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En immersion dans la formation des référents égalité : « Être à l’écoute, sans être prescripteur »


Depuis 2018, l’Université de Bretagne occidentale (UBO) structure son action en matière d’égalité femmes-hommes autour d’un plan qui prévoit la présence d’un référent égalité dans chaque composante. Immersion, à Brest, lors de la troisième session de formation animée par le Réseau VSS formation début juin 2025.

Au total, quatre sessions de formation sont prévues pour les référents égalité en 2024-2025. - © Campus Matin
Au total, quatre sessions de formation sont prévues pour les référents égalité en 2024-2025. - © Campus Matin

« Dans l’enseignement supérieur et la recherche, on a vu en quelques années une évolution de la culture autour de la prise en charge des violences sexistes et sexuelles (VSS). Moins d’un tiers des universités n’a pas de dispositif dédié à ce sujet », constate Sandrine Vaton, formatrice du réseau VSS.

À l’UBO, les actions menées en lien avec les VSS sont pilotées par la commission égalité femmes-hommes, créée en 2018, qui réunit personnels et étudiants, au sein de groupes de travail thématiques (actions du 8 mars, égalité professionnelle, etc.), au moins deux fois par an. Cette instance propose et s’investit dans des actions de sensibilisation, diffuse des informations dans les composantes et services et partage des bonnes pratiques.

À l’ordre du jour : la formation des référents égalité, conçue par le réseau VSS Formation, est pensée comme un temps d’outillage concret. Ce mardi 3 juin, les participants planchent sur la définition des infractions, le consentement, les impacts des VSS sur les victimes et les collectifs. « Nous abordons la compréhension du cadre sociologique, les obligations légales, et comment réagir si on est témoin », ajoute Sandrine Vaton, qui est également enseignante-chercheuse à IMT Atlantique.

Les étudiants sensibilisés via un Mooc obligatoire en L1

Depuis la rentrée 2024, l’Université de Bretagne occidentale a rendu obligatoire le Mooc « VSS Stop ! », créé par IMT Atlantique et la Conférence permanente des chargés de mission égalité et diversité, à l’ensemble des étudiants de L1. « L’objectif est d’étendre ce Mooc à d’autres formations dès l’année prochaine, notamment la deuxième année de médecine », indique Dorothée Guérin, vice-présidente égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les VSS.

Éthique et devoirs d’un fonctionnaire

En début d’après-midi, la formation s’arrête sur les valeurs des fonctionnaires : intégrité, probité et neutralité. « Il n’y a pas de loi claire qui interdise la relation enseignant-élève mais des sanctions font jurisprudence », explique Jeanne Toulouse, formatrice du Réseau VSS Formation, également enseignante à l’Ensta Bretagne.

Jeanne Toulouse est co-référente égalité femmes-hommes à l’Ensta Bretagne. - © Campus Matin
Jeanne Toulouse est co-référente égalité femmes-hommes à l’Ensta Bretagne. - © Campus Matin

Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) a par exemple sanctionné un abus de pouvoir entre un directeur de thèse et sa doctorante… d’un retard d’avancement de deux ans. « Au regard des faits, les sanctions semblent toujours très légères, relève un référent égalité. Est-ce qu’un jury composé de pairs n’a pas tendance à être trop clément ? »

Par le passé, le Cneser a en effet été connu pour « alléger les sanctions, voire les annuler lors des recours par les auteurs présumés », rapporte Jeanne Toulouse. La formatrice invite à l’optimisme : « Les dernières décisions ont soutenu le choix des établissements. » Mais estime, au regard de l’actualité internationale, que « tous ces acquis restent très fragiles et peuvent s’écrouler rapidement ».

Quelles sanctions ?

Les sanctions vont de l’avertissement et du blâme à l’exclusion provisoire voire définitive. Dans les faits, les exclusions sont très rares et ce sont surtout les blâmes et le retard dans l’avancement des échelons qui sont choisis.

Le blâme et son objet sont indiqués dans le casier juridique de l’employeur. Selon la gravité il sera sur le deuxième volet, accessible seulement à un employeur public, ou le troisième, accessible aux employeurs privés. Cela peut donc avoir un impact sur la carrière mais seulement pendant deux ou trois années avant qu’il ne soit effacé.

