[Replay] Ressources humaines et intelligence émotionnelle : le duo gagnant

« Intelligence émotionnelle : mieux se connaître pour mieux communiquer » : tel était le thème du webinaire proposé par Campus Matin et l’Essca Business Hub, le 12 octobre 2023. Des échanges qui ont défini les atouts de l’intelligence émotionnelle et analysé comment celle-ci peut être mise à profit par les managers et les RH pour renforcer le bien-être, la motivation et l’engagement de leurs collaborateurs. Et, au final, la performance de leur organisation.

Cycle : Campus Matin

Une forme d’intelligence adaptative

« L’intelligence émotionnelle, c’est une intelligence adaptative, la capacité de l’individu pour reconnaître ses émotions et celles de ses interlocuteurs et savoir comment s’y appuyer pour s’adapter à une situation et obtenir le résultat souhaité », définit Mathilde Héliès, dirigeante du cabinet de coaching Fullemo.

Pour Philippe Guerrier, rédacteur en chef à RH Matin, site appartenant comme Campus Matin au groupe News Tank, « L’intelligence émotionnelle, porteuse de valeurs comme l’empathie, la bienveillance ou la qualité d’écoute, s’intègre dans les “soft skills ” (compétences transversales). »

Les émotions, un message à accueillir et analyser

 Vanessa Monties est professeure associée à l’Essca. - © D.R.
Vanessa Monties est professeure associée à l’Essca. - © D.R.

« Les émotions ont une vertu homéostatique, expose Vanessa Monties, professeure associée à l’Essca et spécialiste en psychologie sociale. Elles sont là pour nous aider à réguler notre équilibre intérieur. » Ces émotions ne doivent pas être classifiées comme « positives » ou « négatives », mais comme agréables ou non.

« L’émotion est une information que je dois capter, accueillir et écouter, puis utiliser : est-elle appropriée au regard de mon objectif opérationnel ? », poursuit Vanessa Monties. Elle pointe une « bonne nouvelle » : contrairement au quotient intellectuel (QI), l’intelligence émotionnelle se développe.

« Il est possible de travailler sur ses émotions pour en faire des alliées pour notre quotidien et notre relationnel, améliorer notre prise de décision comme notre créativité. Objectif : préserver l’équilibre émotionnel, qui est l’alignement entre bien-être et performance », informe-t-elle. 

Une nécessité souvent issue de situations difficiles

Des choix et des valeurs en porte-à-faux

La nécessité de travailler sur soi se fait fréquemment jour dans un contexte de difficultés personnelles et managériales, pointe Mathilde Héliès. « Bien souvent, c’est parce qu’on est dépassé qu’on réalise qu’il y a du chemin à mener. Ces émotions vont se déclencher parce que mes choix et mes valeurs ne sont pas respectés dans mon environnement professionnel. »

La Covid, révélatrice d’un mal-être profond au sein des entreprises

Arrêts de travail, burn-out… Des écueils de plus en plus fréquents, y compris parmi les fonctions exécutives, depuis la pandémie de Covid-19. Une période qui, en accentuant les tensions au sein des entreprises, a mis en lumière les lacunes des managers en matière d’outils pour agir sur leur fonctionnement émotionnel et celui de leurs collaborateurs. « En 2022, on a recensé un pic de l’absentéisme, qui a touché 44 % des salariés, note Philippe Guerrier. Et en 2023, cela devrait concerner un salarié sur trois : un niveau toujours important, sans doute encore sous-estimé. » 

La nécessité de se faire accompagner

Stéphane Rivoire est directeur général de Mix-r. - © D.R.
Stéphane Rivoire est directeur général de Mix-r. - © D.R.

Le vécu de Stéphane Rivoire, directeur général de Mix-r, un réseau d’entreprises, dédié à l’intégration des problématiques de responsabilité sociétale des entreprises, illustre ces problématiques : « Plus je montais en responsabilités, plus j’avais des difficultés à gérer certaines situations. Je suis tombé en burn-out à cause du stress », témoigne-t-il.

Il analyse : « Aux postes de top manager, on fonce tête baissée dans l’action, ce qui crée des situations vites ingérables. D’où l’importance de se faire accompagner pour évoluer et rester performant. » Il prévient : « Travailler sur ses émotions est un processus long, de plusieurs mois. »

Agir en profondeur sur l’environnement de travail

Procéder par étapes

« En entreprise, ce qui va générer le plus d’émotions désagréables, ce sont d’abord les interactions entre collègues. Il est donc important de commencer par améliorer la qualité d’échange entre les collaborateurs », déclare Mathilde Héliès. Dans un second temps, il est essentiel de former les managers. « Il faut être apaisé de l’intérieur pour pouvoir accueillir l’intensité émotionnelle de ses collaborateurs », décrypte Vanessa Monties.

