« Utiliser la technologie pour renforcer les pratiques pédagogiques » avec des agents IA
La start-up belge Wooclap, qui propose des solutions interactives pour l’enseignement, a intégré cette année des agents IA dans ses outils, avec toujours comme objectifs de « soutenir l’apprentissage actif et offrir aux enseignants des outils simples pour engager leurs étudiants ». Arlène Botokro, directrice de l’innovation pédagogique de l’entreprise edtech répond aux questions de Campus Matin.
Wooclap lance une nouvelle génération d’agents IA. Quels sont les changements pour les enseignants par rapport aux « outils IA » traditionnels ?
Chez Wooclap, notre objectif reste le même : soutenir l’apprentissage actif et offrir aux enseignants des outils simples pour engager leurs étudiants. L’arrivée de l’IA ne change pas cette philosophie. Elle s’inscrit dans une logique de continuité : utiliser la technologie pour renforcer les pratiques pédagogiques.
Nous avons commencé en 2023 avec un générateur automatique de questions, que nous avons continuellement amélioré grâce aux retours de centaines d’enseignants. En 2025, cette dynamique nous a conduits à intégrer une série d’agents IA directement au sein des fonctionnalités existantes de Wooclap, et nous continuons à en développer, de nouveaux agents arrivent tout début 2026 !
Cette démarche repose sur deux convictions fortes :
- La pédagogie d’abord. Nous intégrons des principes issus de la neuroéducation et du learning design directement dans la logique des agents, afin que leurs suggestions soient alignées avec les mécanismes de l’apprentissage. En plus, nous co-concevons avec des enseignants afin de répondre aux réalités concrètes du terrain.
- L’enseignant reste aux commandes. L’IA ne dicte aucune méthode et l’utiliser est toujours un choix. Elle propose, suggère, accompagne. À tout moment, l’enseignant peut modifier, ignorer ou adapter les propositions. L’objectif n’est donc pas de remplacer l’enseignant, mais de lui permettre de consacrer davantage de temps à ce qui compte vraiment : expliquer, interpréter, motiver, créer du lien. L’IA renforce la mission centrale de Wooclap : rendre les pédagogies actives plus simples à actionner, plus fluides à animer, et plus faciles à déployer à grande échelle.
Vous insistez sur la co-construction avec des enseignants et des experts en neuroéducation. Comment cela s’est-il traduit dans le développement des agents IA ?
La co-construction fait partie de l’ADN de Wooclap. Le programme de trois mois que nous avons mené n’a été qu’un moment structuré dans un processus beaucoup plus large. Plus de 60 enseignants, enseignants-chercheurs, ingénieurs pédagogiques et formateurs issus d’universités du monde entier (Aix-Marseille Université, Regent’s University London, The Hague University of Applied Sciences, University of Ottawa, etc.) ont participé à l’idéation et au test de la première vague d’agents. Mais ce travail s’inscrit dans dix ans de collaboration continue avec des centaines d’enseignants.
Nous recueillons encore des retours chaque semaine, à mesure que les agents sont utilisés dans de vrais cours. Ces échanges influencent à la fois les fonctionnalités que nous améliorons au quotidien et celles que nous avons priorisées pour créer les agents. Deux principes ont guidé la conception :
- Un agent = une fonction pédagogique claire. Chaque agent répond à un besoin, ce qui permet aux enseignants de comprendre immédiatement son utilité.
- Une IA toujours visible et jamais activée par défaut. Les enseignants choisissent à chaque utilisation s’ils souhaitent activer l’agent ou non. Cela rend les agents simples, transparents et réellement adaptés aux pratiques de terrain.
Pour un enseignant en amphi ou en TD, à quoi ressemble une séance avec vos agents IA ?
Les enseignants rencontrent généralement nos agents IA à deux moments : en amont, lorsqu’ils préparent leurs activités, et pendant le cours, lorsque Wooclap les aide à gérer de grands groupes et à interpréter les contributions étudiantes en temps réel.
L’essentiel est que le cours ne devient jamais « piloté par l’IA ». L’enseignant garde toujours la main, et l’IA intervient uniquement pour faciliter des interactions difficiles à gérer manuellement.
Wooclap pour les cours, Wooflash pour les révisions… Comment les agents IA s’articulent-ils ?
Nos outils IA ont été conçus pour accompagner le cycle d’apprentissage.
Avant le cours, le Quiz Generator, présent à la fois dans Wooclap et dans Wooflash - notre premier assistant IA lancé en 2023 - permet de créer des questions diagnostiques ou pour démarrer une discussion directement à partir du contenu du cours. Les enseignants peuvent également utiliser l’agent Étiqueteur d’image pour préparer rapidement des activités visuelles.
Pendant le cours, les agents prennent le relais de manière complémentaire : approfondir la compréhension après un QCM, inspirer un brainstorming, résumer des dizaines d’idées instantanément ou organiser des réponses ouvertes thématiquement. Ces informations en temps réel aident l’enseignant à ajuster le rythme, les explications et les interactions.
Après le cours, Wooflash assure la consolidation des acquis. Les enseignants peuvent générer des questions de révision à partir de leur contenu et des feedback avec l’appui de l’IA, et les étudiants bénéficient de Wooflash pour comprendre leurs erreurs et progresser de manière autonome grâce à l’ancrage mémoriel et à la répétition espacée.
Ces outils IA créent ainsi une continuité naturelle entre la préparation, l’animation et la révision, tout en réduisant la charge de travail des enseignants.
Vous défendez une IA au service de l’enseignant et non à sa place. Comment cela se matérialise-t-il dans vos choix (données, transparence, ergonomie) ?
Notre approche est simple : l’IA doit libérer du temps et de la charge cognitive pour l’enseignant, sans jamais décider à sa place. Les cinq agents sont donc intégrés directement dans les activités existantes de Wooclap et restent entièrement éditables. L’enseignant voit toujours comment une suggestion a été générée et peut la modifier ou la supprimer. Rien n’est caché ; il n’y a pas de « boîte noire ».
Cette transparence est essentielle pour les établissements
Notre exigence en matière de données est la même que pour le reste de la plateforme : aucune réponse d’étudiant ni aucun contenu enseignant n’est utilisé pour entraîner des modèles externes, et tous les traitements respectent strictement le RGPD. Cette transparence est essentielle pour les établissements d’enseignement supérieur.
Côté ergonomie, nous avons fait un choix clair : des agents toujours visibles et jamais activés par défaut, afin que les enseignants sachent exactement quand l’IA intervient et puissent décider de l’activer ou non.
Quelles sont les prochaines étapes de votre feuille de route IA pour l’enseignement supérieur ?
Nous poursuivons dans la même direction : faciliter l’analyse de grands volumes de contributions étudiantes, aider les enseignants à adapter plus rapidement leurs activités et donner aux institutions une meilleure visibilité sur les dynamiques d’engagement.
Des moyens plus variés d’interroger leurs élèves
Nous travaillons également sur des fonctionnalités d’IA qui aideront les enseignants à utiliser plus efficacement leurs banques de questions existantes, quel que soit leur format, et à les transformer plus facilement en activités interactives.
Un autre axe de travail consiste à offrir aux enseignants des moyens plus variés d’interroger leurs élèves à partir d’un même sujet, avec des suggestions qui encouragent différents processus cognitifs et apportent plus de diversité aux activités d’apprentissage. L’idée reste la même : des outils pratiques, co-construits, qui renforcent l’enseignement sans ajouter de complexité.