Vie des campus

Promouvoir le sup’ Made in France en Corée, un challenge !

Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures

C’est un pays dont le « soft power » monte en flèche : la Corée du Sud ne manque pas d’exercer son pouvoir de séduction sur les étudiants et les jeunes chercheurs. Le pays émerge ainsi comme nouveau concurrent sur la scène internationale. Entretien avec Denis Fourmeau dont la mission est de promouvoir le système français d’enseignement supérieur et de recherche auprès des Coréens.

L’Université Hanyang, située à Séoul - © Capclub
L’Université Hanyang, située à Séoul - © Capclub

La culture coréenne, musicale comme télévisuelle, n’en finit pas d’attirer les étudiants et jeunes chercheurs en France et dans le monde. Depuis quelques années, l’essor de la K-Pop et des séries coréennes à l’instar du phénomène Squid Game, déchainent les passions pour cette culture, mais aussi sa langue et son pays.  

Denis Fourmeau, attaché de coopération scientifique et universitaire auprès de l’ambassade de France à Séoul, atteste de ce soft power et raconte comment, depuis plus de deux ans, il promeut les études supérieures et la recherche bleu-blanc-rouge.

Promouvoir l’enseignement supérieur français

Denis Fourmeau a conçu un master euro-chinois en énergie renouvelable, Icare - © D.R.
Denis Fourmeau a conçu un master euro-chinois en énergie renouvelable, Icare - © D.R.

« Faire venir des étudiants en France même si cela à un coût, c’est un investissement sur l’avenir. C’est une façon de promouvoir notre culture mais aussi de futures collaborations entre nos deux pays », introduit Denis Fourmeau.

Mais se démarquer sur la scène internationale n’est pas une mince affaire : « Les États-Unis, la Chine ou le Japon sont les pays les plus attractifs pour les Coréens ; la France n’est pas une évidence, surtout pour les filières scientifiques.  Il faut trouver les arguments face à une grande puissance émergente dont l’attractivité grimpe en flèche ».

En effet, alors que le taux de natalité baisse - et les effectifs d’étudiants nationaux avec -, la Corée du Sud se voit obligée de s’ouvrir à l’international pour remplir ses universités. Et « elle bénéficie d’un soft power incroyable », constate Denis Fourmeau.

Des frais de scolarité bien inférieurs en France

L’attaché de coopération scientifique et universitaire a, lui, pour mission de mettre en avant les atouts de l’enseignement supérieur et la vie en France. Dans cette logique, l’un des arguments en faveur de la France pourrait être le prix bas de ses études. En effet, en Corée les frais universitaires s’élèvent entre 8 000 et 13 000 euros par an. Néanmoins, cet atout peut s’avérer à double tranchant.

« Il y a une idée reçue que des études à bas prix signifient des études de moins bon niveau, constate Denis Fourmeau. Cela fait donc partie de mes missions : valoriser l’excellence académique française . Et rappeler aussi que les frais payés par les étudiants étrangers en France ne représentent en moyenne que 30 % du coût réel de la formation, ce qui signifie que chaque étudiant étranger en France bénéficie d’une “bourse de fait“ de l’ordre de 10 000 euros par an ! ».

Chiffres de la mobilité étudiante

La France accueillait près de 3 300 étudiants coréens en 2017-2018, d’après un dossier réalisé par Campus France. Les étudiants coréens constituaient ainsi le quatrième contingent d’étudiants asiatiques en France après la Chine, le Vietnam et l’Inde. En 2017, la population étudiante de Corée du Sud comptait 3,4 millions d’étudiants.

Denis Fourmeau remettant un diplôme de master gestion de l’environnement, obtenu à l’Université Côte d’Azur.  - © @franceencoree_culture
Denis Fourmeau remettant un diplôme de master gestion de l’environnement, obtenu à l’Université Côte d’Azur. - © @franceencoree_culture

Situation sanitaire et impact sur l’enseignement supérieur

D’autres arguments en faveur d’études supérieures en France ont, étonnamment, émergé des conséquences de la crise sanitaire. « Contrairement aux autres pays qui attiraient traditionnellement beaucoup d’étudiants coréens, la France n’a jamais fermé ses frontières aux étudiants. Certains ont donc repensé leur projet de mobilité en faveur de l’Hexagone », explique Denis Fourmeau.

Une grande confiance dans les grandes figures scientifiques

Autre avantage : un accès plus rapide au vaccin. « La crise sanitaire a été très bien gérée en Corée du Sud : étant une île, sans contact avec son seul voisin, et du fait d’un état permanent de vigilance militaire - le pays est encore officiellement en guerre - avec des réservistes facilement mobilisables, la crise sanitaire a été très bien contenue. Il y a par ailleurs une grande confiance dans les grandes figures scientifiques et dans la vaccination. Néanmoins, l’accès au vaccin s’est fait par vague : d’abord aux plus âgés puis progressivement jusqu’aux plus jeunes. Pour les familles très inquiètes, envoyer leur enfant étudier en France était également synonyme d’une vaccination rapide, argument que nous n’avons pas hésité à mettre en avant sur nos sites et réseaux sociaux. »

Une mobilité des chercheurs plus impactée

Néanmoins, si la mobilité étudiante coréenne vers la France repart en 2021, après avoir été fortement impactée par la pandémie en 2020, ce n’est pas le cas de la mobilité des chercheurs. Les colloques et échanges scientifiques se déroulant sur des temps plus court, les restrictions telles que la quarantaine ont fortement impacté la facilité de déplacement.

« En 2020, la mobilité étudiante s’est effondrée de 64 % mais en 2021, les échanges et déplacements ont fortement rebondi, et on espère retrouver en 2022 les chiffres de 2019 », résume Denis Fourmeau.

Le parcours de Denis Fourmeau

Plus qu’atypique, le parcours de Denis Fourmeau suit néanmoins un fil rouge : celui d’une passion pour la Chine, et par extension pour l’Asie. Formé pour devenir ingénieur en travaux publics, son goût pour l’international l’amène à vivre entre la France et l’Asie. Il y commence sa carrière par un volontariat international (VIA) dans le secteur scientifique  de l’ambassade de France en Indonésie, où il participe au développement de coopérations en géosciences.

Après un passage à la direction des affaires internationales du ministère de l’industrie à Paris, il devient ensuite attaché de coopération technique au Maroc pendant trois ans et œuvre à la coopération franco-marocaine entre ministères techniques, mais aussi écoles d’ingénieurs et classes préparatoires. Il rentre en France le temps de compléter un MBA puis accompagne l’École des Ponts ParisTech dans sa réimplantation en Chine.

Il travaille en Jordanie sur les projets d’infrastructures liées au processus de paix, puis dans une ONG spécialisée dans la gouvernance des ressources en eau et des services d’eau, avant de repartir en Chine comme conseiller énergie et développement durable à la délégation de l’Union européenne à Pékin. C’est dans ce cadre qu’il conçoit le projet de master euro-chinois en énergie renouvelable Icare (Institute for Clean and Renewable Erergy) à Wuhan, pdont le chef de file européen est l’École des Mines ParisTech.

Le succès de ce programme conduit l’ambassade de France en Chine à lui proposer le poste d’attaché de coopération universitaire à Pékin, poste qu’il occupe pendant deux années avant de rejoindre le service du haut fonctionnaire de défense du ministère de la transition écologique pour y développer des méthodologies d’anticipation pour la gestion de crise.

Denis Fourmeau est attaché de coopération scientifique et universitaire à Séoul depuis septembre 2019.