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Télétravail, autonomie, dématérialisation… le 2e confinement vu par les Biatss

Par Isabelle Cormaty | Le | Management

Comment les conditions de travail des personnels Biatss ont-elles changé depuis le premier confinement ? Télétravail, autonomie professionnelle, dématérialisation des activités… Campus matin vous dévoile les résultats dans ce dernier volet de l'étude réalisée en partenariat avec le cabinet de conseils en ressources humaines Adoc Mètis.

20 % des Biatss estiment avoir plus d’autonomie de travail en comparaison à leur quotidien habituel - © Conférence des présidents d’université - Université Bretagne Sud
20 % des Biatss estiment avoir plus d’autonomie de travail en comparaison à leur quotidien habituel - © Conférence des présidents d’université - Université Bretagne Sud

Quelles sont les conditions de télétravail des Biatss ?

87 % des 196 personnels Biatss (bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé) ayant répondu à l'étude d’Adoc Métis et Campus Matin sur leur quotidien durant le deuxième confinement (voir encadré en fin d’article), utilisent un ordinateur professionnel fourni par leur établissement pour télétravailler. 

« Les établissements faisaient des efforts depuis longtemps pour équiper leurs personnels en matériel informatique compatible avec de la mobilité, notamment avec la logique “portable + station de travail” qui est devenue un quasi standard », explique le chercheur Romain Pierronnet, coconcepteur de l’enquête, consultant chez Adoc Mètis et chercheur associé à l’Institut de recherche et de gestion (Upec-Université Gustave Eiffel).

« Ensuite, il y a eu une tension sur les fournisseurs de matériel qui ont fait face à un afflux de commandes dans tous les secteurs d’activité. Pour autant, ces commandes étaient peut-être davantage destinées à actualiser du matériel vieillissant, qu’à équiper des agents qui ne l’étaient pas », avance-t-il pour expliquer la stabilité du taux d'équipement des Biatss depuis le premier confinement.

Quelles sont les spécificités des Biatss par rapport au télétravail ?

La catégorie des Biatss regroupe « de très nombreux métiers qui concourent aux missions fondamentales de recherche et de formation, mais dans le cadre d’un travail davantage “posté” que dans le cas des enseignants-chercheurs », indique Romain Pierronnet.

« Pensons par exemple que les Biatss, pour la très grande majorité d’entre eux, pointent en arrivant et en partant : leurs métiers relèvent a priori d’une conception plus classique d’un travail de bureau, là où les enseignants-chercheurs ont une culture professionnelle plus orientée vers l’autonomie, la mobilité, l’asynchrone. Ça ne veut pas dire que les Biatss s’en tiennent à leurs 35h par semaine (nous en connaissons tous qui ne comptent en réalité pas leurs heures) mais que leur rapport à l’espace et au temps est plus encadré. Le déploiement du télétravail ne signifie pas la disparition de tout cadre, mais sa réinvention pour tenir compte du distanciel », complète-t-il.

Le recours au télétravail massivement encouragé

87 % des Biatss interrogés disent que le télétravail a été encouragé dans leur établissement depuis le premier confinement. Mais quid du recours effectif au télétravail pour cette catégorie de personnels ? Il « est encore tôt pour en juger faute d’étude globale comparative et suffisamment détaillée », décrète Romain Pierronnet. 

« On peut imaginer que la présence réduite des étudiants a pu jouer, mais dès lors que certains d’entre eux, même en effectifs réduits, sont néanmoins présents, cela implique également la présence d’un grand nombre de personnels pour préparer les salles, les travaux pratiques, réaliser la maintenance des locaux et du matériel … En somme, il n’y a pas de relation linéaire entre le nombre d’étudiants présents et de personnels sur site », indique le consultant chez Adoc Mètis.

Il pointe également d’autres facteurs à considérer et ayant évolué depuis le premier confinement, notamment : 

  • le niveau de dématérialisation de chaque métier ;
  • les représentations managériales vis-à-vis du télétravail, ainsi que celles des agents ;
  • le type de consignes données par les directions etc.

Où en est la dématérialisation depuis le premier confinement ?

73 % des répondants ont observé une accélération de la dématérialisation du fonctionnement de leur établissement depuis mars 2020. « C’est un progrès notable qui, s’il a été dicté par la contrainte des circonstances, a aussi pu capitaliser sur des acquis antérieurs », constate Romaine Pierronnet, auteur d'une thèse sur les personnels Biatss.

« Si l’informatisation des métiers et la consolidation des systèmes d’information étaient déjà au cœur des préoccupations au moment de la loi LRU, il s’agit à la fois de chantiers techniques, mais aussi éminemment managériaux : la dématérialisation se fait au service des métiers et de la qualité des services rendus aux usagers », complète-t-il.

Une mise en place de la signature électronique contrastée

Si la dématérialisation s’accélère, paradoxalement, la mise en place de la signature électronique reste très inégale d’un établissement à l’autre. Ainsi, 46 % des répondants affirment que leur établissement n’a pas mis en place de dispositif de signature électronique des documents depuis le premier confinement.

« Nous savons par exemple que certaines universités ont temporairement autorisé la signature des PV de jury de diplôme avec les initiales tapées à l’ordinateur. Également, un accord par mail pour certaines décisions administratives a remplacé une signature. Le curseur n’est tout simplement pas positionné à ce jour », note Hugo Gaillard.

De l’insertion d’une signature sur un PDF à la signature sécurisée et cryptée via un logiciel, l’usage de la signature électronique cache des réalités diverses que les chercheurs à l’origine de l'étude vont tenter d’appréhender plus finement lors d’entretiens complémentaires.

« Est-ce qu’a minima, la crise a fait évoluer les représentations des personnels sur ce qui est dématérialisable et alors avec quel niveau de sécurité et avec quelle solution ? Ce sera une question intéressante à creuser dans la suite, complète Romain Pierronnet. Des pratiques de crise, rapides, précipitées parfois, et qui n’ont pas toutes vocations à la pérennisation, notamment pour les questions de fiabilité qu’elles peuvent poser, seront peut-être au départ de transformations plus profondes et structurées. »

Comment l’autonomie de travail des Biatss a-t-elle évolué ?

Depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020 :

  • 72 % des Biatss ont le sentiment que leur autonomie professionnelle n’a pas changé ;
  • 20 % estiment avoir davantage d’autonomie de travail en comparaison à leur quotidien habituel, soit 12 points de plus par rapport à la précédente étude réalisée en avril 2020.

Plusieurs explications avancées

Les chercheurs impliqués dans cette enquête creusent plusieurs hypothèses pour expliquer cette hausse de l’autonomie. La « diminution du sentiment de contrôle par la distance physique avec le supérieur, mais aussi par l’expérience possiblement rassurante du premier confinement » font partie des pistes étudiées.

 « La situation de crise permet de sauter des échelons de responsabilité pour réagir vite, par une sortie au moins temporaire de procédures bureaucratisées et très (trop ?) formalisées. Lors de la première crise, un apprentissage difficile, mais une fois le trauma dépassé, des collectifs de travail renforcés, qui absorbent davantage les chocs et acceptent davantage cette distance imposée, et occupent les espaces d’autonomie qu’elle offre », conclut Romain Pierronnet.