des écoles se tenait en licence, alors que celui des enseignants de secondaire resterait à la fin du master. Je plaide en faveur d’un concours qui apporterait à ses candidats des gages renforcés de reconnaissance de leur engagement, à commencer par la garantie qu’ils vont pouvoir aller au bout. »