Vie des campus

Prix du sup’ : pour qui, pourquoi, comment ?

Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures

De plus en plus nombreux, les prix de l’enseignement supérieur sont un gage de reconnaissance, de visibilité, plus que d’un gain financier substantiel dans la réalisation d’un projet. Des lauréats reviennent sur leur expérience et partagent leurs conseils.

 Subpœna le serious game de l’Université de Bordeaux, primé aux prix Peps - © D.R.
Subpœna le serious game de l’Université de Bordeaux, primé aux prix Peps - © D.R.

À destination des étudiants avec une idée, des enseignants aux méthodes pédagogiques originales, aux établissements engagés et à tout le reste du personnel de l’enseignement supérieur portant un projet, les prix, qu’ils soient institutionnels ou de fondations privées, visent à mettre en valeur des initiatives innovantes.

« Pourquoi j’ai déposé ma candidature ? » : l’expérience des lauréats

Prendre part à un prix est chronophage : il faut constituer du dossier, parfois faire une présentation devant un jury, assister à la nomination des lauréats, à la remise des récompenses… Il est donc indispensable de bien cerner le « juste prix », celui qui correspond parfaitement à votre projet ou vos enjeux, et avoir une idée précise de ce qu’on en attend. 

Plus de visibilité

Katie Brzustowski - © D.R.
Katie Brzustowski - © D.R.

Katie Brzustowski, responsable du service des formations documentaires de l’Université de Bordeaux, fait partie de l’équipe de bibliothécaires ayant imaginé un jeu sérieux, Subpoena, distingué par le prix Passion enseignement et pédagogie dans le supérieur (Peps).

« Nous n’avons pas imaginé soumettre Subpoena à une quelconque distinction, quand nous avons démarré le projet, témoigne-t-elle. C’est une fois qu’on a mesuré l’écho et le retentissement qu’avait le jeu auprès des enseignants et étudiants de l’Université de Bordeaux et du réseau universitaire, avec en parallèle une amélioration des outils de création, qu’on a pensé qu’il pourrait être promu au niveau local puis national ».

Un produit à valoriser

Ce serious game, qui vise à sensibiliser les étudiants sur la question du plagiat, a en effet été très remarqué en local, accumulant les retours positifs. Soumettre ce projet à un prix organisé par le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation (Mesri), répondait à une quête de visibilité :

« En 2016, nous avons été lauréats d’un appel de la région pour Subpoena, ce qui nous a conforté dans l’idée que c’était un produit à valoriser. D’autant plus qu’il peut être utilisé partout car disponible en licence libre sur internet. Et puis, participer au prix Peps, c’était aussi l’occasion de rappeler le rôle des bibliothèques universitaires comme centres d’expertise du plagiat », ajoute Katie Brzustowski.

Reconnaître une étape franchie

La recherche de reconnaissance, de sentiment d’accomplissement, au moyen d’une récompense, correspond à un certain timing. A l’IUT Saint-Etienne, ce n’est qu’en 2019 qu’un dossier pour les Trophées des campus responsables francophones a été présenté, malgré l’accumulation d’initiatives pour le développement durable dès 2013.

« L’inscription à ces trophées s’inscrit dans une démarche écoresponsable qui s’est bâtie au fur et à mesure jusqu’à devenir un enjeu majeur de l’IUT. C’est un point d’étape pour nous, une façon d’obtenir une reconnaissance, mais aussi de communiquer sur les projets que nous menons depuis six ans », explique Thierry Brunel, enseignant et chargé de mission communication, qui a monté le dossier de candidature avec Mireille Forissier, responsable administrative, et sept étudiants volontaires du DUT gestion des entreprises et administrations. Stratégie payante puisque l’IUT Saint-Etienne a été lauréat dans la catégorie « implication des étudiants ».

Faire évoluer le projet

Elise Rey du Boissieu - © D.R.
Elise Rey du Boissieu - © D.R.

Gagner en visibilité et financer les prototypes

Si la démarche d’identification et d’inscription au prix adéquat prend du temps et ne s’impose pas toujours dès le début, elle apparaît parfois comme une évidence. Pour Elise Rey du Boissieu, l’une des lauréates du prix « Pepite - Tremplin pour l’Entrepreneuriat Etudiant », soumettre sa candidature à une des distinctions d’envergures du Mesri, s’est avéré la suite logique des choses.

« En tant qu’étudiante-entrepreneuse à l’école d’ingénieurs EPF qui bénéfice de l’accompagnement d’un Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (Pepite), on m’a conseillé de participer au prix Pepite. C’était le moyen de gagner en visibilité et de financer les prototypes de Bric à Vrac, notre entreprise de distribution automatisée et connectée pour le vrac », raconte-t-elle.

Préparation en collaboration avec les équipes pédagogiques

La préparation d’une candidature a un prix demande l’investissement de plusieurs acteurs pédagogiques. Pour soumettre Bric à Vrac au prix Pepite, Elise Rey du Boissieu a travaillé avec ses deux co-fondateurs et un accompagnateur, de son Pepite, en charge des start-up.

A l’IUT Saint-Etienne, Thierry Brunel et Mireille Forissier ont été aidés du chargé de mission « Vie étudiante » et d’une enseignante du département génie biologique, et pour la réalisation d’une vidéo, les étudiants ont été assistés d’un technicien audiovisuel.

Enfin, à 'l’Université de Bordeaux, c’est une équipe de bibliothécaires qui s’est penchée sur le sujet : « La réalisation du dossier pour le prix Peps était très guidée, avec un formulaire très précis. Nous avons dû recueillir le témoignage d’usagers qui avaient rempli des questionnaires d’expérience utilisateur et d’enseignants qui avaient éprouvé la qualités des contenus », détaille Katie Brzustowski.

