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Enseignant-chercheur : un métier passion, une attractivité à renforcer

Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Contenu sponsorisé - Concours/recrutement

Lors de la première journée « Nouvelles perspectives pour l’enseignement supérieur et la recherche », de l’Université Paris-Saclay, la table ronde « Carrières académiques, métier d’enseignant-chercheur » a dressé un panorama de la profession et de ses enjeux pour demain, en matière de formation, de recrutement et d’attractivité. Synthèse.

Le 19 octobre 2023 se tenait la première journée « Nouvelles perspectives pour l’ESR ». - © Université Paris-Saclay
Le 19 octobre 2023 se tenait la première journée « Nouvelles perspectives pour l’ESR ». - © Université Paris-Saclay

Un événement unique pour les jeunes universitaires qui se destinent à une carrière académique. C’est dans l’écrin de l’ENS Paris-Saclay et de son amphi Alain Aspect que plus de 200 doctorants et post-doctorants et autant d’enseignants-chercheurs seniors étaient invités par l’Université Paris-Saclay pour une journée de débat et d’échanges, le 19 octobre 2023.

L’établissement organisait en effet la première édition de sa journée annuelle « Nouvelles perspectives pour l’enseignement supérieur et la recherche », sur le thème « Regards croisés sur les carrières académiques dans un monde en transition ».

Pour la première fois sans doute en France, des responsables universitaires nationaux étaient invités à partager leurs enjeux et leur vision de l’ESR avec leurs jeunes collègues. Une manière de leur présenter les défis et les facettes multiples du métier d’enseignant-chercheur. 

Un événement, dont Campus Matin était partenaire, co-porté par l’Université Paris-Saclay (au travers de la graduate school «  Métiers de la recherche et de l’enseignement supérieur  » et de la Maison du Doctorat), ainsi que par l’ENS Paris-Saclay.

Enseignant-chercheur : des parcours et des expériences variés

En introduction aux débats, chaque intervenant a été invité à partager un ou deux jalons marquants de sa carrière

L’attrait de la découverte et de l’ouverture sur d’autres cultures

« Les trois années de thèse sont les plus belles, déclare Sébastien Chevalier, chef de la coordination des stratégies de l’ESR au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR). Je retiens leur liberté et leur fraîcheur : profitez-en, c’est le seul moment où vous ferez de la recherche sans les ennuis technico-administratifs, de management ou de budget. »

Le plaisir de l’innovation et des challenges

Nady El Hoyek, conseiller scientifique et pédagogique au MESR et maître de conférences (MCF) en Staps à l’Université de Lyon, retrace ses multiples challenges scientifiques.

« Je suis enseignant-chercheur depuis dix ans, en anatomie fonctionnelle. Les cinq premières années après mon recrutement ont été consacrées à la publication scientifique et à la réponse à de nombreux appels à projets. Qui m’ont amené à décrocher des financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et du Fonds unique interministériel et à mener des projets R&D avec d’autres laboratoires et des entreprises. Avant d’être lauréat, en 2018, du prix Passion enseignement et pédagogie dans le supérieur (Peps) en catégorie recherche. »

Accompagner les enseigants-chercheurs ayant échoué aux concours

Souhil Megherbi est vice-président ressources humaines de l’Université Paris-Saclay. - © Université PSL/ Pascal Aubert
Souhil Megherbi est vice-président ressources humaines de l’Université Paris-Saclay. - © Université PSL/ Pascal Aubert

Pour Souhil Megherbi, professeur des universités en physique et vice-président délégué ressources humaines de l’Université Paris-Saclay, le jalon le plus marquant de sa vie professionnelle a été « l’intérêt pour l’échec » des enseignants-chercheurs non admis aux concours de l’enseignement ou de la recherche. « Ce sont juste des collègues qui n’ont pas démérité, mais qui n’ont pas été pris à ces concours, souligne-t-il. Or, notre système élitiste ne donne pas assez de temps d’échanges vers un perfectionnement des dossiers. »

Pour remédier à ces écueils, Souhil Megherbi a initié la mise en place d’un processus de médiation aujourd’hui à l’œuvre dans diverses universités européennes. « Il s’agit de donner un retour aux intéressés, en reprenant, point par point, le déroulement de la soutenance et les conseillant, par exemple sur une consolidation de certains aspects de recherche ou la réalisation d’un postdoc, précise-t-il. Cela, dans un dialogue avant tout humain, mais aussi scientifique et pédagogique. »

La joie d’assister à l’éveil scientifique des doctorants

Pierre Desbiolles, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, évoque pour sa part : « Encadrer des doctorants a été pour moi une expérience extraordinaire. Notamment le moment où le doctorant en sait plus que vous sur le sujet. C’est le moment où l’on se dit : “Cette fois c’est bon, ça a marché”. »

Le doctorat : des candidats en baisse, une attractivité à renforcer

« En une douzaine d’années, on compte 10 % de doctorants en moins, c’est colossal », déplore Sébastien Chevalier. Une pénurie de candidats qui s’explique notamment par les conditions matérielles : plus de 20 % de thèses ne sont pas financées.

