Inclusion, accessibilité : quels leviers pour une université ouverte à tous ?
Comment assurer l’égalité des chances pour les étudiants en situation de handicap et repenser l’université à l’aune de l’accessibilité et de l’innovation pédagogique, en faisant du numérique un levier ? Un webinaire Campus Matin du 25 septembre, en partenariat avec l’Université Claude Bernard Lyon 1 et leur projet INCLUDE, labellisé Demoes (démonstrateur numérique de l’enseignement supérieur) a exploré ces enjeux via les retours d’expérience et conseils d’acteurs engagés.
Le nombre d’étudiants déclarés en situation de handicap a été multiplié par huit en vingt ans, atteignant aujourd’hui 64 000 au niveau national, avec un taux de croissance de 10 à 20 % par an. Afin de les accompagner au mieux, l’université doit changer de paradigme.
Plusieurs écueils à surmonter
La transformation vers une université inclusive se heurte à plusieurs problématiques.
Les freins culturels et psychologiques

« Les enseignants ont tendance à noter moins bien une copie quand ils savent que son auteur a bénéficié d’un aménagement : un biais de sous-évaluation qui découle d’une perception inconsciente de l’aménagement comme un avantage indu », soulève Nathalie Guin, Vice-Présidente déléguée à l’Inclusion à l’Université Lyon 1 Claude Bernard (UCBL).
La rigidité des cadres existants
Philippe Malbos, directeur scientifique du DemoES INCLUDE, met l’accent sur la difficulté du système éducatif actuel, basé sur des cadres de formation trop rigides, à s’adapter à l’afflux croissant de ces publics différents.
Le sous-repérage
Il existe un vrai gap entre déclarations de handicap et besoins réels, observe Gilles Bonavitacola, directeur opérationnel du service iCAP de l’UCBL.
Des solutions concrètes
Passer de la compensation à l’accessibilité globale

Bertrand Monthubert, directeur du programme Atypie-Friendly, qui cible notamment les troubles du neurodéveloppement (TND : TDA/H, Dys, TSA…), souligne cette distinction fondamentale : « La prise de notes par un accompagnant, c’est une mesure de compensation. L’accessibilité, c’est le fait de transformer l’environnement académique pour réduire, voire supprimer les obstacles ». Et ajoute : « il faut arrêter de penser séparément les personnes en situation de handicap et les autres, car nous avons tous des besoins différents ». Les mesures d’accessibilité - par exemple, la pose d’une rampe d’accès ou l’installation d’une signalétique plus claire - profitent à l’ensemble de la communauté.
La généralisation de départements dédiés
« Sous une appellation ou une autre, il y a désormais une personne en charge de ces questions dans chaque université », pointe Nathalie Guin. A l’UCBL, cet engagement a été consacré par la création, en mars 2025, d’une vice-présidence dédiée, rattachée au conseil d’administration, et de trois chargés de mission.
L’implication des personnels

Elle passe par trois étapes, selon Gilles Bonavitacola : « D’abord les sensibiliser, en insistant sur la diversité des besoins des étudiants en matière d’apprentissage. Puis les former, et enfin les outiller. » Nathalie Guin pointe l’importance de changer les mentalités, « l’équité n’est pas d’instituer les mêmes règles pour tout le monde, mais de donner les mêmes chances à tous les étudiants de démontrer leurs compétences ».
Le numérique comme outil d’accessibilité
Les travaux se concentrent notamment sur deux axes, visant à atteindre l’ « expérience utilisateurs personnalisable », prônée notamment par Gilles Bonavitacola.
- Primo, l’adaptation des supports : Atypie-Friendly travaille avec l’UCBL pour améliorer l’accessibilité des lecteurs de vidéos pédagogiques et des documents.
- Secundo, l’outillage d’aide aux fonctions exécutives, via un projet commun INCLUDE, Atypie-Friendly, Région Auvergne Rhône-Alpes. « Objectif : concevoir une application mobile pour les étudiants porteurs de TND, sur la base d’une conception participative avec les étudiants concernés », précise Nathalie Guin.
Des perspectives prometteuses
Le chemin vers une université inclusive passe, à terme, par quatre leviers majeurs.
L’intelligence artificielle (IA)
L’IA est perçue comme un formidable accélérateur, notamment pour l’adaptation automatique des parcours des étudiants. Pour Bertrand Monthubert, l’IA peut « aider les enseignants à rendre les évaluations plus explicites », et, pour Nathalie Guin, « offrir des outils de reformatage des documents basés sur un diagnostic fin des besoins. »
L’investissement

C’est le nerf de la guerre, couvrant à la fois dispositifs techniques et moyens humains renforcés. Il doit être vu non pas comme un coût, mais comme un levier d’innovation, de qualification et de cohésion sociale. Bertrand Monthubert pointe que « construire une société plus inclusive, c’est aussi positionner notre société pour faire face à ses nombreux défis ».
Les mesures d’impact
« Mettre en place des dispositifs, c’est bien, mais il faut aussi recueillir les retours des étudiants pour les améliorer, sous peine de passer à côté des nécessaires améliorations continues », conclut Gilles Bonavitacola.
La diffusion des bonnes pratiques
Ces programmes ont vocation à se poursuivre dans la durée et à « essaimer », selon les termes de Philippe Malbos, qui incite l’ensemble de la communauté universitaire à se rapprocher d’Atypie-Friendly et d’INCLUDE.