Vie des campus

Ventilation, capteurs, purificateurs : comment se protéger contre les aérosols sur les campus ?

Par Marine Dessaux | Le | Stratégies

Aérer les espaces clos est un des gestes barrières désormais bien connu contre la propagation de la Covid. Mais si les protocoles dans les établissements du supérieur préconisent un renouvellement régulier de l’air, dans les faits, ce réflexe reste encore mal maîtrisé et s’avère parfois insuffisant. Alors système de ventilation, capteurs CO2, purificateurs… quelles sont les mesures à mettre en place ?

L’aération fait partie des gestes barrières pour lutter contre la propagation du virus. - © A. Godon
L’aération fait partie des gestes barrières pour lutter contre la propagation du virus. - © A. Godon

« Depuis l’été 2020, il y a un consensus dans la communauté internationale : la principale source de propagation de la Covd-19 provient des aérosols », lance Florence Elias, professeure à l’Université Paris-Diderot, spécialisée dans les propriétés physiques des fluides complexes.

En effet, les aérosols, ces micro-gouttelettes que l’on produit en respirant, restent en suspension dans l’air, plus longtemps encore dans un espace clos. Lorsque celui-ci est mal ventilé, elles se font de plus en plus nombreuses.

Ainsi, dans une pièce fermée, la quantité de particules virales inhalées ne cesse d’augmenter tant que l’air ne se renouvelle pas. « La probabilité d’infection croît avec la concentration de particules et le temps d’exposition », explique Bruno Andreotti, professeur de physique à l’Université Paris Diderot, lors d’un webinaire, organisé le 17 mai 2021.

Ce mode de transmission a longtemps été négligé et ce n’est qu’en 2021 que sont nées les premières initiatives pour lutter contre la propagation de la Covid par les aérosols.

Les capteurs CO2 : pour faire de la pédagogie et prendre les bons réflexes

Mesurée en partie par millions (ppm), la concentration en CO2 permet de connaître la réduction du souffle des personnes et donc d’évaluer le risque d’une quantité élevée de particules virales dans l’air. Ainsi, le seuil défini par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) est de 800 ppm dans une salle, avec port du masque.

« Dans un lieu de restauration, une valeur inférieure, par exemple de 600 ppm, semble être un bon compromis entre la sécurité et ce qu’il est possible de réaliser », indique par ailleurs l’organisme.

Pour connaître et ne pas dépasser le seuil de risque, il faut passer par un capteur de CO2. Rien de plus simple, il s’agit d’un petit boitier qui doit être vérifié régulièrement lors d’un cours ou d’une réunion.

A l’Université d’Angers, des capteurs tests ont convaincu

C’est la première université en France à avoir introduit le capteur de CO2 : l’Université d’Angers s’est équipée de 50 de ces boitiers placés dans divers lieux stratégiques, en classe mais aussi dans les lieux de restauration, au SUAPS et à la bibliothèque universitaire.

« Ce projet est parti de l’idée un peu loufoque de la directrice des BU d’Angers, Nathalie Clot, qui a appris qu’on pouvait assez facilement monter ces capteurs soi-même. Elle a lancé un appel via Twitter et j’y ai répondu », raconte Alain Godon, enseignant-chercheur à Polytech Angers.

En novembre dernier, le maître de conférences en informatique s’attèle à ce projet. Il fait notamment participer ses étudiants pour répondre à la demande de l’université. Les capteurs sont installés début avril 2021 et certains d’entre eux sont mis à disposition des étudiants afin qu’ils s’approprient cette question du taux de CO2.

« Ces capteurs permettent avant tout de faire de la pédagogie : nous voulons que les gens se rendent compte qu’il est souhaitable d’aérer quand c’est possible. Les utiliser est un moyen de sensibiliser à cette pratique », affirme l’enseignant-chercheur.

Selon lui, il serait possible d’en équiper toutes les pièces : « Le coût n’est pas un problème, on peut en trouver pour un peu plus d’une dizaine d’euros. Mais quel en serait l’intérêt ? Il y a des salles où les fenêtres sont condamnées pour des raisons de sécurité. Dans ce cas, que fera-t-on si le seuil est atteint ? On arrête un amphi, un examen en cours ? Il n’y a pas de réponses à ces questions-là aujourd’hui ».

