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Choose Europe for science : les annonces et réactions après le sommet du 5 mai


500 millions d’euros pour Choose Europe et 100 millions d’euros pour Choose France for science, afin de soutenir à la liberté académique en accueillant des chercheurs étrangers : c’est ce que le président de la République, Emmanuel Macron, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont annoncé lors du sommet Choose Europe for science le 5 mai, à Paris. Si l’initiative est saluée pour sa solidarité, elle suscite de vives réactions dans la communauté académique française qui dénonce un contraste criant avec la baisse des moyens alloués à la recherche.

Le sommet Choose Europe s’est tenu à Paris le 5 mai. - © Manon Pellieux
Le sommet Choose Europe s’est tenu à Paris le 5 mai. - © Manon Pellieux

« Aujourd’hui, c’est un appel de la Sorbonne que nous voulons lancer […] qui s’adresse à tous les esprits libres qui veulent œuvrer pour la science et défendre notre modèle, qui veulent faire le choix d’un certain modèle de société contre un autre, qui ont une certaine idée de la liberté. »

C’est ainsi qu’Emmanuel Macron, président de la République, clôture le sommet « Choose Europe for science » organisé par l’Élysée en Sorbonne, le 5 mai.

Cet événement, qui réunissait des représentants d’organismes de recherche et d’universités françaises et européennes, des représentants de la Commission européenne, dont sa présidente Ursula von der Leyen, des chefs d’État et des chercheurs, intervient alors que l’administration Trump coupe de nombreux financements de recherche. Une initiative placée sous le signe de la liberté académique ouverte à tous les chercheurs étrangers.

600 millions d’euros pour accueillir les chercheurs étrangers

Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen ont annoncé une mobilisation de fonds importante :

  • 100 millions d’euros seront investis par la France dans l’initiative « Choose France for science », via une réserve de France 2030 qui n’était pas affectée.
  • 500 millions d’euros de l’Union européenne seront mobilisés pour « Choose Europe » sur la période 2025-2027.

30 000 connexions à la plateforme Choose France for science

La plateforme Choose France for science, lancée le 18 avril, a suscité plus de 30 000 connexions, dont un tiers depuis les États-Unis, et plusieurs centaines de dossiers ont été ouverts. « L’objectif est d’accueillir autant de candidats que de besoin, du doctorant au prix Nobel en passant par les postdocs, les professeurs juniors, avec une seule exigence de qualité », a déclaré Emmanuel Macron.

Les initiatives prioritaires pour la France

En France, outre ce financement, Emmanuel Macron veut « mieux protéger les réfugiés scientifiques » à travers le programme Pause, que « l’État continuera à soutenir », mais aussi avec « d’autres propositions, y compris législatives ».

Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron était en Sorbonne le 05 mai pour le sommet Choose Europe. - © D.R.
Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron était en Sorbonne le 05 mai pour le sommet Choose Europe. - © D.R.

Il souhaite porter au niveau européen une capacité à financer des laboratoires d’excellence pour soutenir des équipes de recherche, pendant plusieurs années.

En matière de pilotage de la recherche, le président identifie dix chantiers (la santé, le spatial, le quantique, l’intelligence artificielle, l’énergie et le nucléaire, le climat, l’électronique, le vieillissement de la population, l’esprit critique et la lutte contre la désinformation) sur lesquels investir massivement au travers de grands programmes européens.

Alors que des bases de données de recherche ont été supprimées ou sont menacées par l’administration Trump, Emmanuel Macron souhaite « mettre à l’abri ou recréer les bases de données » et évoque une « initiative européenne à construire sur le sujet » de l’archivage de savoirs spécifiques.

Pour simplifier et accélérer le transfert entre la recherche et l’industrie, il évoque la création de contrats types de coopération, pour accélérer et homogénéiser les démarches au sein de l’Union européenne.

Ce que prévoit l’Union européenne

Dans le cadre du Conseil européen de la recherche (ERC), en plus du doublement des subventions pour les chercheurs principaux qui s’installent dans l’Union européenne, Ursula von der Leyen évoque la création d’une « super-subvention » d’une durée de sept ans.

En outre, le projet pilote Choose Europe, prévu pour 2025 et doté de 22,5 millions d’euros, s’inscrivant dans le cadre des actions Marie Curie, sera étendu pour deux ans avec des incitations ciblées dans les domaines d’avant-garde, comme l’IA.

Des propositions sur le financement de la R&I seront présentées dans le prochain budget à long terme.

Enfin, Ursula von der Leyen souhaite inscrire la liberté de la recherche scientifique dans le droit, au moyen d’un nouvel acte législatif sur l’Espace européen de la recherche.

Des annonces jugées déconnectées des réalités budgétaires des chercheurs français

Si cet élan de solidarité a été salué, plusieurs voix s’élèvent pour souligner le déséquilibre entre les moyens alloués à l’accueil des chercheurs étrangers et les contraintes budgétaires que connaissent les scientifiques déjà en poste.

Lamri Adoui est président de France Universités. - © D.R.
Lamri Adoui est président de France Universités. - © D.R.

« Il y a une urgence à réagir parce que nous sommes dans un moment de bascule des libertés académiques. Cela n’empêche pas évidemment de réclamer plus de moyens pour l’université française, particulièrement en termes de fonctionnement des établissements », déclare Lamri Adoui, président de France Universités, sur France Inter, le 5 mai 2025.

Sup’Recherche Unsa estime que ces annonces ne peuvent pas exister sans « un financement suffisant des universités et de la recherche ». Le syndicat insiste : « Comment trouver les dotations nécessaires à l’accueil de nos collègues alors que la loi de finances 2025 marquait un recul d’un milliard d’euros des ressources allouées et que, le 25 avril, un décret a rayé 400 millions d’euros de crédits d’un trait de plume au nom d’un “contexte budgétaire très contraint” ? »

La CFDT Éducation formation recherche publiques alerte également sur les dérives possibles d’une telle politique, dans un communiqué daté du 30 avril : « La solidarité ne doit pas masquer une logique de prédation intellectuelle », alors que la France « amorce une réponse prometteuse : accueillir les chercheurs menacés ». Et de déclarer : « Soutenir les scientifiques, c’est aussi les aider à rester et à travailler chez eux. »

Enfin, une intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche composée de huit organisations, sans la CFDT ni Sup’Recherche-Unsa, a qualifié, le 2 mai, l’annonce de ce dispositif de « choquante, voire indécente ».

Sur les réseaux sociaux, les réactions des chercheurs sont aussi nombreuses. Yann-Maël Larher, fondateur du cabinet de conseil Okay Doc, écrit sur LinkedIn qu’il n’est pas possible d’incarner le « refuge mondial de la recherche » quand, notamment, le crédit impôt recherche jeune docteur a été supprimé.