Vie des campus

Aujourd’hui, que reste-t-il des mutuelles étudiantes ?

Par Marine Dessaux | Le | Stratégies

Le 1er septembre 2019, après 70 ans d’existence, la sécurité sociale étudiante a disparu. Désormais, le régime général de l’assurance maladie s’applique pour tous. Mais que sont devenues les mutuelles étudiantes ? Campus Matin fait le point sur leurs évolutions.

Depuis la rentrée 2019, les étudiants sont rattachés au régime général de l’assurance maladie - © PxHere
Depuis la rentrée 2019, les étudiants sont rattachés au régime général de l’assurance maladie - © PxHere

Historiquement

Né à la fin de la Seconde guerre mondiale, en 1948, le régime de sécurité sociale étudiante est une délégation de service public. Historiquement, la première mutuelle étudiante, la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF), qui détient le monopole jusqu’en 1972, est associée à un syndicat, l’Unef, qui en est le créateur. Viennent par la suite s’ajouter une dizaine de mutuelles régionales, les Smer.

Des institutions entachées par les affaires…

Dans les années 1990, la MNEF est entachée par une affaire d’abus de bien sociaux et détournements de fonds émanent de cadres du Parti Socialiste. En 2000, cette mutuelle nationale devient la mutuelle des étudiants (LMDE) mais ne se dégage pas des difficultés. En 2015, elle est placée sous sauvegarde de justice à cause d’une mauvaise gestion financière.

Les Smer, créées par le gouvernement Jacques Chaban-Delmas pour fragiliser la MNEF, associée à l’opposition, ne sont pas exemptes de reproches. Certaines d’entre elles sont également concernées par des affaires de corruption. Leur gestion financière est également critiquée.

… Et estimées trop onéreuses

De manière générale, on reproche aux anciennes mutuelles étudiantes un manque de simplicité administrative et notamment de longs délais de remboursement des frais médicaux. En 2012, l’association UFC-Que Choisir estime également que la gestion de la sécurité sociale des étudiants par l’assurance maladie « permettrait une économie proche de 90 millions d’euros par an ».

La fin du régime étudiant est l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron en 2017. Dès la rentrée universitaire 2018, l’affiliation à une mutuelle étudiante n’est plus obligatoire et est définitivement supprimée pour la rentrée 2019.

Pour les ex mutuelles étudiantes, ce changement de régime n’est pas bénéfique aux étudiants

« La disparition d’un régime spécifique pour les étudiants ne serait pas une bonne nouvelle. En nous adressant à une tranche d’âge, nous avons une population cible qui partage le même risque. Ainsi, si nous disparaissons, les étudiants verront le prix de leur mutuelle augmenter. Et on risque de perdre des acteurs historiques de prévention », regrette Hadrien Le Roux, président de la Smerep.

Aujourd’hui

La Smerep, la Mep, la Sem et la Smerag deviennent Heyme

Sept acteurs de la mutualité, dont la Smerep (Île-de-France), la Smerag (Antilles-Guyane) et la Mep (mutuelle des étudiants de Provence) se sont regroupés pour devenir Heyme (groupe UMGP), une mutuelle spécifiquement dédiée aux étudiants et jeunes actifs, de 16 à 35 ans.

« La réforme a vu la disparition de quasiment tous les acteurs de la sécu étudiante, à part Heyme, la Smerra (originellement dédiée aux régions Rhône-Alpes et Auvergne) et Smeno (Nord), indique Hadrien Le Roux, co-fondateur d’Heyme et directeur associé de News Tank Cities*. Nous n’avons presque plus de concurrents directs dans la mesure où nous sommes les seuls spécialisés dans les complémentaires étudiantes. »

Alors qu’auparavant toutes les mutuelles étudiantes avaient l’obligation légale de faire de la prévention, aujourd’hui ce sont aux établissements de les organiser grâce à un budget spécifique alloué (les étudiants non boursiers payent 90€ par an pour cette prévention).

Heyme souhaite ainsi se positionner sur les partenariats avec les établissements, notamment dans leurs actions d’information. « Notre relation a évolué de façon positive avec les écoles et les universités qui ne voyaient pas d’un bon œil la concurrence entre mutuelles étudiantes. Elles sont désormais demandeuses de services pour leurs étudiants », dit Hadrien Le Roux.

La mutuelle parentale, une alternative compétitive

Les mutuelles ont l’obligation de proposer le rattachement des enfants. En outre, pour les personnes salariées, l’entreprise doit financer 50 % de la complémentaire santé. Il peut ainsi être intéressant pour les étudiants d'être rattachés à la mutuelle d’un de leurs parents, ce qui permet une couverture plus large pour un coût compétitif.

« Néanmoins, pour beaucoup d'étudiants qui ont la chance d'être en bonne santé, la majorité des prestations comprises ne seront jamais consommées », nuance Hadrien Le Roux. Reste à chaque étudiant de peser ce qui est le plus intéressant selon sa situation.

Les autres mutuelles étudiantes régionales se transforment ou disparaissent

Les anciennes mutuelles étudiantes régionales, bouleversées par le changement de régime, se voient pour la plupart obligées de rejoindre de grands groupes :

  • La Smeco (Centre et Ouest) et la Smereb (Bourgogne Franche-Comté) se sont regroupées sous la bannière de la Smerra dès 2018. Ces trois mutuelles, déjà en union intertechnique, avaient prévu ce regroupement sous un même nom dès 2016, bien avant la fin du régime social étudiant. La Smerra connait néanmoins un changement puisqu’elle devient un acteur national. Elle continue en outre ses activités d’exploitant dans le logement étudiant.
  • Vittavi (Midi-Pyrénées) a été dissolue début 2020, son portefeuille a été transféré à la mutuelle Eovi-MCD.
  • Depuis le 1er janvier 2021, la MGEL a été substituée par Harmonie Mutuelle (Groupe Vyv). Elle se joint donc, comme la Smeba (Bretagne) avant elle, à la complémentaire santé dédiée aux jeunes, Yvon, co-assurée par la MGEN et Harmonie Mutuelle.
  • Enfin, la Smeno, présente dans le Nord, est la seule mutuelle régionale, avec la Smerra, à être restée indépendante.

La LMDE, rattachée à Interiale, a tenté un rapprochement avec la MGEN

Alors que la MNEF devient la LMDE au début des années 2000, elle est substituée par la MGEN. Mais en 2015, du fait d’importants problèmes financiers, la mutuelle étudiante se rapproche d'Interiale, la mutuelle des fonctionnaires de police et du ministère de l’intérieur.

Clin d’oeil de l’histoire, un rapprochement des groupes Interiale et Vyv, dont fait partie la MGEN, est en pourparler. La LMDE et la MGEN pourraient donc finir par faire de nouveau partie de la même entité technique !

*Une des filiales de News Tank Network, à qui appartient aussi Campus Matin.