Métiers
&
carrières

Politique RH : « Le baromètre d’engagement est un véritable outil de pilotage de la politique sociale »

Par Marine Dessaux | Le | Management

Plus de 2 200 : c’est le nombre de commentaires qu’a suscité chacun des deux baromètres de satisfaction des personnels et enseignants de l’école de management EM Normandie. L’établissement a mis cet outil en place à partir de 2022 pour l’ensemble de ses campus afin de prendre le pouls des services. Une démarche de long terme.

Les baromètres de satisfaction de l’EM Normandie affichent une participation de plus de 80 %. - © EM Normandie
Les baromètres de satisfaction de l’EM Normandie affichent une participation de plus de 80 %. - © EM Normandie

Depuis 2022, l’EM Normandie déploie un questionnaire de satisfaction une fois par an, via le logiciel proposé par l’entreprise Bleexo (qui a rejoint le gestionnaire de paie Silae en mars 2023). Les collaborateurs permanents de l’école s’y expriment anonymement sur 40 questions portant sur leurs conditions de travail. Interview d’Édeline Roy, directrice des ressources humaines de l’école de management. 

Pourquoi avez-vous mis en place ce baromètre ?

Édeline Roy : Cette démarche a été initiée pour accompagner le changement et le développement de l’école (campus en Irlande, à Dubaï en 2022 et bientôt à Boston). Au niveau des ressources humaines, nous voulions aller au-delà du ressenti qui ne parle pas toujours aux managers. Il nous fallait des chiffres pour objectiver ces impressions. Le baromètre social ou baromètre d’engagement est un véritable outil de pilotage de la politique sociale. 

Nous avons lancé le premier questionnaire Bleexo en avril 2022. Nous avons obtenu 86  % de réponses, soit 345 participants sur 403 personnes, et plus de 2 200 commentaires. Ce taux de participation est une première pour moi en 18 ans de carrière et pratiquement autant de campagnes de sondage ! 

Pour la seconde édition, au printemps 2023, le taux de participation a été de 80  %, pour un nombre équivalent de commentaires. Cela traduit une volonté de s’exprimer, ainsi qu’une marque de confiance et d’engagement des personnels.  

Segmenter les résultats tout en assurant l’anonymat.

Un des points forts de cet outil est la possibilité de segmenter les résultats par campus et par direction tout en assurant l’anonymat des collaborateurs. L’anonymat est essentiel dans ce type d’enquête, il est garanti grâce à l’existence d’un seuil de confidentialité : il faut minimum cinq répondants pour avoir un segment. L’ensemble des réponses individuelles vont directement et anonymement à Bleexo, tiers de confiance qui les agrège et fournit les rapports.  

Est-ce que les résultats ont confirmé ce que vous saviez ou y a-t-il eu des révélations insoupçonnées ? 

Les résultats renforcent souvent les sentiments, les intuitions que nous avions déjà. Il y a par exemple une direction où je me doutais que ça n’allait pas bien et qui exprime des difficultés. Les résultats chiffrés et les commentaires permettent alors d’en discuter ensemble.  

Mesurer la performance des changements.

Il y a parfois des changements directionnels profonds, difficiles à vivre pour les collaborateurs et c’est important de suivre les équipes dans ces moments-là. Le baromètre est un très bon indicateur pour mesurer la performance des changements : l’an dernier, une direction, qui n’allait pas bien et qui a depuis été accompagnée de manière poussée et où, entre autres des embauches ont été réalisées, s’améliore.  

Et il y a là où tout va bien, sur notre nouveau campus à Dubaï, par exemple. Cela a été une bonne surprise de voir les équipes heureuses et énergisées par ce projet.  

Quelles actions menez-vous à l’issue du baromètre ?

Des actions sont mises en place au niveau macro, à la direction des ressources humaines, et les managers travaillent à un niveau plus micro.  

Dans un premier temps, nous prévoyons une restitution. Les résultats sont d’abord rapportés au comité de direction, ensuite au comité social d’entreprise, qui est vraiment partie prenante de la démarche pour formuler les questions, puis à nos 60 managers.  

Enfin, à l’ensemble du personnel, nous partageons les grandes tendances. Une façon de les remercier de leur implication et de leur montrer que leur avis nous est important. Après le premier baromètre, huit personnes sur dix ont dit avoir eu écho des résultats et actions mises en place.

Présente sur plusieurs campus, l’EM Normandie compte une soixantaine de managers. - © D.R.
Présente sur plusieurs campus, l’EM Normandie compte une soixantaine de managers. - © D.R.

Quelles sont les principales demandes ? 

Parmi les points qui ressortent de manière forte, une envie d’actions autour de la justesse et l’équité des salaires. Cela nous a amenés à communiquer sur les bandes salariales par exemple, mais elles soulèvent encore des questions. Les collaborateurs en attendent plus, notre but maintenant est de réussir à les impliquer pour que les propositions viennent d’eux.  

