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Quel modèle économique pour des formations plus flexibles ?

Par Marine Dessaux | Le | Management

Pour une formation plus flexible et accessible, un nouveau modèle d’enseignement supérieur se dessine avec un présentiel centré autour des besoins des étudiants. Ce changement de paradigme nécessite de repenser le modèle économique estime le vice-président finances de l’UGA, Pascal Louvet. Lors du congrès « Publics empêchés » de la Fied, il évoque quelques pistes.

Un modèle économique qui répartirait différemment les heures d’enseignement. - © Conférence des présidents d’université - Université de Lorraine
Un modèle économique qui répartirait différemment les heures d’enseignement. - © Conférence des présidents d’université - Université de Lorraine

Plus de flexibilité et d’accessibilité dans les parcours grâce aux contenus pédagogiques numériques : c’est ce que promeut la Fédération interuniversitaire de l’enseignement à distance (Fied), qui organisait son congrès annuel, le 29 mars à Grenoble. Pour accompagner une plus grande personnalisation, comment le modèle économique doit-il évoluer ?

Pascal Louvet est également professeur de finance à Grenoble IAE. - © D.R.
Pascal Louvet est également professeur de finance à Grenoble IAE. - © D.R.

Pascal Louvet, vice-président finances et patrimoine de l’Université Grenoble Alpes (UGA), s’est penché sur la question. Pour lui, le paramètre clé est de « définir la réussite étudiante comme objectif ».

Actuellement, le pilotage économique des formations se base des indicateurs exprimés en fonction du nombre d’étudiants inscrits. Au cœur des calculs pour répartir les budgets : le nombre d’heures d’enseignement consommées par étudiant inscrit (H/E). Or, « ces indicateurs, en ne prenant pas en compte l’efficacité pédagogique, sous-estiment le coût économique de l’échec et occultent son coût social et humain », regrette le VP.  Il suggère ainsi une nouvelle façon d’assigner les moyens : en heure par étudiant qui réussit (H/R).

Répartir le présentiel différemment

Des publics présents dans l’attention aux enseignements

« L’assiduité est un enjeu économique », affirme Pascal Louvet. L’enseignement est une ressource précieuse et rare, un capital humain qu’il faut dispenser aux étudiants selon leurs besoins. « Le présentiel doit être réservé à des étudiants qui vont en retirer quelque chose : pas ceux qui maîtrisent déjà, ont d’autres besoins ou vont abandonner, mais des publics présents dans l’attention aux enseignements : c’est comme ça que le système devient économiquement viable. »

Un concept à envisager avec prudence : en effet, on observe que la motivation s’accroit quand un étudiant est dans de bonnes conditions et qu’un potentiel décrocheur peut être raccroché avec le bon encadrement, note un enseignant participant au colloque.

Dans quelles conditions la flexibilité est-elle souhaitable ?

La flexibilité n’est pas nécessaire ou pertinente dans tous les cas de figure. Elle l’est particulièrement dans les formation moins sélectives qui accueillent des profils très différents. « Dans ce cas-là, l’hétérogénéité demande plus de personnalisation », souligne Pascal Louvet.

Un numérique pas moins coûteux

C’est une idée reçue à déconstruire : le numérique — ou du moins le numérique qualitatif, qui permet une plus grande personnalisation et flexibilisation des parcours — n’est pas moins onéreux.

« Nous ne ferons pas d’économies en passant à ce modèle. La flexibilité c’est du sur-mesure : cela nous demande de passer du standard de l’uniforme, avec des cours magistraux et des travaux dirigés à quelque chose de beaucoup plus spécifique. »

Les évolutions qui doivent accompagner ce nouveau modèle

Cette nouvelle façon de penser la formation nécessite deux changements majeurs :

  • Une logistique immobilière repensée : avec moins d’amphithéâtres et plus de petites salles. « Cela implique tout un travail d’investissement », indique le VP finances.
  • Une organisation différente de la formation : pour une meilleure réactivité dans l’organisation du planning de tutorat, notamment.

In fine, une mutation du rôle de l’enseignant-chercheur

Autant d’évolutions qui changent la vision du service de l’enseignant-chercheur et la répartition de ses 192 heures de cours. Moins spécialisé, il adopterait un rôle de tuteur. La transmission descendante serait faite via des contenus étudiés à distance — créés ou adaptés par l’enseignant — et le présentiel consisterait en un temps d’un échange à plus forte valeur ajoutée.

Une contractualisation pluriannuelle

Dès lors, « le modèle économique doit intégrer la juste rémunération du travail de conception et d’actualisation du matériel pédagogique par contractualisation pluriannuelle reconnaissant l’investissement intellectuel, de même que celle du suivi de l’étudiant », pointe Pascal Louvet.

Une nouvelle façon de penser le métier qui demande des compétences pédagogiques plus approfondies à des académiques déjà absorbés par la recherche. Cela mènera-t-il à une dichotomie de ce statut et une plus grande spécialisation dans l’un ou l’autre de ces domaines ?