Vie des campus

La téléconsultation médicale en partenariat avec les universités : le pari de Qare

Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante

En septembre dernier, elle signait un partenariat avec l’Université PSL : la société de téléconsultation médicale Qare fait son entrée sur le marché de l’enseignement supérieur. À destination des étudiants, elle offre la possibilité de consulter un spécialiste de santé en ligne, parmi 50 spécialités, de 6h à 23h et sans avance de frais.

Fanny Jacq, psychiatre et directrice santé mentale de Qare, revient pour Campus Matin sur l’offre de la plateforme et son partenariat avec l’université, ainsi que l’application complémentaire qu’elle a participé à créer : Mon Sherpa.

Qare est proposé aux étudiants des 11 établissements de PSL et ses établissements partenaires - © PSL / Marie Sorribas
Qare est proposé aux étudiants des 11 établissements de PSL et ses établissements partenaires - © PSL / Marie Sorribas

Obtenir un rendez-vous médical en visioconférence, partout en France, de 6h jusqu’à 23h, 7 jours sur 7, avec un professionnel de santé parmi une cinquantaine de spécialités : c’est ce que propose la plateforme Qare.

Un partenariat avec PSL envisagé avant la crise sanitaire

Fanny Jacq a également fondé Doctopsy en 2016 - © D.R.
Fanny Jacq a également fondé Doctopsy en 2016 - © D.R.

En septembre 2020, l’entreprise met en place son premier partenariat avec un établissement du supérieur : l’Université PSL. Cette dernière propose aux 17 000 étudiants de bénéficier de téléconsultations sans avance de frais depuis un ordinateur ou un smartphone. Une opération financée grâce aux moyens provenant de la contribution vie étudiante et de campus, la CVEC.

« Qare a répondu à un marché public lancé durant l’été 2019 par l’Université PSL, dit la psychiatre et directrice santé mentale de Qare, Fanny Jacq. Ce partenariat est assez novateur : nous sommes l’une des premières entreprises de télémédecine à s’être lancée dans un partenariat avec l’enseignement supérieur. »

Depuis, « nous avons enregistré plus de 3000 consultations, dont 48 % pour des psychologues, psychiatres ou psychothérapeute, et 39 % pour des médecins généralistes », indique Florence Benoit-Moreau, vice-présidente vie étudiante et responsabilité sociale de l’Université PSL.

Elle précise : « À date [le 24 mars 2021, NDLR], nous savons déjà que plus de 20 % de nos étudiants se sont inscrits sur la plateforme Qare, et que plus d’un quart de ceux-ci ont consulté. Nous savons également que certains sont revenus consulter plusieurs fois ».

Une offre dédiée aux universités

D’abord adressée au grand public et aux entreprises, Qare a rapidement identifié la population étudiante comme l’une des cibles qui bénéficierait le plus de la télémédecine.

Une population à risque et précaire

« Il existait déjà une offre entreprise qui s’est construite au cours de l’année 2018, explique Fanny Jacq. À partir de là, de façon assez naturelle, pouvait découler une offre Qare université. En effet, Qare avait repéré que les étudiants étaient une population à risque et précaire avec une véritable difficulté d’accès aux soins. La téléconsultation est vraiment une des clés pour améliorer la santé estudiantine. »

L’offre de Qare se construit autour des trois volets de la santé : la prévention, le diagnostic, et le suivi. « Notre offre se construit sur ces trois temps du parcours de soin, approfondit la directrice du service santé mentale. Sur la prévention, l’équipe médicale de Qare va organiser des campagnes sur mesure à distance sur des thématiques liées à la jeunesse (tabac, nutrition, MST …). Sur le diagnostic, la téléconsultation en est le cœur. Quant au suivi, il est possible sur le long terme sans avance de frais. »

Un service simplifié et rapide pour un public estudiantin « dans l’instantané »

Florence Benoit-Moreauest VP vie étudiante et responsabilité sociale de l’Université PSL - © PSL / Qare
Florence Benoit-Moreauest VP vie étudiante et responsabilité sociale de l’Université PSL - © PSL / Qare

Pour Florence Benoit-Moreau, « Qare permet de lever un certain nombre de freins :

  • Financiers : PSL prend en charge le service pour l’étudiant, qui n’a rien à débourser.
  • Organisationnels : de par une facilité de consultation liée au numérique mais aussi une amplitude horaire importante.
  • D’accès : avec une consultation disponible parfois instantanément, ce qui permet aux étudiants de ne pas se décourager pour la prise de rendez-vous, l’application lève le premier pas vers le cabinet ».

En effet, les étudiants sont encore près de 40 % à renoncer aux soins (selon une étude CSE pour la Mutuelle des étudiants), par manque de temps, de moyens financiers ou parce qu’ils ont recours à l’automédication. « Les étudiants fonctionnent un peu par impulsion. Ils vont vouloir consulter quand ils ont mal ou qu’ils se sentent mal, mais dès qu’ils iront mieux, ils ne ressentiront pas le besoin de prendre un rendez-vous. Ils sont plus dans l’immédiateté », témoigne Fanny Jacq.

Et d’ajouter : « Ce partenariat est arrivé au bon moment, car cela a permis que les étudiants aient d’autres moyens de se soigner pendant la crise sanitaire ».  