Le sexisme dans la loi

La formation s’arrête ensuite sur les enjeux juridiques et lois à connaître. « La charte de la vie associative est un document important parce que la responsabilité (souvent indirecte) des associations étudiantes est impliquée. Le règlement et la charte de l’établissement viennent compléter le code de l’éducation », indique Jeanne Toulouse.

Dorothée Guérin est vice-présidente égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les VSS à l’UBO. - © D.R.
Dorothée Guérin est vice-présidente égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les VSS à l’UBO. - © D.R.

La complexité dans le traitement des VSS dans l’ESR réside dans la multiplicité des profils. Les étudiants alternants relèvent du droit du travail, par exemple. Les enseignants-chercheurs adressent leur recours au Cneser là où étudiants et personnels se tournent vers le tribunal administratif, etc. Du cas par cas, qui demande une connaissance fine du sujet.

Lorsqu’un cas de VSS est rapporté, les procédures pénales et disciplinaires sont distinctes et leurs réalités temporelles sont différentes. L’établissement d’ESR peut mettre en place des mesures conservatoires, temporaires, qui ont pour objectif de protéger les victimes le temps de l’enquête. « Tout doit être sur la base de ce que la victime demande. Désormais, c’est l’auteur présumé qui change de classe ou de laboratoire, pas la victime », souligne Jeanne Toulouse.

Un parcours auteur encore à développer

Un des participants estime que les mesures conservatoires sont prises trop rapidement et risquent de punir des innocents. « Il y a un décalage énorme entre les représentations qu’on a du nombre de faux signalements et la réalité, dans les faits il y a moins de 5 % de fausses déclarations », rappelle Jeanne Toulouse.

Elle estime néanmoins que, là où le parcours victime est maîtrisé, il faut encore « réfléchir à un parcours auteur : sur la communication, tout en respectant l’étanchéité du dispositif, et la réintégration ».

Un rôle de recueil de la parole, pas de prise en charge

La formation rappelle les limites du rôle de référent, qui s’inscrit dans un dispositif plus large. « Il faut accepter de ne pas être sauveur. À chaque fois qu’on veut aller trop vite, on court le risque de mal réagir », insiste Jeanne Toulouse.

Ne pas être trop prescripteur

De même, face à une victime qui ne souhaite pas porter plainte : « Il ne faut pas être trop prescripteur », poursuit Jeanne Toulouse.

Le référent a avant tout pour mission de « mettre du liant entre tous les acteurs » et « d’instaurer un climat de confiance dès le premier échange avec la victime », souligne Dorothée Guérin. C’est lui qui redirige vers les différentes ressources proposées par l’établissement, à commencer par la cellule VSS. Il peut aussi saisir lui-même cette cellule, s’il le juge nécessaire.

Et après le signalement ?

Il peut être frustrant pour la victime de faire un signalement et d’avoir l’impression que rien ne bouge. Pour répondre à cet enjeu, « nous avons acté que nous ferons un retour aux victimes, pendant la phase de traitement, même si c’est juste pour dire que les choses suivent leur cours, et à sa clôture », rapporte Dorothée Guérin.

Côté judiciaire, « pousser la porte du commissariat sans être accompagné n’est pas toujours conseillé, il faut a minima passer par la psychologue ou l’assistante sociale du commissariat et au mieux par la cellule VSS », rapporte Jeanne Toulouse. Une bonne pratique peut être d’identifier un policier formé aux VSS.

Construire une culture commune

Au-delà de la formation, l’UBO veut bâtir une culture d’établissement. Toutes les personnes en charge de responsabilités ont une formation obligatoire d’une demi-journée. Un guide est en cours de rédaction avec les autres vice-présidents égalité de la métropole rennaise et la charte VSS va être actualisée. La formation des référents égalité ne s’arrête pas non plus : une prochaine session est prévue le 27 juin.

Et pour ceux qui hésitent à se porter volontaires ? « Cela dépend des UFR ou des services, il faut parfois directement solliciter les collègues et dans d’autres, les candidatures sont nombreuses. Dans tous les cas, ce sont des personnes motivées par le sujet », conclut Dorothée Guérin.

News Tank et Campus Matin en résidence à Brest

Cet article s’inscrit dans le cadre de la résidence de News Tank Éducation & Recherche et Campus Matin à Brest, du 2 au 6 juin. Un premier article sur la façon dont plusieurs écoles forment à l’incertitude dans un monde complexe est déjà paru. Demandez votre accès découverte pour lire les articles de News Tank, qui édite Campus Matin.