Erasmus +, un vrai levier pour l’employabilité et l’insertion des publics fragiles
Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Stratégies
Le programme Erasmus +, ce n’est pas que des échanges universitaires aux quatre coins de l’Union européenne. Plus de la moitié des mobilités se font dans le cadre de stages en entreprise, visant à accroître l’employabilité.
Au grand bénéfice des publics fragilisés socialement, majoritaires parmi les stagiaires de la formation professionnelle. Parmi eux, de nombreux jeunes, étudiants ou diplômés de l’enseignement professionnel.
Sa L2 trilingue anglais-japonais-coréen en poche, Clarisse Girod-Garufi, 24 ans, enchaîne les petits boulots avant de se résoudre à pousser la porte de son agence Pôle emploi.
« Ma conseillère m’a suggéré d’exploiter les atouts linguistiques de mon CV et m’a proposé un stage de trois mois à Berlin, dans une école de langues en ligne, via le programme Erasmus +, témoigne la jeune femme. Arrivée en septembre 2019, je me suis vite intégrée à l’équipe et on m’a très vite fait confiance. »
« J’ai repris confiance en moi et en mes capacités, au bénéfice de ma qualité de travail. A tel point qu’ils ont décidé de m’embaucher !, s’exclame-t-elle. J’ai même été promue, dès juin, au rang de Business development manager, ce que je n’aurais jamais imaginé. Sur le plan salarial aussi, c’est inespéré. Avant même d’être promue, je gagnais plus que le Smic en France, et depuis mon salaire a presque doublé ! »
Des immersions professionnelles pour mieux rebondir
Comme Clarisse, 160 à 180 demandeurs d’emploi - des jeunes, de tous niveaux de diplôme et d’expérience professionnelle, mais aussi des personnes de tous âges en reconversion - partent chaque année aux quatre coins de l’Europe, sous la houlette de Pôle emploi Occitanie.
« Comme toutes les agences régionales Pôle emploi, nous accompagnons les mobilités Erasmus+ depuis 2012, via l’attribution de bourses, pour les personnes ayant besoin d’acquérir des compétences supplémentaires sur les plans technique, humain et linguistique, afin de prendre un nouveau départ », témoigne Brigitte Orgambide, responsable du service international à la direction régionale de l’organisme.
Aider les publics les plus en difficulté
C’est une réalité encore mal connue : loin d’être réservée à une élite estudiantine, Erasmus+, programme visant à favoriser l’emploi en Europe par la mobilité et la formation, se positionne, et de plus en plus, comme un acteur de l’inclusion sociale. Depuis 2014, l’agence s’est même fixée pour objectif de renforcer l’employabilité des publics les plus en difficulté.
38 % des apprentis et stagiaires de la formation professionnelle français en mobilité Erasmus+ en 2019 sont des jeunes d’origine sociale populaire, et jusqu’à 60 % pour les apprenants de la formation professionnelle.
Par ailleurs, 30 % des stagiaires de la formation professionnelle continue étaient des chômeurs de longue durée au moment de leur départ. Et l’on comptait dans les rangs des partants 1,5 % de bénéficiaires en situation de handicap.
Des départs soigneusement préparés en amont
Plus de 50 % des mobilités Erasmus + depuis la France sont aujourd’hui des stages en entreprise. « Les stages durent de trois à six mois, afin de vraiment faire office de tremplin vers l’emploi, précise Brigitte Orgambide. Nous leur trouvons une entreprise d’accueil avec un tuteur, pour une mission adaptée au profil du candidat dans le sens d’un accroissement de ses compétences. »
« Tous les frais (transports, logement, nourriture), ainsi qu’une assistance administrative et logistique complète, sont pris en charge, de façon à ce qu’ils puissent se consacrer totalement à leur stage », ajoute-t-elle.
