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Revoyure de la LPR : relisons les rapports qui ont dessiné la loi


Créer un conseil stratégique de la recherche et de l’innovation, des chaires d’excellence senior, une agence des grands défis sociétaux… En pleine revoyure de la Loi pour la recherche et alors qu’une convention du ministère est dédiée à ce sujet ce 29 avril, retrouvez les premières propositions formulées par les groupes de travail… en septembre 2019.

Revoyure de la LPR : relisons les rapports qui ont dessiné la loi
Revoyure de la LPR : relisons les rapports qui ont dessiné la loi

Activer la clause de revoyure de la Loi pour la recherche afin de faire atterrir les évolutions pour l’été 2025 : c’est ce qu’a annoncé le ministre chargé de l’ESR, Philippe Baptiste, en mars dernier. Le 8 avril, un premier groupe de travail sur le protocole RH s’est réuni et a été suivi d’une multilatérale avec les syndicats, le 15. Le 29, une convention s’est tenue à la Cité internationale universitaire de Paris, en présence d’acteurs de l’ESR et du ministre.

En attendant d’en savoir plus sur les évolutions réglementaires, législatives et budgétaires, Campus Matin s’est replongé cinq ans en arrière lorsque le projet de « LPPR » (loi de programmation pluriannuelle pour la recherche) s’est dessiné. En effet trois groupes de travail ont été missionnés par la ministre d’alors Frédérique Vidal, pour réfléchir au financement de la recherche ; à l’attractivité des emplois et des carrières ; et à la recherche partenariale et innovation. C’était en février 2019 et leurs travaux ont débouché, le 24 décembre 2020, sur la Loi pour la recherche (LPR).

Les propositions pour renforcer le financement de la recherche

Ce groupe de travail était animé par l’ancienne ministre de l’ESR, alors présidente de l’Université Paris-Saclay, Sylvie Retailleau, le P-DG du CNRS, Antoine Petit, et le mathématicien et à l’époque député, Cédric Villani.

Ils estimaient « indispensable » l’effort financier à apporter et ont suggéré :

  • La création d’un Conseil stratégique de la recherche et de l’innovation placé au plus haut niveau de l’État et de renforcer le rôle du ministère comme coordinateur. Et la désignation d’un seul organisme de recherche, établissement public à caractère scientifique et technologique ou à caractère industriel et commercial (EPST et Epic), comme chef de file.
  • La mise en place d’un système reposant sur la performance et l’évaluation pour sortir de l’opposition entre financements réguliers et appels à projets. Et poursuivre l’évolution du Hcéres comme outil de certification des dispositifs d’évaluation.
  • De porter une attention particulière aux appels à projets européens, insuffisamment mis à profit par la recherche française ; aux infrastructures de recherche ; aux SHS, dont le rôle est appelé à se renforcer, en particulier dans les interactions avec les sciences exactes ; et à l’interaction entre science et société, qui rejoint de grands enjeux de notre temps.
  • De valoriser le rôle des collectivités territoriales, en instaurant un dialogue régulier entre l’État, les collectivités territoriales et les établissements.

Mais aussi :

Quelles propositions se sont concrétisées ?

Dans la LPR, trois grandes mesures concernaient les moyens pour la recherche : consacrer 3 % du PIB à la recherche (contre 2,2 % auparavant), 25 milliards d’euros supplémentaires investis entre 2021 et 2030 et un milliard de plus pour l’Agence nationale de la recherche (ANR) d’ici 2027.

Avant d’être ministre de l’ESR, Sylvie Retailleau a participé au groupe de travail 1 en amont de la LPR. - © D.R.
Avant d’être ministre de l’ESR, Sylvie Retailleau a participé au groupe de travail 1 en amont de la LPR. - © D.R.

D’autres propositions ont été concrétisées par ailleurs, notamment l’appel à manifestation d’intérêt Compétences et métiers d’avenir, lancé en 2021 dans le cadre de France 2030, ou le lancement d’un appel à projet spécifiquement dédié aux SHS. Concernant la place de la science dans la société, le label Science avec et pour la société (Saps) a été créé en 2021.

Le Hcéres, que les rapporteurs préconisaient de renforcer, a changé de statut en devenant une autorité administrative indépendante via la LPR. Mais il a vu depuis son existence menacée de façon inattendue : sa suppression a été adoptée le 24 mars, par la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi de simplification de la vie économique. Le projet de loi devrait cependant, selon plusieurs sources, être maintenu lors de son passage en commission mixte paritaire.

Plusieurs mesures de simplification pour les personnels de recherche ont également été prises (notamment la fin des justificatifs pour les frais de repas), mais doivent faire l’objet d’un approfondissement tant le « fardeau administratif » est désormais jugé insupportable.

Les pistes pour renforcer l’attractivité des métiers de la recherche

Le deuxième groupe de travail était animé par Philippe Berta, alors député Modem et professeur de biologie à l’Université de Nîmes, Philippe Mauguin, P-DG d’Inrae, et Manuel Tunon de Lara, alors président de l’Université de Bordeaux et professeur de médecine respiratoire.

Ils pointaient un « diagnostic alarmant » concernant les carrières de la recherche, en raison des rémunérations des personnels sensiblement inférieures à celles des pays de l’OCDE, une érosion de l’emploi scientifique en dix ans, des conditions d’entrée dans la carrière défavorables et une grande disparité de gestion des ressources humaines.

Ils proposaient de :

Les propositions qui se sont concrétisées

Les rémunérations ont été revalorisées, notamment au travers d’un nouveau régime indemnitaire des enseignants-chercheurs (Ripec). Les possibilités d’évolution de maître de conférences à professeur des universités se sont multipliées via le repyramidage.

Philippe Mauguin, P-DG de l’Inrae, a participé au groupe de travail sur l’attractivité des métiers de la recherche. - © Seb Lascoux
Philippe Mauguin, P-DG de l’Inrae, a participé au groupe de travail sur l’attractivité des métiers de la recherche. - © Seb Lascoux

Les chaires de professeurs juniors ont été créées - mais il est un peu tôt pour un bilan complet puisque les premières titularisations ne sont pas encore intervenues. D’autres mesures ont été prises : le recrutement hors conseil national des universités, le CDI de mission et de chantier, le séjour de recherche.

Les contrats d’objectifs, de moyens et de performance ont introduit un suivi de la performance des établissements par le ministère sur la poursuite d’objectifs stratégiques en 2023.

Concernant le doctorat, plusieurs mesures pour le valoriser ont été prises. La rémunération des doctorants est notamment augmentée par étapes pour atteindre 2 300 euros brut en 2026. Autres nouveautés : le contrat doctoral de droit privé (auparavant des CDD peu adaptés) et le contrat post-doctoral (qui n’était pas clairement identifié d’un point de vue juridique).

Répondre aux enjeux de recherche partenariale et d’innovation

Les trois rapporteurs du troisième groupe de travail étaient : Francis Chouat, ancien maire d’Évry et ancien député LREM, Isabel Marey-Semper, ancienne DG de L’Oréal et membre du conseil d’administration d’Inria, et Dominique Vernay, ancien directeur technique du groupe Thalès et ancien président de la fondation de la coopération scientifique Campus-Paris-Saclay.

Leurs propositions :

Quelles évolutions ?

Afin de faciliter davantage les passerelles public-privé et de renforcer le lien entre la recherche publique et l’économie, la loi a assoupli le régime du chercheur-entrepreneur, soutient la recherche partenariale et simplifie les régimes de cumul d’activité des chercheurs et des enseignants-chercheurs.

En outre, en 2023, 25 pôles universitaires d’innovation ont été mis en place.