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Robots de téléprésence : un usage limité dans l’enseignement supérieur

  • Marine Dessaux
  • Le
  • Équipements et systèmes d'informations

Ils permettent aux étudiants hospitalisés ou temporairement invalides de garder un pied dans la salle de classe : les robots de téléprésence, expérimentés dans l’enseignement supérieur à partir de septembre 2021, se sont heurtés à plusieurs obstacles et n’ont finalement été que peu utilisés. Le ministère a donc, depuis 2025, opté pour un nouveau fonctionnement, remplaçant un stationnement sur les campus par une flotte centralisée et prêtée selon les besoins.

L’Université de Bourgogne est pionnière sur l’usage des robots de téléprésence en France. - © Université de Bourgogne
L’Université de Bourgogne est pionnière sur l’usage des robots de téléprésence en France. - © Université de Bourgogne

Hospitalisation, pathologie invalidante, handicap temporaire mais aussi problématiques de santé mentale qui empêchent la venue en cours : le robot de téléprésence, pied roulant automatisé surmonté d’un écran, répond à un besoin d’inclusivité ponctuel. Grâce à la visioconférence, les étudiants peuvent assister au cours, poser des questions et circuler dans la salle de classe.

Un outil qui paraissait prometteur et sur lequel le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) avait largement misé : lors de la première phase du projet Ted-i, de 2021 à 2024, 216 robots étaient répartis entre 27 établissements qui en avaient fait la demande.

Seulement, au cours de l’année universitaire 2022-2023, moins de 40 utilisateurs effectifs avaient été enregistrés. Un chiffre qui a encore diminué en septembre 2023 : seuls 30 étudiants bénéficiaires étaient comptabilisés au premier semestre.

Des limites, particulièrement dans les universités

« Des freins importants ont été identifiés : manque de ressources humaines, contraintes techniques, ou absence d’étudiants éligibles dans certains établissements », indique le ministère à Campus Matin.

L’Université de Bourgogne, particulièrement engagée dans l’expérimentation des robots de téléprésence, en a compté jusqu’à 43, de 2021 à fin 2024. En plus de ceux prêtés par le ministère, 18 appartiennent à l’établissement, dont 10 financés par le biais d’un appel à projets régional. À la rentrée 2024, sept étudiants utilisaient un robot de téléprésence.

Alexandre Fournier estresponsable adjoint du service pédagogie numérique et ressources. - © Université de Bourgogne
Alexandre Fournier estresponsable adjoint du service pédagogie numérique et ressources. - © Université de Bourgogne

« Nous avons rencontré quelques problèmes d’usage, rapporte Alexandre Fournier, ingénieur pour l’enseignement numérique et responsable adjoint du service pédagogie numérique et ressources. Les personnes qui utilisent un robot doivent veiller à le rebrancher sur sa base en fin de journée, car il se décharge très rapidement. Il faut aussi racheter des batteries au bout de plusieurs années d’utilisation. Ce n’est, en outre, pas toujours facile à utiliser quand il y a des escaliers. Il faut prévoir que les étudiants transportant le robot bénéficient de la clé des ascenseurs des bâtiments. »

Même problématique à l’Université de Strasbourg, qui a testé les deux modèles initialement proposés par le ministère : quatre robots-tablettes « Beam », qui tournent à 360 degrés, et un automate manipulable à distance avec une manette, « Endmo ».

« Les robots-tablettes ont plutôt bien fonctionné, rapporte Fabienne Rakitic, coordinatrice de la mission handicap de l’établissement. En revanche, le robot se rapprochant plus d’une présence humaine n’a pas été utilisé. Sur un campus avec beaucoup de bâtiments, son usage était compliqué. Il aurait été pertinent dans un institut universitaire de technologie (IUT), où il n’aurait pas fallu le déplacer d’un site à l’autre ou gravir des étages. »

Autre défi pour les universités : faire connaître cet outil qui n’est pas encore bien identifié par les étudiants.

Un temps d’adaptation nécessaire et un protocole à développer en interne

L’utilisation des robots de téléprésence demande un temps d’adaptation et des règles de fonctionnement définies pour l’ensemble des acteurs : depuis la gestion technique du robot jusqu’à son suivi lors des cours, de salle en salle.

« Nous avons instauré un protocole pour les robots-tablette. C’est un étudiant assistant d’étude qui est habilité à manipuler les outils depuis la salle de formation. Nous n’allions pas demander cela aux enseignants : ils n’en ont pas le temps », indique Fabienne Rakitic.