S’assurer de l’engagement du candidat
Le départ est le fruit d’un processus en plusieurs étapes. Une fois leur besoin de mobilité détecté via les échanges avec leur conseiller, les candidats intéressés sont invités à un atelier d’information fouillé sur les tenants et aboutissants du projet de mobilité.
l’objectif de l’aventure est de les faire sortir de leur zone de confort
« Avant de s’engager plus avant, il faut qu’ils aient bien en tête qu’il ne s’agit pas d’un séjour touristique à l’hôtel, mais bien d’un stage en immersion, où ils vont devoir satisfaire aux horaires de l’entreprise, ainsi qu’aux contraintes d’un hébergement en collectif, dans une famille d’accueil ou en colocation, souligne Brigitte Orgambide. Et que l’objectif de l’aventure est de les faire sortir de leur zone de confort, de les confronter à d’autres types de relations sociales et hiérarchiques. »
Accompagner les jeunes dans leurs démarches administratives
Le candidat envoie ensuite CV et lettre de motivation, en français et dans la langue du pays de destination, à l’organisme qui le suit. Il passe ensuite un entretien en visioconférence avec les partenaires d’envoi et d’accueil, qui seront ensuite chargés de démarcher les entreprises locales appropriées.
Avant le départ, les futurs stagiaires suivent aussi un test et un stage de langue obligatoires, visant à les faire acquérir les rudiments du vocabulaire technique dont ils auront besoin sur place.
Lors d’une ultime réunion de préparation pratique, tous les détails sont passés au crible : carte bancaire, matériel informatique, adresse mail valide, carte européenne de santé, voire extrait de casier judiciaire ou test PCR récent.
Une employabilité boostée
L’amélioration de leur employabilité est l’une des motivations principales des candidats au départ. Et les études de l’Observatoire Erasmus + montrent que les jeunes ayant connu une mobilité encadrée à l’étranger connaissent une amélioration de leurs compétences transversales et trouvent un emploi plus rapidement.
À l’instar de Benjamin Ferron, 23 ans. Tout juste titulaire d’un brevet professionnel en cuisine, le jeune homme est parti en stage Erasmus+ en octobre 2017, sur proposition et avec l’accompagnement de son Centre de formation des apprentis. Pendant six mois, il a travaillé dans un restaurant gastronomique au centre de Londres.
Parfois une proposition d’embauche après le stage
« Au début, ça a été difficile d’arriver dans un nouveau pays avec une langue que je maîtrisais mal, se souvient-il. Mais je suis tombé dans une super équipe, dans une entreprise très ouverte et familiale, habituée à travailler avec des étrangers. A la fin de mon stage, ils ont voulu me garder, je n’ai pas hésité. J’ai passé plus de deux ans et demi en contrat à Londres, avant de revenir en France cet été. »
Comme Benjamin, ils sont nombreux à s’insérer plus facilement au retour. « En Occitanie, entre 6 et 7 stagiaires sur 10 en moyenne trouvent un emploi dans les trois mois qui suivent la mobilité, estime Brigitte Orgambide. En les obligeant à se prendre en main de manière inédite, à se confronter à d’autres cultures, à d’autres modes de travailler, cette immersion leur permet d’aller chercher en eux des ressources qu’ils n’imaginaient pas. »
Prise d’autonomie et de confiance en soi : les clés du succès
Une analyse confirmée en tous points par le jeune cuisinier. « L’expérience m’a apporté beaucoup d’autonomie, une certaine ouverture d’esprit et m’a beaucoup aidé à apprendre sur moi-même, sur mes capacités et mes compétences », décrit-il.
« Par ailleurs, c’est toujours un plus de parler anglais ou d’avoir une expérience à l’étranger, note-t-il. Autant d’atouts qui ont joué dans le fait que j’ai retrouvé très vite un CDI, dans ma région de la Drôme. Si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une seconde ! »
Démultiplier ses opportunités
Quant à Clarisse Girod-Garufi, elle est, pour le moment, toujours en CDD. Ce qui ne trouble en rien sa sérénité. « J’ai la quasi-assurance que mon contrat sera renouvelé, déclare-t-elle. Et si jamais ce n’était pas le cas, j’ai reçu, même en poste, plusieurs propositions d’entreprises extérieures. »
« Si ma mission n’est pas reconduite, je peux rester à Berlin et trouver un autre job en très peu de temps. Sinon je chercherai ailleurs, mais toujours à l’étranger. Erasmus + ouvre, en soi, pas mal d’opportunités, qui se démultiplient encore une fois sur place », conclut-elle.