Se démarquer

Sélectionner un prix, monter un dossier avec soin : pour réussir, c’est la suite logique. Oui mais comment faire la différence ? Quel est ce truc, que les autres n’ont pas, qui fera pencher la balance ?

Selon Elise Rey du Boissieu, son projet entrepreneurial a été sélectionné pour l’impact qu’il pourrait avoir : « Bric à Vrac se positionne sur un marché florissant et grandissant, notre concept intéresse déjà de potentiels clients ». Elle précise que la complémentarité des spécialités entre co-fondateurs est également un des points forts de leur candidature. « Nous avons imaginé une machine, en équipe, à partir de nos compétences en mécanique, en informatique et en commerce », dit-elle.

Grâce aux étudiants

Mireille Forissier, elle, met l’accent sur la vision globale qui a été décisive à la candidature de l’IUT Saint-Etienne. « Nos projets abordaient aussi bien des questions de biodiversité, de gestion des déchets que d’éco-pâturage quand les autres insistaient sur un seul aspect ».

Mettre en avant l’investissement de nos étudiants

Elle souligne un autre point : le choix de la catégorie parmi les sept que proposent les Trophées des campus responsables. « Nous rentrions dans plusieurs cases mais ce que nous avons décidé de mettre en avant, c’est l’investissement de nos étudiants. Même si la thématique de développement durable est portée par la politique de l’établissement, nos élèves sont impliqués dans chaque nouvelle initiative au travers des projets tutorés »

Son collègue, Thierry Brunel renchérit : « C’est pareil pour la candidature au prix Peps, les étudiants ont travaillé main dans la main avec les équipes pédagogiques, ont repris tous les projets et ce sont eux qui ont présenté le pitch de deux minutes lors de la phase de sélection à Paris ».

En privilégiant les ressources internes

Katie Brzustowski considère que la force de Subpoena est d’être réalisé en grande partie avec les moyens humains sur place, alors que le secteur privé se positionne comme leader sur le segment des jeux sérieux : « Nous avons les compétences en informatique, en design, etc. A l’université, nous avons la possibilité de produire des serious game qui sont satisfaisants tant dans la qualité du rendu que l’expérience de jeu. Notre projet avait ceci de spécial qu’il démontrait que la pédagogie ludique, c’est possible en interne ».

La coopération s’est également effectuée au niveau régional, avec le soutien des universités de Pau et La Rochelle, impliquées dans le projet, qui assuraient un potentiel important de joueurs : « Lorsqu’il y a un investissement humain comme celui-ci, il faut être sûr qu’il y ait des utilisateurs. C’est en ce sens que faire jouer le réseaux des BU étaient un plus non négligeable », indique Katie Brzustowski.

Une récompense symbolique ?

Cérémonie des Trophées des campus responsables francophones - © D.R.
Cérémonie des Trophées des campus responsables francophones - © D.R.

Si les 10 000 € de récompense du prix Pepite permettront à Elise Rey du Boissieu et ses cofondateurs de financer les prototypes indispensables au développement de son entreprise, les 5 000€ du récoltés grâce au prix Peps ne sont pas suffisants à la création du prochain jeu sérieux de l’Université de Bordeaux sur le thème de la science ouverte (s’il est impossible de comptabiliser le coût total d’un tel projet, en termes d’heures de travail, la réalisation des graphismes se chiffre à environ 15 000€).

Pour les Trophée des Campus Responsable 2019, la timbale est purement symbolique : un trophée en bois recyclé.

Plus que financière, la récompense de ces prix est symbolique : la reconnaissance d’une institution d’envergure offre une visibilité nationale. « Suite à l’obtention du prix spécial du jury, nous avons appris que dans d’autres universités, celles de Rennes et d’Avignon par exemple, Subpoena avait suscité l’intérêt  », explique Katie Brzustowski.

« Nous avons également été contactés par des enseignants qui souhaitaient travailler sur le plagiat à partir du jeu sérieux, fait notable car la place du jeu comme ressource pédagogique n’est pas toujours reconnue. En interne aussi, le succès a été au rendez-vous avec 500 étudiants formés l’année passée ».

Et c’est d’ailleurs mieux comme ça ! Du moins c’est ce qu’estime Thierry Brunel : « Le trophée en bois recyclé que nous avons remporté n’a aucune valeur, si ce n’est la reconnaissance. Il y a beaucoup de concours où il y a une récompense à gagner, mais des prix autres que symboliques auraient été en contradiction avec le message écoresponsable que le Trophée véhicule. Cette reconnaissance, c’est un encouragement pour poursuivre dans cette direction : essaimer d’autres projets, donner des idées à d’autres ».

Et après ?

Grâce à leurs prototypes, les fondateurs de Bric à Vrac pourront signer leurs premiers clients et commencer véritablement leur activité commerciale, ce qui est la suite évidente pour ce projet et plus généralement pour les lauréats du prix Pepite.

Pour le prix Peps, les développements sont par contre moins évidents. Après le succès d’une initiative, il n’est pas toujours possible de continuer à la développer. Une difficulté que ne semble pas avoir rencontrée Katie Brzustowski et son équipe qui envisagent d’ajouter une portée européenne à leur nouveau projet de jeu sérieux sur la science ouverte avec l’idée de le proposer en version anglaise et pourquoi pas de candidater dans la catégorie internationalisation du prix Peps.

Pour les étudiants de l’IUT de Saint-Etienne, la prochaine étape est déjà presque demain : la finale internationale des Green Gown Awards (dont sont issus les Trophées des Campus Responsables Francophones) se déroulera le 8 juillet. Il est d’ailleurs possible d’y assister… virtuellement, bien sûr !

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