Doctorat : « Aller plus loin dans la sensibilisation au dispositif Cifre en lien avec le territoire »
Voyant le nombre de ses thèses Cifre diminuer, la Région Centre-Val de Loire a réuni les acteurs académiques et économiques pour inverser la tendance, lors des rencontres “Docteurs et entreprise”, le 26 mai. Une première qui a marqué le lancement de plusieurs initiatives locales, allant d’un comité d’accompagnement, à une déclinaison de proximité du réseau des alumni Cifre, en passant par une antenne régionale de la Communauté française des docteurs. Interview.

Stéphane Cordier, délégué régional académique à la recherche et à l’innovation du Centre-Val de Loire, répond à Campus Matin.
Quel est le point de départ de ces rencontres ?
Stéphane Cordier : Une des raisons de cette rencontre est le constat d’une baisse du nombre de Cifre depuis deux ans dans la région Centre-Val de Loire. De 2017 à 2022, il y avait autour de 45 thèses Cifre par an (sauf en 2020, l’année du Covid), mais en 2023 et 2024, il n’y en a eu qu’une trentaine.

À l’inverse, à l’échelle nationale, le nombre de Cifre augmente régulièrement, comme le prévoit la Loi de programmation de la recherche (LPR), qui vise une augmentation de 50 % entre 2020 et 2027 (de 1 500 à 2 150).
L’an dernier, 93 % des dossiers de thèse déposés en Cifre ont été validés. La difficulté ne réside donc pas dans le respect des prérequis ou du cahier des charges mais bien dans un déficit de dossiers déposés.
Si nous n’identifions pas la cause précise de cette tendance, nous voulons mobiliser l’ensemble des parties prenantes (les employeurs, les laboratoires de recherche et les étudiants de masters, potentiels futurs doctorants Cifre) pour l’inverser.
Cela passe notamment par le Pôle universitaire d’innovation (PUI) sur le périmètre régional, Loire Vallée Innov, qui travaille avec le monde socio-économique, en lien notamment avec l’agence de développement économique.
Qui était présent ?
Les rencontres régionales « Docteurs et entreprises » ont réuni, le 26 mai, les acteurs concernés par le doctorat en entreprise en région Centre-Val de Loire.
Parmi eux : les universités d’Orléans et de Tours, l’Insa CVL, les représentants régionaux du Medef et de la Chambre de commerce et d’industrie, le Club des entreprises de taille intermédiaire, mais aussi des personnalités telles que l’ancienne ministre de l’ESR, Sylvie Retailleau, la coordinatrice nationale pour le doctorat, Sylvie Pommier, la présidente de l’Association nationale des docteurs (Andès), Linda Lahleh, et le directeur du département Cifre de l’Agence nationale recherche technologie (ANRT), Pascal Giat.
Pourquoi ce sujet était-il important à défendre au niveau régional ?
Nous nous inscrivons dans l’esprit du rapport Pommier-Lazarus (2024), en défendant la reconnaissance du doctorat dans l’entreprise et la société.
Une problématique plus large autour de la parole scientifique
Dans le contexte géopolitique actuel, il est essentiel de défendre la science et la recherche. Le constat de la baisse des doctorats en Centre-Val de Loire est une alerte, mais elle s’inscrit dans une problématique plus large autour de la parole scientifique et de la reconnaissance de l’apport de la recherche dans l’élaboration des politiques publiques.
Si nous pouvons contribuer à mieux faire reconnaître — ou simplement faire connaître — la recherche, dont l’incarnation est le doctorat, nous aurons rempli notre mission.
Quelles nouvelles initiatives pour les doctorants et docteurs Cifre de la région ?
Plusieurs annonces ont été faites à l’occasion des rencontres Docteurs et entreprises. À commencer par la création d’un comité d’accompagnement régional (CAR) Cifre, qui sera expérimenté pour une durée d’un an. Sous la forme d’un guichet accessible par mail (drari.car-cifre-cvl@recherche.gouv.fr), il répondra à la fois aux entreprises, aux chercheurs et aux étudiants qui auraient des questions en amont d’un doctorat.
Piloté par la délégation régionale académique à la recherche et à l’innovation, ce CAR Cifre regroupe les acteurs académiques impliqués dans le PUI, ainsi que les écoles doctorales via le Collège doctoral Centre-Val de Loire, et les acteurs économiques (Medef, CCI, Club ETI, Technopole d’Orléans, Digital Loire Valley).
Du mentorat au sein du réseau des alumni Cifre
Le mentorat sera expérimenté au niveau régional dans le cadre du réseau alumni Cifre lancé par l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT). Le réseau, au sens d’annuaire, sera national, mais pour le mentorat, il est nécessaire de permettre des rencontres physiques et cela nécessite des actions au niveau de la région.
Une antenne régionale de la CFD
La présidente de l’Andès a également présenté la mise en place d’une antenne régionale de la Communauté française des docteurs (CFD). Ce réseau, principalement actif sur LinkedIn sous forme de groupe privé, compte 6 000 membres au niveau national. Tout docteur, même non-membre de l’Andès, peut y accéder, sous réserve de vérification par des bénévoles de l’association. On y trouve des offres d’emploi, des échanges d’informations, etc.
Des antennes locales de la CFD existent déjà, comme celle de Paris qui est la plus active, ou encore celle de Bordeaux. Mais la CFD Centre-Val de Loire est la première antenne régionale. En tant qu’ancien président de l’Andes (en 2003), cette initiative était particulièrement importante pour moi.
Un réseau régional d’ambassadeurs du doctorat
La création d’un réseau d’ambassadeurs et ambassadrices du doctorat pour la région Centre-Val de Loire a également été annoncée. Cela fait écho à une initiative de Sylvie Pommier en cours de constitution à l’échelle nationale.
Dix ambassadeurs et ambassadrices composent cette première promotion : ces docteurs aux profils divers ont pour mission notamment d’animer l’antenne régionale de la CFD. Des actions sont en préparation à l’échelle locale pour faire vivre cette Communauté française des docteurs avec des événements de type afterwork.
Ces rencontres dédiées au doctorat Cifre au niveau régional sont assez originales… Comment envisagez-vous la suite ?
Il s’agit en effet d’une initiative originale, une première dans son genre au niveau d’une région, à ma connaissance. Les sensibilisations au dispositif Cifre sont nombreuses, mais ici, l’objectif était d’aller plus loin en lien avec le territoire. Et qui sait, ces rencontres inspireront peut-être d’autres délégations régionales académiques à la recherche et à l’innovation à organiser ce type d’événement !
Rendez-vous dans un an
Nous avons déjà fixé un rendez-vous pour dans un an, à la même période, dans le cadre des prochaines rencontres régionales et autour de la Journée européenne du doctorat du 13 mai. Ce deuxième événement permettra de faire le point sur les initiatives lancées et d’aborder le doctorat avec une dimension plus européenne.
Cela permettra de revenir sur les actions accomplies dans le cadre des universités européennes dont font partie les universités de Tours (avec Neolaia) et d’Orléans (avec Athena).
En attendant et en tant qu’ancien président de l’Andès, je ne peux qu’inviter tous les titulaires du doctorat à promouvoir leur titre de docteur et notamment en l’affichant sur leur profil sur les réseaux sociaux, en ajoutant également le terme « PhD » qui montre la dimension internationale du doctorat… et à rejoindre la CFD !