Projet CO2, le collectif qui milite pour répandre l’usage des capteurs

Si, pour Alain Godon, aérer une pièce est « un geste barrière comme les autres », pour Florence Elias, membre de Projet CO2, un groupe de travail rassemblant des enseignants-chercheurs, la lutte contre la propagation par les aérosols est un enjeu clé.

Florence Elias, enseignante-chercheuse et membre Projet CO2 - © D.R.
Florence Elias, enseignante-chercheuse et membre Projet CO2 - © D.R.

« Depuis février 2021, les chercheurs de Projet CO2 mènent plusieurs actions pour informer le grand public des connaissances scientifiques sur le virus et sensibiliser à l’intérêt de la mesure du CO2 pour améliorer l’aération des locaux. Nous organisons des webinaires et proposons notamment des fiches pédagogiques à destination des enseignants, un guide d’achat et protocole sur l’utilisation des capteurs. »

Selon l’enseignante-chercheuse, il semble difficile d’envisager l’installation d’un capteur dans chaque salle des établissements du supérieur pour la rentrée. Elle recommande en revanche d’envisager d’avoir une petite vingtaine de capteurs par département que les enseignants puissent emprunter.

« L’utilisation des capteurs permet de savoir quand il est nécessaire d’aérer la salle et pour combien de temps. Cela permet notamment en hiver d’éviter les déperditions de chaleur. En outre, cela implique une action qui peut être intéressante vis-à-vis des étudiants : ça sensibilise beaucoup à la qualité de l’air qui joue un rôle important contre les nombreuses maladies aéroportées. »

En cette période d’examens, Florence Elias continue de se déplacer avec un capteur. « C’est très facile à utiliser et très rassurant, rapporte-t-elle. Et certains de mes collègues s’y mettent également. »

Le masque, premier outil de réduction de risques

« La protection numéro 1, c’est le masque, souligne Florence Elias. Il retient de nombreuses de gouttelettes qui ne vont pas se mettre en suspension dans l’air. »

Un point de vue qui est partagé par Bruno Andreotti : « Le plus gros facteur de réduction de risque, c’est le masque. En revanche, il peut présenter de nombreuses fuites s’il est mal ajusté ».  

Il explique qu’un masque chirurgical mal porté, comme c’est le cas actuellement pour la plupart des gens, ne divise que par deux le risque de contamination quand un masque sans fuite le divise par onze.

« Un des leviers d’action serait la vente dans les universités de masques adaptés aux différentes morphologies, particulièrement aux visages fins pour lesquels il est difficile de limiter les fuites avec les masques standards. (…) On pourrait imaginer une politique d’achat de masques FFP2, offerts aux boursiers et vendus à prix coûtant aux autres. »

Une ventilation mécanique efficace… quand elle est bien réglée et qu’elle existe !

Un moyen efficace de renouveler l’air et de rester sous le seuil des 800 ppm est l’utilisation d’un système de ventilation mécanique. Seule problématique : son coût. Mais « c’est un investissement rentabilisé sur le long terme », nuance Florence Elias.

Même si une ventilation est installée, pour que son fonctionnement soit optimal, « il y a un premier diagnostic à faire dans toutes les salles qui reçoivent du public », explique l’enseignante-chercheuse. A l’Université de Paris, la ventilation a dû être réglée avant d’être efficace. Néanmoins, aujourd’hui, « cela peut permettre de ne pratiquement pas ouvrir les fenêtres », selon les configurations.

A l’Université d’Angers, Alain Godon indique par ailleurs que l’utilisation des capteurs de CO2 a permis d’identifier une pièce où la ventilation fonctionnait mal.

Quid des purificateurs d’air ?

Fin avril, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, a admis l’utilité des purificateurs d’air dans la lutte contre le virus, notamment dans les écoles. Néanmoins, cette solution n’est pas aussi simple à mettre en place que les capteurs de CO2 et la ventilation manuelle ou mécanique.

« Les purificateurs d’air ne filtrent pas le CO2, les capteurs ne permettent donc pas de mesurer l’efficacité de cette solution et de connaître les actions complémentaires à prendre. Pour savoir si l’air est suffisamment purifié, il faudra faire intervenir un bureau d’étude. Néanmoins, c’est une solution envisageable et qui peut être utilisée notamment dans les pièces où il n’a pas été possible d’obtenir une ventilation satisfaisante », explique Florence Elias.

À noter également : les purificateurs d’air nécessitent un certain entretien puisque les filtres recommandés, des filtres Hepa, doivent être changés plusieurs fois par an.