Vie des campus

Oraux grandes écoles : l’impact environnemental des goodies n’est plus admissible

Par Enora Abry | Le | Rse - développement durable

Gourde, porte-clefs, tote bag… pendant la période des concours aux grandes écoles de commerce, ces petits objets sont distribués aux admissibles. Cette production de masse ne s’accordant pas avec leur politique RSE, certains établissements ont décidé de réduire l’impact carbone de ces goodies, allant même jusqu'à les supprimer.

Kedge et Audencia ont pris des initiatives pour réduire l’impact environnemental des goodies - © D.R.
Kedge et Audencia ont pris des initiatives pour réduire l’impact environnemental des goodies - © D.R.

Fin du tour de France pour les admissibles qui ont passé les oraux des grandes écoles de commerce. Ils rentrent chez eux, les valises pleines de tote bag, de gourdes et de porte-clefs sertis du logo des différentes écoles pour lesquelles ils ont postulé. Car la séduction se fait dans les deux sens : les écoles aussi doivent persuader les meilleurs candidats de les choisir, plutôt qu’une autre.

Or, ces fameux goodies représentent un budget, mais surtout un impact carbone lié à leur production en masse. Certains établissements se sont emparés de la question afin de réduire ou même faire disparaître cette nuisance à l’environnement.

Campus Matin vous fait découvrir deux initiatives prises par de grandes écoles de commerce : Kedge business school et Audencia.

À Kedge, c’est zéro goodies !

Quand les admissibles arrivent sur le campus de Kedge pour y passer leurs oraux, aucun sac rempli de goodies ne les attend. Il en est même fini des fontaines à eau avec leurs gobelets en plastique. Sur les tables, des carafes et des ecocups. À la fin de leurs journées, une dernière question s’est glissée dans leur formulaire de satisfaction : « Kedge s’engage à reverser le montant alloué aux cadeaux candidats à trois associations. Laquelle souhaites-tu soutenir ? »

Arthur Walus est responsable promotion France depuis un an - © D.R.
Arthur Walus est responsable promotion France depuis un an - © D.R.

En effet, depuis 2021, la somme originellement dédiée à la fabrication des goodies, environ 20 000 euros, est à présent redistribuée à des associations. « Nous nous sommes demandé si ça avait du sens de leur distribuer ça, et la réponse est non, affirme Arthur Walus, responsable promotion France à Kedge. Un étudiant ne va pas choisir l’école parce qu’il aura un pin’s et des stylos. Et puis, avoir un pin’s Kedge n’a pas grand sens si finalement on n’est pas admis à Kedge. »

La première année, la somme dédiée aux goodies a été reversée à Pure Ocean, un fonds de dotation pour des projets de recherche en faveur des océans. Cette année, les étudiants sont libres de choisir parmi trois options : la fondation des femmes, l’Institut Jane Goodall, une organisation de protection de la vie sauvage  et la ligue de protection des oiseaux.

« Le fait de laisser le choix à l’étudiant permet de l’engager davantage. Et les dons ne vont pas à l’association qui a récupéré le plus de votes, mais ils sont répartis proportionnellement entre les trois en fonction du nombre de votes. Une manière aussi de respecter le choix de l’étudiant », explique Arthur Walus.

La sélection de ces trois associations s’est faite en accord avec la politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises) de l’école, nommée « Kedge Impakt ». Celle-ci repose sur trois principaux piliers :

  • l’inclusivité « Care for people » ; 
  • l’environnement « Act for planet » ; 
  • l’innovation « Innovate for tomorrow ». 

« Le service RSE de l’établissement avait présélectionné six associations, deux par pilier. Nous les connaissions toutes, que ce soit par des partenariats avec l’école ou via nos associations étudiantes. Chacune d’elle avait un impact concret sur notre territoire, ce qui nous importait. Puis, nous avons soumis les six associations au vote des équipes d’accueil aux admissibles », raconte Emilie Guéret responsable développement durable et diversité à Kedge.

