L’INSP, successeur de l’ÉNA, proposera un parcours doctoral à la rentrée 2025
Créé en 2022 pour succéder à l’École nationale d’administration, l’Institut national du service public ouvre un parcours doctoral à partir de la rentrée 2025. En quatre ans, cette formation se déroulera entre l’établissement et une administration.

Renforcer les liens entre le monde académique et la recherche : c’est pour répondre à cet enjeu, inscrit sur sa feuille de route, que l’INSP lance un parcours doctoral en quatre ans.
À partir de la rentrée 2025, ce parcours sera ouvert à tout élève titulaire d’un master 2 ou équivalent, qui devra s’inscrire dans une université. Le sujet de thèse devra répondre à une demande de compétence spécifique formulée par l’administration.
Le parcours doctoral se divisera en deux parties : deux ans à l’INSP en tant qu’élève-doctorant (formation méthodologique, état de l’art, recherches, problématisation) et deux ans dans l’administration en tant que cadre supérieur-doctorant (rédaction et soutenance).
« Faire rencontrer deux mondes qui souvent se comprennent mal »

L’objectif pour Céline Husson-Rochcongar, directrice de la recherche à l’INSP, est « de faire se rencontrer deux mondes qui se connaissent assez peu, et qui souvent se comprennent mal, ou ne tirent pas chacun toutes les potentialités de l’autre ».
Au cœur des enjeux également : domestiquer le principe d’incertitude. « C’est le rôle de la recherche et des scientifiques de faire avancer la connaissance en faisant reculer les zones d’incertitudes. C’est le rôle des décideurs publics de trouver comment s’approprier ces connaissances pour les mettre au service de cette action publique. »
L’INSP cible trois objectifs :
- Permettre aux administrations de recruter des cadres supérieurs dotés d’une expertise renforcée pour mobiliser données, outils et méthodes scientifiques dans la conduite de l’action publique.
- Offrir aux cadres supérieurs de l’État un outil d’individualisation de leurs parcours de formation, qui facilite leur accès aux postes ou domaines qu’ils viseraient plus spécifiquement, notamment en contexte de transition écologique et numérique.
- Renforcer la mobilité des cadres supérieurs en facilitant la construction de certains parcours de carrière, notamment à l’international.
Vers une meilleure valorisation du doctorat auprès des recruteurs de la haute fonction publique ?
« La Direction générale des finances publiques a des doctorants au sein de ses équipes, mais ils ne sont pas forcément valorisés ou reconnus comme tels. Le doctorat ne fait pas partie des critères de recrutement. Pourtant, ce sont des besoins qui montent en puissance », estime Valérie Seguy, cheffe de service RH de la DGFIP, qui espère par ce biais pouvoir approfondir des thématiques liées à la fiscalité nationale ou internationale.
Didier Le Bret, diplomate et directeur de l’Académie diplomatique et consulaire du ministère des affaires étrangères, est enthousiaste : « Nous rejoignons la cohorte des grands pays européens qui acceptent l’idée, qui paraît évidente, que les études doctorales font sens dans la fonction publique. Ce n’est pas encore dans ses gènes. Il faut que chaque ministère s’en préoccupe et recrute directement des docteurs. J’essaie de convaincre les autorités qu’il faut pouvoir ouvrir une voie spécifique aux docteurs au Quai d’Orsay. »
Sébastien Chevalier, chef de service de la coordination des stratégies de l’ESR au ministère en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche, souligne : « Ces docteurs vont apporter une différence qui consiste à innover là où on ne s’y attend pas. »
Une initiative importante, estime France Universités
« Le parcours doctoral de l’INSP doit s’inscrire dans un processus exigeant en termes d’encadrement par des chercheurs ou des enseignants-chercheurs habilités à diriger des recherches et, à l’issue du parcours, de délivrance du doctorat par un jury conforme aux standards nationaux aussi bien qu’internationaux », a réagi France Universités, le 24 juin, jour de l’annonce de l’INSP et du ministère de la fonction publique.
France Universités ajoute avoir « insisté sur l’impératif de partenariats forts entre l’INSP et les universités qui accueilleront dans leurs écoles doctorales les doctorants identifiés par l’INSP », et « apportera tout son concours pour que le parcours doctoral soit bien le “levier d’innovation par la recherche” voulu par ses fondateurs ».
Alain Beretz, professeur émérite et ancien président de l’Université de Strasbourg (de 2008 à 2016), cette annonce ne suffit pas à renforcer la place des docteurs dans la haute fonction publique. « C’est assurément une bonne chose… mais le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? Même si l’INSP donne force détails sur ce cursus, ce sont les universités partenaires qui seules seront habilitées à fixer, à travers leurs écoles doctorales, les conditions de préparation et de soutenance pour ces doctorants », écrit-il sur LinkedIn le 25 juin.
L’ancien directeur du jury de l’ÉNA cite d’autres voies pour diffuser une culture scientifique de haut niveau aux futurs cadres de l’État, notamment les Conventions de formation par la recherche en administration (Cofra), expérimentées en 2022 et 2023, et qui n’ont pas été renouvelées depuis.
Une initiative qui s’inscrit dans la suite du concours spécial docteurs de l’ÉNA
Cette nouvelle s’inscrit dans les efforts pour valoriser le doctorat, dès 2019 : l’ÉNA ouvrait alors un concours spécial pour les docteurs. Depuis 2022, l’INSP délivre des contrats doctoraux et compte actuellement une douzaine de doctorants.
« Il n’y a rien de neuf dans tout ce que j’entends aujourd’hui, confirme déclare Romain Huret, président de l’EHESS. Mais il y a un retour à ce qui se faisait déjà dans les années 70, 80 et 90, où l’imbrication entre la haute fonction publique et l’enseignement supérieur était beaucoup plus forte. »
Il explique : « Ce mariage a connu des difficultés à la fin des années 90. Les sciences sociales sont devenues plus érudites, plus ethnographiques, plus sensibles au terrain et ont eu plus de mal avec la prise de décision publique, plus d’hostilité vis-à-vis de l’État. »
Romain Huret plaide pour des liens plus forts à tisser entre les scientifiques et la haute fonction publique et demande à inclure tous les domaines scientifiques dans cette démarche.