L’Unistra a partagé ce que voit l’étudiant à travers le robot de téléprésence. - © Unistra
L’Unistra a partagé ce que voit l’étudiant à travers le robot de téléprésence. - © Unistra

En outre, il a fallu procéder au paramétrage des robots avec l’aide d’un référent outils et handicap. L’Unistra a par ailleurs souscrit un abonnement spécifique avec un opérateur internet, afin d’éviter les bugs liés à la connexion wifi de l’université.

À l’Université de Bourgogne, en 2023, une étudiante a effectué un service civique sur la robotique de téléprésence et a travaillé avec le service de pédagogie numérique à la mise en place à la plateforme Ted-i, réalisé des tutoriels et produit un document à destination de chaque partie prenante autour de la gestion du robot de téléprésence.

« Au début, en 2019, il y avait une volonté de travailler avec des chercheurs pour mettre au point des fonctionnalités supplémentaires, mais nous n’avons pas pu avancer sur certaines d’entre elles », note Alexandre Fournier.

Autre service impliqué : celui de la santé étudiante, qui effectue les préconisations pour des raisons de santé, et la mission handicap, qui s’occupe notamment de l’embauche des étudiants tuteurs, dans la même promotion que l’étudiant qui utilise le robot.

« Cela se fait au cas par cas : certains étudiants sont complètement empêchés, d’autres ne suivent qu’une partie de leurs cours via le robot », précise Alexandre Fournier.

Dans les universités de Strasbourg et de Bourgogne, les robots se contentent de transmettre mais n’enregistrent pas le cours. Un critère indispensable pour éviter une réticence chez certains enseignants.

En école de commerce, de nouvelles solutions technologiques plus adaptées

À Neoma business school, qui possède un robot sur chacun de ses trois campus, l’usage est destiné aux situations de handicap ponctuel mais est aussi ouvert aux sportifs de haut niveau.

Cependant, « l’intérêt est moindre depuis l’arrivée massive de Teams et Zoom. D’autant que nous avons des salles connectées qui sont filmées, avec un tableau qui reflète les interactions digitales. Nous tendons plutôt vers cette solution, plus confortable », observe Matthieu Lucas, le directeur de la vie étudiante.

Un nouveau système de mise à disposition sur demande

Le ministère qui travaillait avec la société Axyn robotique pour les robots de type humanoïdes et Awabot, pour les robots-tablettes, a opté pour ce deuxième prestataire uniquement dans le cadre du renouvellement du marché public, arrivé à échéance en septembre 2024.

« Contrairement au précédent système de mise à disposition permanente aux établissements, Awabot propose un service centralisé : mise à disposition à la demande, retrait, maintenance, assistance technique et suivi via une plateforme numérique », indique le ministère.

Le robot Beam est produit par la société française Awabot, spécialisée dans la robotique de service et basée à Lyon.  - © Wikimedia Commons/RogDel
Le robot Beam est produit par la société française Awabot, spécialisée dans la robotique de service et basée à Lyon. - © Wikimedia Commons/RogDel

199 robots de marque Beam sont désormais mis à disposition des établissements relevant de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les demandes doivent être formulées via une plateforme de gestion en ligne.

Le système de prêt présente un avantage majeur : la prise en charge de la configuration et de l’assistance technique par le prestataire. C’est aussi Awabot qui s’occupe de l’envoi et du retrait des robots auprès des établissements.

Une décision appréciée des universités interrogées : « Il est difficile de gérer plus de 40 robots pour un petit service comme le nôtre (nous sommes quinze, et pas tous spécialisés en robotique), rapporte Alexandre Fournier. Le choix du ministère d’avoir opté pour le rapatriement de nos 25 robots Ted-i permet une gestion plus souple de la flotte en faisant appel selon les besoins. Ainsi, nous n’avons pas à gérer le stockage des robots. »

Pour Fabienne Rakitic, les robots de téléprésence sont un élément d’inclusion parmi d’autres. « Cet outil ne répond pas aux mêmes besoins que l’enseignement à distance. Les robots de téléprésence nécessitent une aide humaine, et donc une organisation derrière. Cela ne convient que pour une aide temporaire. C’est complémentaire, mais cela ne remplace pas les autres dispositifs. »

Quid de l’usage par les enseignants ?

À Neoma, utiliser des robots de téléprésence est une possibilité offerte aux intervenants qui ne peuvent pas se rendre sur le campus. Alain Goudey, directeur général adjoint en charge du numérique de l’école de commerce et professeur, l’a testé dans un de ses enseignements : « Cela fonctionne très bien : l’incarnation dans l’espace crée du lien avec l’intervenant. Pour des ateliers, l’intérêt est de pouvoir passer de groupe en groupe. »