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Les enseignants de la filière FLE cumulent les difficultés

Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Personnels et statuts

Si les professeurs de langues dans le supérieur ont le blues, la filière Français langue étrangère souffre de difficultés spécifiques, qui rendent particulièrement pénible le quotidien de ses enseignants. Le Syndicat national du personnel technique de l’enseignement supérieur et de la recherche (SNPTES) alerte d’ailleurs sur les questions de souffrance au travail dans ces filières. Quelles sont les raisons de ce mal-être ?

Il n’existe pas de concours FLE pour devenir enseignant. - © Conférence des présidents d’université
Il n’existe pas de concours FLE pour devenir enseignant. - © Conférence des présidents d’université

« Les questions de souffrance au travail concernent souvent ces départements », alerte le Syndicat national du personnel technique de l’enseignement supérieur et de la recherche (SNPTES).

1. Difficultés à se faire une place

La filière Français langue étrangère (FLE) ne fait pas partie des départements linguistiques, mais dépend des Sciences du langage, rattachées à la septième section du Conseil national des universités (CNU linguistique).

« De ce fait, les seules universités ayant un département FLE sont celles qui font des SHS. Très souvent, et dans les filières scientifiques notamment, on est vu uniquement comme un outil d’intégration des étudiants étrangers plus que comme une matière d’enseignement, et encore moins comme un éventuel objet de recherche  », évoque une enseignante en FLE qui préfère garder l’anonymat.

2. Système statutaire à deux vitesses

Dans le système éducatif institutionnalisé, il n’existe pas de concours FLE pour devenir enseignant, à quelque titre que ce soit (premier ou second degré, supérieur). Le master - ou même le doctorat - FLE ne débouche pas sur un concours d’entrée dans la fonction publique.

« Si l’on n’a que cette formation à son actif, ce qui est mon cas, on ne peut pas être professeur certifié ou agrégé de FLE. Et, de fait, on est soit rémunéré sur la base d’une grille générale d’enseignant contractuel du second degré, soit sur la base de la grille des certifiés, mais sans réévaluation automatique du salaire à l’ancienneté comme c’est le cas pour tous les enseignants titulaires », déplore cette enseignante.

Marie-Pascale Hamez est MCF en didactique du FLE à l’Université de Lille. - © D.R.
Marie-Pascale Hamez est MCF en didactique du FLE à l’Université de Lille. - © D.R.

Seuls les enseignants ayant validé, en plus de leur CAPES ou de leur agrégation, ce master FLE (voire un simple module suivi en licence ou en master) peuvent prétendre à cette titularisation. Les autres devant se contenter de postes de contractuels ou de simples vacations. Ce qui amène à certaines aberrations.

« Je conseille à mes étudiants en master FLE de passer un concours d’enseignement dans une matière qu’ils maitrisent bien et de passer ensuite un master FLE pour enseigner », souligne Marie-Pascale Hamez, maîtresse de conférences en didactique du FLE à l’Université de Lille.

3. Précarité galopante

Un système à deux vitesses qui explique qu’en FLE, plus encore que dans les autres disciplines, la précarité soit le mot d’ordre. Chaque grande ville compte son centre universitaire d’enseignement du FLE, une structure qui fonctionne un peu comme une école de langues et qui propose des cours sur demande (écoles, adultes, enfants, associations, entreprises…).

Les équipes pédagogiques sont souvent majoritairement composées de vacataires

« Les équipes pédagogiques sont souvent majoritairement composées de vacataires, de tous profils, qui travaillent sur plusieurs établissements en même temps, précise notre enseignante. Dans nombre d’entre eux, il y aurait de quoi avoir plusieurs permanents, mais tellement de besoins en anglais qu’on ne va pas mettre un poste de FLE », souligne-t-elle.

4. L’étranger, planche de salut ?

Ce qui aide les enseignants FLE à tenir, c’est que le diplôme a avant tout vocation à s’exporter à l’étranger. Et, bonne nouvelle : il y a de la demande, via le réseau culturel français à l’étranger, assez tentaculaire, sous la houlette de l’Agence pour l’Enseignement du Français à l’Étranger, qui irrigue les lycées français à l’étranger, ou encore de l’Alliance française, une fondation qui propose cours privés et activités culturelles en petits groupes.

« On est tous passés par une période d’expatriation. Pour ma part, j’ai notamment travaillé trois ans en Grande-Bretagne  », témoigne notre enseignante anonyme. Mais c’est le retour en France qui peut poser problème…

5. La crise sanitaire, ultime épée de Damoclès

Ces derniers mois, ces facilités d’emploi à l’étranger ont été considérablement grevées par la crise sanitaire et les restrictions aux frontières. Tout en plombant encore les difficultés d’insertion dans l’Hexagone. 

« Les places sont chères, encore plus depuis la Covid, témoigne l’enseignante. Certains de mes collègues d’écoles privées sont en chômage partiel depuis plus d’un an. À l’Alliance française de Lyon, 70 à 80 % des effectifs d’enseignants ont été licenciés, au profit de CDD embauchés avec moins d’expérience. »

Quant à ceux qui restent en poste, ils doivent souvent faire cours devant des classes clairsemées. « À Lille, nous avons enregistré une baisse de 20 à 30 % des effectifs en provenance d’Asie », pointe Marie-Pascale Hamez.