Comment faire de la formation continue un pilier stratégique et financier ?
Dans un contexte de mutation de ses modèles économiques, l’enseignement supérieur se tourne massivement vers la formation continue. Quels freins lever, quelles bonnes pratiques adopter pour en faire un véritable levier structurant ? Tel était l’objet du webinaire Campus Matin - Eudonet du 9 décembre 2025.
Cycle : Campus Matin
Face aux contraintes budgétaires et à la baisse de la démographie étudiante, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) font de la formation continue un levier majeur pour diversifier ressources et débouchés. « La formation continue est un énorme marché en croissance, représentant quelque 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans l’Hexagone. A ce jour, l’ESR y participe pour moins de 500 millions d’euros », relève Emerice Donche, expert Eudonet.
La marge de progression de la formation continue est donc conséquente, dans un contexte de demande exponentielle des entreprises et des individus pour des compétences actualisées.
Plusieurs problématiques à surmonter
Principal défi : la transformation de l’ESR, notamment public. Sur un plan organisationnel, d’une part. « Les établissements possèdent beaucoup de données (formation initiale, recherche, alumni…) très silotées, ce qui empêche une vision globale du parcours client », explique Emerice Donche.
S’y ajoute une problématique en termes de ressources humaines. « Nous souhaitons que ces formations soient faites en interne, ce qui limite notre capacité à répondre à la demande », relève Eric Lamarque, directeur de l'IAE Paris Sorbonne Business School, fort de 3 000 étudiants, dont 80 % en formation continue. L’autre challenge est d’ordre culturel. « Il existe toujours des difficultés à penser en termes de clients et à adopter une orientation business », admet Eric Lamarque.
Bonnes pratiques et leviers
Les initiatives sont déjà riches.
Avoir une stratégie data centralisée
« La mise en œuvre d’une stratégie efficace passe par la centralisation des données dans une plateforme commune (CRM) pour en tirer des insights pertinents », recommande Emerice Donche : la solution pour mieux cibler ses publics et personnaliser communication et offre. L’IAE de Paris a ainsi développé un service relations entreprises qui utilise un CRM pour une gestion active du suivi de clientèle.
Proposer une offre modulaire
Diplômes, certifications et offre courte doivent se conjuguer, pour s’adapter à une demande plurielle. Ainsi, à Télécom Paris, sur 2 000 apprenant formés chaque année, les trois quarts le sont en formations courtes et certifiantes. « Les intervenants doivent être à la fois académiques et professionnels », souligne Ons Jelassi, directrice de la formation continue de Télécom Paris.
Innover en permanence
« Les sessions sont à axer sur les fondamentaux : former en lien étroit avec les préoccupations les plus actuelles des entreprises », conseille Eric Lamarque. L’innovation passe par une offre de formations régulièrement revue et actualisée en fonction des évolutions du marché. Mais aussi par des modalités flexibles, comme l’hybridation (distanciel et présentiel). « Si le présentiel reste plébiscité par les entreprises, 20 à 30 % de nos formations peuvent être réalisées à distance, en fonction des spécificités de chaque thématique », précise Ons Jelassi.
Développer une approche client et partenariale
Avec apprenants et organisations, la relation ne doit pas être descendante, mais partenariale. « Nous travaillons avec toutes les parties prenantes pour construire notre offre, disponible sur catalogue, mais aussi en sur-mesure », illustre Ons Jelassi.
Être offensif sur les plans commercial et marketing
« Il faut être sur les bons segments - B to B ? B to C ? Mix des deux ? Formations courtes ou longues ? etc. et envoyer le bon message, à la bonne personne, au bon moment », souligne Emerice Donche. Une dynamique qui va de pair avec une montée en professionnalisation des équipes : à Télécom Paris, l’Executive Education dispose de profils commerciaux, administratifs et pédagogiques pour être à l’écoute du prospect et en anticipation sur l’offre.
Toujours articuler recherche et formation continue
Toutes deux doivent se nourrir et se renforcer mutuellement, dans l’intérêt des établissements comme des organisations clientes. C’est pourquoi, à l’IAE comme à Telecom Paris, des enseignants-chercheurs sont impliqués dans la construction de l’offre et l’animation des formations.
Et pour demain ?
Penser co-construction et partenariats
Les organismes de formation d’entreprise ne doivent pas être considérés comme des compétiteurs par l’ESR : la co-construction est de rigueur. « Nous en accompagnons même certain dans la construction de leur propre offre de formation », indique Ons Jelassi.
L’international : un débouché prometteur
L’international est un axe de développement important. « Les universités françaises sont très demandées à l’étranger, note Eric Lamarque. Nous y comptons un tiers de nos apprenants en FC, soit 20 % de notre CA. »
Volontarisme de rigueur
« Si elle est bien menée, cette transformation ne coûte pas cher, car le retour sur investissement est assez facile à trouver », estime Emerice Donche. Et de conclure : « Le marché est mature, les outils sont là. Il faut y aller ! ».