Les intervenants ont évoqué plusieurs pistes pour rendre le doctorat plus attractif.

Un doctorat en deux temps ? Dans le rapport d’avril 2021 sur la formation, le recrutement et la carrière des enseignants-chercheurs auquel il a contribué, Pierre Desbiolles s’est notamment penché sur les moyens d’asseoir la qualité de la thèse.

« Nous avons proposé une soutenance en deux temps. Le premier, à huis clos avec les rapporteurs, visant à l’obtention du feu vert scientifique pour terminer le manuscrit et soutenir. Le second étant la soutenance en public, qui mobilise d’autres compétences : capacité à hiérarchiser l’information, à mettre en perspective ses travaux, à faire du lien avec les enjeux sociétaux », informe-t-il.

Un processus cependant non retenu à ce jour.

Le renforcement de l’action du comité de suivi de thèse

Avec ses équipes, Sébastien Chevalier a mené, en 2022, un travail de refonte de l’arrêté sur la formation doctorale de 2016, en particulier sur le comité de suivi individuel. « Auparavant, celui-ci se réunissait une seule fois, et souvent en fin de thèse, d’où la détection trop tardive d’éventuels problèmes, explique-t-il. Désormais, il se réunit avant chaque réinscription et doit jouer un rôle d’alerte sur tout souci ne permettant pas de garantir la qualité de la thèse. »

Souhil Megherbi confirme : « En cas de problème méthodologique, il faut le dire le plus vite possible et pousser le doctorant à monter en compétences. »

Une politique de revalorisation du doctorat

Plus loin, c’est à un travail de tous les instants que l’on se livre au ministère pour renforcer l’attractivité du doctorat : recherche de proactivité via les réseaux sociaux, augmentation du salaire des doctorants et du nombre de contrats doctoraux, notamment en sciences humaines et sociales.

La LPR permet notamment d’augmenter de 50 % le nombre de thèses Cifre, en perte d’attractivité depuis deux ans. « Des thèses pourtant plutôt bien rémunérées et attractives, car permettant une double voie de sortie entre le monde académique et l’entreprise », relève Sébastien Chevalier.

Des efforts suivis au plus haut sommet de l’État, l’évolution du nombre de doctorants d’ici à 2027 faisant partie des indicateurs de suivi de politiques publiques.

Devenir maître de conférences : une orientation qui se prépare dès l’entrée en thèse

La procédure de recrutement est marquée par différents jalons administratifs. Une fois le doctorat en poche, il faut passer l’étape de la qualification : un processus à l’échelle nationale via les sections disciplinaires du Conseil national des universités, qui donnent ou non au candidat leur habilitation à présenter les concours. « Une première étape qui s’obtient relativement facilement si on a publié au moins a minima et eu des activités d’enseignement », estime Souhil Megherbi.

C’est pourquoi la carrière d’un MCF se prépare dès l’entrée en thèse. « Si vous faites valoir des missions d’enseignement, si vous êtes porteur d’axes d’innovation et de transformation pédagogiques, vous cumulez pendant vos années de thèse une expérience qui vous servira lors de la qualification et au-delà », avance-t-il.

Une recherche de profils plus transverses

En matière de recrutement des enseignants-chercheurs, le système universitaire français est aujourd’hui passé d’une demande longtemps très cadrée, sur fiche de poste, à une recherche plus transverse.

« Désormais l’on investit beaucoup plus sur le potentiel d’un doctorant que sur son employabilité immédiate, note Souhil Megherbi. Un bon candidat MCF sera celui qui saura convaincre le jury qu’il pourra apporter bien au-delà de son sujet de thèse. »

Nady El Hoyek ajoute : « Les établissements sont attentifs à la diversité des profils : cela fait partie de nos consignes de déploiement vis-à-vis des jurys. »

La nécessité de se former au long cours

Nady El Hoyek est conseiller scientifique et pédagogique au MESR. - © D.R.
Nady El Hoyek est conseiller scientifique et pédagogique au MESR. - © D.R.

Nady El Hoyek développe les enjeux d’une formation pédagogique évolutive des enseignants-chercheurs, tout au long de la carrière. C’est d’abord, une nécessité, poussée par les changements accélérés de l’enseignement supérieur : diversification des publics ; complexification, internationalisation et interdisciplinarité croissantes des savoirs ; incursion du numérique au quotidien.

C’est aussi, depuis 2018, une obligation légale pour les MCF fraîchement recrutés. « Enseigner dans le supérieur ne s’improvise pas, déclare Nady El Hoyek. D’où le Mooc “Se former pour enseigner dans le supérieur” que j’ai coordonné, à destination des doctorants, des attachés temporaires d’enseignement et de recherche (Ater) et des nouveaux MCF. »

Face à ces enjeux, l’Université Paris-Saclay propose à ses doctorants le parcours « Carrière de docteur : enseigner dans le supérieur » avec un label à la clé (voir encadré).

Les doctorants témoignent sur leur vision des métiers et des carrières académiques

Quatre doctorants, tous inscrits dans le parcours « Enseigner dans le supérieur » de l’Université Paris-Saclay, ont témoigné de leurs activités et de leurs souhaits.