Le volet santé mentale renforcé

Afin de répondre aux demandes croissantes de soutien psychologique liées au contexte sanitaire et de confinement, Qare a renforcé son équipe avec des psychiatres et psychologues, auxquels les étudiants peuvent s’adresser dans des délais inférieurs à 48 heures, d’après l’Université PSL.

« Nous avons mis les bouchées doubles sur la santé mentale avec la crise sanitaire », confirme Fanny Jacq pour qui « la téléconsultation est bien adaptée pour la santé mentale ».

« La téléconsultation permet de donner de la légèreté à la démarche de consulter qui est parfois compliquée. Elle est anonyme, peut se faire à distance. Dans cet aspect, la téléconsultation facilite l’accès aux soins pour le bien-être, prendre soin de son psychisme. »

Et, pour les étudiants, d’après Florence Benoit-Moreau : « La problématique en santé mentale, c’est vraiment le frein financier avec souvent un remboursement moindre suivant la spécialité (psychiatre vs psychologue, par exemple). Le fait ne pas se soucier du tarif à payer à la sortie de la consultation lève un frein considérable ».

Mon Sherpa, une application mobile complémentaire

Mon Sherpa propose notamment des exercices de méditation - © Mon Sherpa
Mon Sherpa propose notamment des exercices de méditation - © Mon Sherpa

Qare développe l’application mobile Mon Sherpa co-créée par Fanny Jacq, avec l’Institut du Cerveau de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et des chercheurs du CNRS. Avec une version premium rendue gratuite pendant la crise, l’application propose un accompagnement psychologique de premier niveau.

Mon Sherpa évalue l’évolution de l’humeur et du sommeil et propose diverses activités pour le bien-être dont six conçues spécifiquement pour les étudiants (travailler sa concentration ; (sur)vivre à la cohabitation avec ses parents)

L’application agrège de la donnée dans le respect du RGPD. « Pour nos partenaires, nous proposons d’agréger de la donnée anonyme quantitative ou qualitative. Mon Sherpa recueille de la donnée qui permet notamment d’évaluer l’humeur de l’étudiant. C’est quelque chose que l’on peut faire remonter à l’établissement, notamment de façon à personnaliser la communication », dit Fanny Jacq.

« Ces données permettront également de nourrir des publications scientifiques. La première est prévue pour juin prochain, alors que Mon Sherpa existera depuis plus d’un an et comptabilise plus de 150000 téléchargements. »

Qare et Mon Sherpa : des concepts distingués

Depuis janvier 2020, Qare est intégrée à la promotion French Tech 120, qui distingue les start-up françaises au fort potentiel de développement et à l’impact sociétal positif.

Mon Sherpa a été nommée dans le top 3 des applications de « développement personnel » dans le classement Google Play 2020. L’application a également reçu le « Prix de l’Innovation : prix du comité scientifique », soutenu par les laboratoires EISAI lors du Congrès de l’Encephale 2021.

Quelles limites au suivi médical à distance ?

Si la téléconsultation permet de consulter pour un grand nombre de motifs et d’obtenir des ordonnances, certaines prescriptions qui requièrent un examen médical donneront lieu à un rendez-vous en cabinet. Il en va de même pour certaines attestations médicales. De plus, les urgences (douleurs thoraciques, difficultés respiratoires…) restent la prérogative du Samu.

La téléconsultation ne doit pas remplacer les consultations en physique

« La téléconsultation ne doit pas remplacer les consultations en physique mais peut faciliter le premier pas vers un accompagnement, dit Fanny Jacq. Nous invitons toujours les personnes qui consultent sur Qare à choisir un praticien accessible de chez eux de façon à pouvoir le voir ‘en vrai’ en cabinet et, éventuellement, à démarrer une relation médecin/patient plus classique ».

La téléconsultation s’inscrit en pratique complémentaire d’un suivi médical classique - © Qare
La téléconsultation s’inscrit en pratique complémentaire d’un suivi médical classique - © Qare

Malgré tout, « si un étudiant n’a pas de praticien près de chez lui, il va avoir accès à une expertise nationale grâce à Qare. Il pourra obtenir l’avis et la prise en charge dont il aura besoin, auprès d’un expert dans le domaine recherché ».

Finalement, « ce qui est intéressant, c’est la complémentarité : pouvoir consulter un médecin à son cabinet et en téléconsultation de temps en temps », estime Fanny Jacq.

D’ailleurs, la société demande à ses professionnels de santé d’avoir une pratique en présentiel. « Cela peut notamment permettre à des médecins de faire de la téléconsultation en complément de leur activité en cabinet libéral », explique la psychiatre.

Des pistes de développement

Aujourd’hui, seuls les étudiants sont concernés par les partenariats avec le sup’, cependant un élargissement aux personnels « est possible de notre côté », dit Fanny Jacq. Pour les universités, la question se posera du financement, cependant, « puisque la CVEC est dédiée à la vie étudiante », rappelle Florence Benoit-Moreau.

Destinés pour le moment aux étudiants, de nouveaux partenariats se profilent : « Nous démarrons en ce moment les discussions avec d’autres universités et venons de signer un partenariat avec l’École du Louvre », indique la directrice du service santé mentale.