Cours magistral : quel avenir face à l’hybridation des enseignements ?

« Faut-il en finir avec le cours magistral ? » Tel était le thème d’un webinaire de Campus Matin, en partenariat avec Ubicast, le 20 mai. Une occasion d’évoquer les pistes pour renforcer l’engagement et l’attention des étudiants, dans un contexte d’hybridation des enseignements.

Cycle : Campus Matin

« Depuis 2020, nous menons une enquête sur les usages de la vidéo pédagogique dans l’ESR. Une tendance très nette se dessine autour de la capsule vidéo. On constate une très forte adoption des formats courts chez nos répondants, ce qui confirme l’adoption des solutions numériques, au-delà du concept un peu poussiéreux d’e-learning.

Jean-Marie Cognet est CEO d’Ubicast et vice-président de l’association EdTech France.  - © D.R.
Jean-Marie Cognet est CEO d’Ubicast et vice-président de l’association EdTech France. - © D.R.

Par ailleurs, d’un point de vue impact, l’immobilier joue un rôle important : le présentiel nécessite de l’espace. Dernier sujet : l’inclusion et la flexibilité des enseignements. Grâce aux nouveaux supports, on peut revenir en arrière, mettre sur pause ou réécouter autant que l’on veut. Ces questions nous interrogent sur le cours magistral comme seul vecteur de transfert des savoir-faire fondamentaux », analyse en introduction Jean-Marie Cognet, CEO d’Ubicast et vice-président de l’association EdTech France.

Une tradition auxquels les étudiants restent attachés

Jeff Van de Poël, directeur adjoint aux affaires numériques à l’Université de Lausanne, accorde encore au cours traditionnel quelques vertus. « Le présentiel est très important. Mais les étudiants ne souhaitent pas toujours arrêter les cours en amphi, même si le processus d’apprentissage, en simple position de réception, n’est pas nécessairement élevé. La vraie question à se poser est : par quels dispositifs d’apprentissage le cours magistral doit-il être complété avec des ressources en ligne ? Chez nous, l’usage du numérique permet d’améliorer le présentiel. »

Anne Edvire est directrice expérience étudiante de l’Efrei. - © Linkedin
Anne Edvire est directrice expérience étudiante de l’Efrei. - © Linkedin

En école d’ingénieurs notamment, les cours magistraux sont appréciés pour leur côté solennel. « D’un point de vue pédagogique, le cours magistral sert aussi à apprendre à être attentif dans la durée, à prendre des notes ou à formuler des questions devant ses camarades, souligne Anne Edvire, directrice de l’expérience étudiante à l’Efrei. Mais il est essentiel de varier les formats. On se rend compte qu’il faut capter l’attention des étudiants, en modifiant les rythmes avec des QCM, des travaux en groupe ou encore en ponctuant son cours avec une vidéo. »

Pour Bertrand David, professeur et doyen des études à Télécom Paris, le cours magistral a sa place parmi d’autres modes d’apprentissage. « Des personnes apprennent d’ores et déjà hors de la salle de cours. Au fond, la question n’est pas d’opposer le distanciel et le présentiel. D’ailleurs, les enseignants tiennent encore aux cours magistraux, notamment après la période Covid, qui a redonné de la valeur au présentiel pour une raison d’engagement. Reste que ce n’est qu’un élément des dispositifs d’ingénierie pédagogique. »

Miser sur des « cours augmentés »

Finalement, les étudiants doivent-ils, oui ou non, encore aller en classe ? « Bien sûr ! Ce n’est pas l’objectif poursuivi quand on installe une plateforme, notamment en formation initiale. Sur les campus, les interactions sont fondamentales », pointe Jean-Marie Cognet.

Unanimité donc parmi les experts : il ne s’agit pas de supprimer les cours, mais bien de proposer une grande variété de formats aux élèves, qui attendent de nouvelles approches dans l’enseignement supérieur.

Jeff Van de Poël est directeur adjoint aux affaires numériques à l’Université de Lausanne. - © D.R.
Jeff Van de Poël est directeur adjoint aux affaires numériques à l’Université de Lausanne. - © D.R.

Place donc aux cours magistraux augmentés, plutôt qu’au tout en ligne. « Un cours enregistré permet, par exemple, de réécouter à chaque fois que l’on se pose une question. La véritable hybridation, c’est quand les activités en ligne complètent le cours de l’enseignant et réduisent au fond les délais d’apprentissage, estime Jeff Van de Poël. En réalité, un cours en présentiel représente un tiers de la valeur du temps ECTS attribué aux élèves.  »

Les bénéfices du distanciel se sont considérablement révélés ces dernières années, avec l’accélération provoquée par la pandémie. Les élèves eux-mêmes l’apprécient « et ne pourraient plus s’en passer », précise Anne Edvire.

Elle ajoute : « Notre prochain chantier est de maintenir la prise de notes, car aujourd’hui, les étudiants n’y voient plus un fort intérêt. Ce qui est très dommage, car c’est un moment où l’on fait preuve d’esprit de synthèse et de mémorisation. »

Éviter l’économie… de l’effort cognitif !

Bertrand David est professeur et doyen des études à Télécom Paris. - © D.R.
Bertrand David est professeur et doyen des études à Télécom Paris. - © D.R.

Le risque de paresse intellectuelle est bien réel : les étudiants subissent une pression qui peut les conduire à optimiser leur apprentissage, notamment avec l’IA. « C’est un risque, et nous sommes encore un peu démunis dans nos écoles », avance Bertrand David.

Autant de défis à relever pour les équipes pédagogiques, qui doivent transmettre les savoirs tout en s’appuyant sur de nouveaux outils, comme la vidéo ou les plateformes en ligne.