La confiance envers les managers de proximité a augmenté.

Entre les deux éditions, nous avons constaté via le baromètre que la confiance envers les managers de proximité a augmenté. Nous les avons accompagnés à travers des formations  : sur les entretiens annuels, les risques psychosociaux. L’intérêt de cet accompagnement a été reconnu et cela m’invite à continuer. 

Parfois, le baromètre montre que des initiatives mises en place ne fonctionnent pas. Il faut l’entendre, faire un mea culpa et trouver une nouvelle organisation ou un outil qui réponde au problème. Mais il ne faut pas se concentrer uniquement sur ce qui ne va pas, mais voir aussi le positif  : il y a un vrai attachement à l’école et de la solidarité entre les équipes. 

Cette démarche s’inscrit nécessairement dans le long terme…

Nous nous sommes engagés à améliorer la communication interne et avons recruté une personne sur ce sujet en avril 2023. L’impact n’était donc pas encore visible pour la seconde édition du baromètre. 

Les collaborateurs attendent des actions rapides, or il y a un temps de latence dans l’évolution des indicateurs quand nous traitons des questions profondes de culture d’entreprise. C’est un travail de longue haleine, que nous allons continuer sur le moyen et long terme. 

Le challenge est de trouver la quintessence du message !

Mieux vaut mettre en place peu d’actions, deux ou trois, et s’y tenir. Il est difficile de traiter tous les points soulevés. Il faut se demander ce que nous souhaitons cultiver et ce que nous arrêtons de faire, notamment pour diminuer la charge de travail. Les retours sont tellement riches… Le challenge est de réussir à traiter toutes les données et trouver la quintessence du message ! 

Qu’implique l’usage d’un tel outil ? 

En entamant cette démarche, il faut être prêt à s’engager à entendre l’ensemble des commentaires. Cela invite à travailler dans une démarche d’amélioration continue. Il faut aussi être capable de lier nos actions aux commentaires, de valoriser les actions RH, managériales ou stratégiques. 

Les commentaires, même négatifs, sont le signe d’une envie que les choses bougent, les employés ne sont pas dans le quiet quiting (NDLR : la démission silencieuse consiste à s’investir au minimum dans son activité professionnelle plutôt qu’à quitter son emploi).   

Ce genre d’enquête crée des attentes assez fortes  : quand les personnes s’expriment, elles souhaitent une réponse. Il ne faut pas que cela s’essouffle. C’est pourquoi nous allons rester à un questionnaire par an, avec des questions similaires. Ce rythme est déjà important, pour modifier les choses en profondeur il faut parfois plus de temps.

L’EM Normandie a ouvert un campus à Dubaï en 2022. - © EM Normandie
L’EM Normandie a ouvert un campus à Dubaï en 2022. - © EM Normandie

Pourquoi avez-vous retenu ce prestataire ? 

Nous avons choisi Bleexo  à la suite d’un appel d’offres, car nous avons aimé leur méthodologie. Ils proposent de travailler sur l’employee net promoter score (NDLR  : un indicateur qui mesure l’engagement des employés) et permettent d’identifier des points d’actions prioritaires.  

Une vingtaine d’euros par collaborateurs par baromètre.

L’outil est en outre bilingue et respectueux du RGPD, ce qui est essentiel. Son coût s’élève à une vingtaine d’euros par collaborateur et par baromètre, soit environ 10 000 € par an.  

Des grandes écoles ont fait l’objet de polémiques pour harcèlement moral  : est-ce pour éviter ce genre de situation que vous avez mis en place ce baromètre ?  

Nous avons ajouté en 2023 une question sur cette thématique  : « Cette organisation est-elle exempte de harcèlement et discrimination ? ». Neuf personnes sur dix ont répondu non. C’est typiquement le genre de sujet à aller gratter plus finement par la suite, car cet outil ne permet pas de détecter les problèmes individuels. Il partage un ressenti collectif. 

Si je reçois un commentaire d’une personne se disant victime de harcèlement, je peux répondre, mais je ne sais pas à qui je parle. Nous avons une plateforme de signalement pour les dysfonctionnements organisationnels à destination des étudiants que nous allons déployer en 2024 pour les collaborateurs. 

Les universités aussi mesurent la qualité de vie au travail

Plusieurs établissements d’enseignement supérieur publics ont mis en place un baromètre du bien-vivre au travail pour leurs personnels, à l’instar de Nantes Université en 2023, d’Aix Marseille université (AMU) en 2022, ou encore l’Université de Bordeaux la même année.

Avec des questionnaires plus ou moins longs, jusqu’à 82 questions pour l’AMU. Les taux de participation y sont moins élevés : 44 % des personnels ont répondu, toujours dans l’établissement marseillais qui a travaillé avec le cabinet Plein sens.