Mettre en place des rituels de management

  • Rituels individuels

Les entretiens individuels réguliers, ou feedbacks, sont le meilleur espace pour libérer la parole émotionnelle, aller chercher le collaborateur sur ce qu’il vit et le faire repartir dans une bonne énergie. Mathilde Héliès recommande d’avoir ce type d’échanges toutes les trois semaines, « car si nous vivons une expérience de crispation dans notre job, au bout de trois semaines cela passe en mémoire interne. »

Ce à quoi Philippe Guerrier objecte : « Cela reste souvent du déclaratif. Il n’est pas certain que l’on déclare vraiment ses émotions sur ces outils de feedback. »

  • Rituels collectifs

Doivent s’y ajouter des rituels collectifs, là encore dans une logique graduelle. « Pour démarrer, des conférences pour sensibiliser au plus vite le plus grand nombre. Puis des formations, à adapter en fonction de là d’où l’entreprise part. Et en ciblant d’abord les compétences relationnelles, car si nous n’avons pas les codes de la communication, nous allons nous-même générer des émotions désagréables envers ses collaborateurs », détaille Mathilde Héliès.

L’intelligence émotionnelle, plus facile à développer dans les entreprises à taille humaine ?

Mathilde Héliès est dirigeante du cabinet de coaching Fullemo. - © D.R.
Mathilde Héliès est dirigeante du cabinet de coaching Fullemo. - © D.R.

« Il est plus difficile de mesurer la perception des soft skills comme l’empathie dans une grande entreprise que dans une PME », souligne Philippe Guerrier. Ce que confirme Stéphane Courtois. « Je refuse désormais de manager de très grandes équipes : la taille humaine est extrêmement importante pour créer et préserver le lien », exprime-t-il.

Mathilde Héliès est d’un autre avis. « À mon sens, le sujet dépasse complètement la taille de l’organisation. Ce qui fait sens est d’abord la culture managériale, ce que le dirigeant va lui-même impulser. »

Des constatations qui amènent à deux types de préconisations. Primo, développer la fonction de manager de proximité. « C’est celui-ci qui peut détecter les soucis de son équipe et trouver un fil de discussion permanent au quotidien », souligne Philippe Guerrier. Secundo : la stratégie doit être portée par le top management.

La QVT, environnement propice à l’intelligence émotionnelle

Le développement de l’intelligence émotionnelle doit s’ancrer dans une politique résolue de qualité de vie au travail (QVT). « C’est un volet qui monte dans les entreprises, le bien-être des salariés contribuant à leur performance, à faire venir les talents et à retenir les meilleurs éléments », note Philippe Guerrier.

Sens du travail et sentiment d’accomplissement, seuls facteurs réels de motivation

Les études montrent qu’aujourd’hui, les facteurs dits « d’hygiène » (salaire, bon environnement de travail) préviennent l’insatisfaction, mais ne motivent pas, d’après Vanessa Monties. Ceux qui motivent sont le sens du travail et le sentiment d’accomplissement. « Par ailleurs, les salariés ont besoin d’être dans un cadre professionnel propice à la production de nouvelles idées, ce qui n’est possible que là où on ne les pressurise pas », ajoute-t-elle.

Nécessité d’engagement réel de l’entreprise

Pour Mathilde Héliès, « ce qui fait foi, c’est d’arriver à aligner ce qui est affiché à l’externe, via la marque employeur, et l’expérience cognitive vécue au quotidien par les collaborateurs. »

Favoriser la transparence

Et pourquoi pas oser mettre en lumière ses failles ? « On voit ces temps-ci des managers qui parlent de leur maladie : c’est une manière d’aborder des sujets empathiques, en dehors des simples performances économiques », approuve Philippe Guerrier. Cette transparence peut aussi passer par la mise en place de chartes de bien-être au travail, incluant notamment le critère émotionnel.

Une pluie de bienfaits sur le management

« Le manager émotionnellement intelligent a des compétences intrapersonnelles (meilleure connaissance de soi) et interpersonnelles (amélioration de la relation). Il fait preuve d’une plus grande attention à ses collaborateurs, a une bonne capacité d’influence, sait gérer tensions et conflits, met en œuvre un environnement de travail sain et positif et est davantage en capacité d’appréhender l’incertitude », énumère Mathilde Héliès.

Développer l’intelligence émotionnelle des managers est ainsi un levier direct de réduction des arrêts de travail et des burn-out. Tout en améliorant encore la capacité de l’entreprise à attirer, affilier et fidéliser les talents.

Le QE Pro, un test pour mesurer l’intelligence émotionnelle des cadres et dirigeants

Mathilde Héliès et Vanessa Monties ont participé, avec l’EMLyon, à l’élaboration du Quotient Émotionnel (QE) Pro. « Le QE Pro est un test de performance en sept étapes, couvrant autant de compétences, présente la première. Il vise à mieux outiller les entreprises à recruter et faire évoluer managers et dirigeants, en leur donnant des indicateurs, au-delà du CV, pour apprécier leurs compétences relationnelles et émotionnelles. On dit souvent qu’on est recrutés sur le QI, mais qu’on évolue sur le QE !  »

Le QE Pro est conçu comme un test à part entière, avec des réponses « bonnes » ou « mauvaises ». « Ce qui coupe court aux biais possibles de l’autoévaluation  », précise la seconde. Il débouche sur des stratégies de régulation des émotions, détaillées sur le blog de Fullimo. Une expérience dont Stéphane Courtois n’a eu qu’à se féliciter : « Le scan émotionnel m’a appris à me connaître, et le bilan reçu me donne une boussole. »