Léa Chocron, doctorante et agrégée en chimie à l’ENS Paris-Saclay, fait sa thèse sur les molécules photochromes, en particulier sur la conversion d’énergie lumineuse en énergie thermique. Elle se dit convaincue que la chimie peut proposer des alternatives en matière d’enjeux environnementaux.

Ibrahim Bakari, doctorant en épidémiologie à l’Inserm, travaille sur les maladies respiratoires chroniques. « Je pense que l’enseignement fait partie intégrante du métier de chercheur », témoigne-t-il.

Josué Moreau, doctorant en informatique à l’Inria, travaille sur des méthodes formelles permettant de s’assurer de la sûreté des systèmes. Il ne compte pas succomber aux sirènes du privé : « L’enseignement est un domaine que je trouve très stimulant intellectuellement. »

Daniela Torres Diaz, doctorante en chimie à l’Université Paris-Saclay, prépare une thèse en astrochimie étudiant la transformation des molécules de la phase solide à la phase gazeuse. « D’origine chilienne, je suis arrivée en Europe pour mon master, dans le cadre d’un programme Erasmus+, retrace-t-elle. J’aspire plutôt à une carrière de chercheuse, avec une transmission des connaissances au sein du laboratoire. »

Devenir professeur : des inégalités entre universités sur le plan de l’HDR

L’habilitation à diriger des recherches (HDR), la plupart du temps nécessaire pour devenir professeur, est un autre moment clé de la carrière universitaire.

Pierre Desbiolles dresse toutefois le constat que d’une discipline à l’autre, les pratiques sont très différentes : certaines universités sont relativement peu exigeantes, alors que dans d’autres, on demande de faire un travail proche de l’ex-thèse d’État. « Ce qui concourt à de fortes inégalités d’une université à l’autre », regrette-t-il.

Des perspectives optimistes pour les carrières des doctorants

 Sébastien Chevalier chef de la coordination des stratégies de l’ESR au MESR. - © D.R.
Sébastien Chevalier chef de la coordination des stratégies de l’ESR au MESR. - © D.R.

« La thèse ouvre l’intégralité des champs du possible », signale Sébastien Chevalier. À savoir, la voie académique, choisie par 20 % des doctorants, mais aussi l’administration ou le secteur privé. Autant de secteurs très friands de la matière grise et de la culture de ces profils.

« Outre des compétences très pointues dans la discipline, issues du niveau de formation le plus long en France en dehors des études de santé, un doctorat, c’est trois ou quatre années d’expérience professionnelle.

Mais aussi la maîtrise d’une ou deux langues étrangères, une agilité d’esprit assortie d’une culture du doute, une forte capacité de synthèse, la pratique de l’enseignement et de l’achat de matériels scientifiques, l’habitude de s’exprimer devant un auditoire… », énumère-t-il.

L’intérêt du postdoc : la confrontation à d’autres pratiques et à d’autres cultures

Une carrière en organisme de recherche nécessite en outre de faire un postdoctorat. « C’est une expérience formidable, qui permet de confronter ses travaux à d’autres pratiques dans un laboratoire, une université, une entreprise, et qui, la plupart du temps, vous ouvre à une langue et une autre culture, pointe Sébastien Chevalier. Un package qui rend parfaitement armé pour se présenter aux concours. »

Un besoin fort en renouvellement des postes, des places pour tous

« Vous arrivez au bon moment, annonce aux doctorants Sébastien Chevalier. Dans les carrières académiques, il va y avoir une révolution en termes de départs en retraite d’enseignants-chercheurs dans les années à venir (NDLR : 53 % prévus d’ici 2029). Une période assez incroyable va s’ouvrir, avec un vrai besoin de renouvellement dans toutes les disciplines et dans toutes les structures d’enseignement et de recherche. »

Des repyramidages pour une parité mieux respectée

Pierre Desbiolles est l’un des auteurs du rapport sur les carrières des enseignants-chercheurs publié en 2021. - © D.R.
Pierre Desbiolles est l’un des auteurs du rapport sur les carrières des enseignants-chercheurs publié en 2021. - © D.R.

Seuls 36 % des femmes deviennent professeurs d’université. « Par ailleurs, les exigences de l’HDR les amènent à accéder à la fonction beaucoup plus tard que les hommes », observe Pierre Desbiolles.

Selon Sébastien Chevalier, plusieurs éléments font que la situation devrait changer. « Tous les établissements du supérieur sont soumis au Plan égalité gouvernemental, avec un axe fort sur la parité dans les recrutements, pour toutes les disciplines et fonctions », évoque-t-il. Un travail qui montre déjà des résultats prometteurs.

« À Saclay, les chiffres de recrutement de MCF sont à parité exacte entre les sexes, alors même que dans les candidatures on comptait bien moins de femmes que d’hommes. Ce, du fait de la politique volontariste de féminisation et de repyramidage des collèges menée au quotidien », pointe Souhil Megherbi.

💡 Revivre la journée  « Nouvelles perspectives pour l’enseignement supérieur et la recherche », sur le thème « Regards croisés sur les carrières académiques dans un monde en transition ».