Ce qu’en pensent les étudiants

Cette initiative semble plaire aux admissibles venus passer les oraux. « Je suis allée dans une autre école avant, j’ai déjà eu des stylos, un carnet, un sac et même une housse pour protéger une selle de vélo ! s’étonne Louise Rollot, admissible à Kedge. Je ne sais pas si je vais me servir de tout ça, alors mieux vaut éviter le gaspillage. »

Des propos que confirme une des étudiantes de l’école, qui a intégré le programme l’année dernière, Sophia Bendahhou. « Quand j’ai vu qu’on ne nous donnait rien, je dois bien avouer que j’étais un peu déçue, mais en faisant le tour des oraux j’en ai tellement eu, qu’à la fin j’ai presque tout jeté. J’ai donc bien fini par me rendre compte que donner cet argent était nettement plus utile. »

Une initiative parmi d’autres chez Kedge

« Notre politique RSE date de 2009, ce n’est pas nouveau », rappelle Emilie Guéret. Depuis lors, plusieurs mesures ont été mises en place pour agir sur ces différents axes RSE. Accompagnements au handicap, à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ou encore des panneaux solaires sur le toit du campus de Marseille. Les 60 associations étudiantes que comporte l’école ont aussi l’obligation d’avoir un référent RSE. « Nous voulons les encourager à calculer leur bilan carbone et à le réduire. »

« Comme nous sommes un établissement d’enseignement supérieur, notre but est aussi de former. Depuis 2019, nous faisons aussi des Fresques du climat, un atelier avec des cartes pour comprendre le dérèglement climatique, avec des animateurs qui sont formés en interne », ajoute-t-elle. 

Des goodies responsables à Audencia

Claude Lombard est directrice vie étudiante-admissions-concours - © F. Sénard-Audencia
Claude Lombard est directrice vie étudiante-admissions-concours - © F. Sénard-Audencia

De son côté, l’école de commerce Audencia a décidé de lancer des goodies à l’impact environnemental moindre. Pour chaque admissible : un sac issu d’une filière certifiée « global recycling standard », une gourde en plastique 100 % recyclé afin de ne pas utiliser de gobelet et un t-shirt issu de l’agriculture biologique. Autant d’objets qui viendront néanmoins grossir la collection de l'étudiant.

« Les autres produits classiques que nous proposons le reste de l’année sont amenés à disparaître et à être intégralement remplacés par ces produits responsables », indique Claude Lombard, directrice vie étudiante-admission-concours à Audencia.

Une première démarche qui pourrait ne pas s’arrêter là. « L’initiative de Kedge est intéressante. Nous y réfléchissons avec nos étudiants. » Toutefois, Audencia ne compte par l’appliquer pour autant, car l'école reste attachée à cette tradition.« Certains étudiants sont attachés au fait d’avoir une trace de leur passage à Audencia, précise Claude Lombard. Ce que l’on pourrait faire, c’est laisser le choix à chaque étudiant de prendre les goodies ou de donner cette part à une association. »

Une politique RSE accélérée par le plan Ecos 2025

Les produits responsables d’Audencia existent depuis une dizaine d’années. Plus loin encore, l’école de commerce est en partenariat avec l’association WWF depuis presque vingt ans. « WWF fait des interventions auprès de nos étudiants, nous avons aussi des collaborations au niveau de la recherche pour la transition écologique », explique Claude Lombard.

Toutefois, dans le cadre de son plan de développement Ecos 2025, Audencia a pris un nouveau tournant dans sa politique RSE. Son objectif « n’est pas de devenir la meilleure école du monde, mais d’être une école meilleure pour le monde », résumait Christophe Germain, directeur général pendant la présentation d’Ecos en février 2021. Première étape pour cela, la création de Gaïa, une école faisant partie intégrante d’Audencia et dédiée à la transition écologique, qui a ouvert ses portes à la rentrée 2021.

« À Audencia, nous avons à cœur de faire comprendre aux étudiants que dans leurs futurs, ils exerceront des métiers où cette dimension aura toute sa place », avance Claude Lombard.

Un apprentissage qui commence donc dès les oraux d’admissions.