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Bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans l’ESR, ils témoignent

Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Personnels et statuts

Poussés par les évolutions législatives des dernières années, les établissements se mobilisent sur les questions d’inclusion des personnels. Deux bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans des institutions de l’enseignement supérieur et de la recherche évoquent les aménagements pris par leurs employeurs et leur vécu face à cette situation.

En 2020, l’ESR comptait un taux moyen de 3,5 % de personnels bénéficiaires de l’obligation d’emploi. - © CPU/Université d’Angers
En 2020, l’ESR comptait un taux moyen de 3,5 % de personnels bénéficiaires de l’obligation d’emploi. - © CPU/Université d’Angers

Depuis 2005, les administrations se doivent d’employer au moins 6 % d’effectifs porteurs de handicap. Pour autant, seuls 3,5 % des personnels bénéficiaires de l’obligation d’emploi (BOE) exerçaient dans l’enseignement supérieur en 2020 en moyenne.

Comment ces personnes en situation de handicap sont-elles accompagnées par leur employeur ? Un directeur de recherche et un assistant-ingénieur dans l’ESR racontent comment leurs employeurs ont aménagé leur poste de travail et comment ils vivent la situation.

Hatem Zaag « Nous sommes de plus en plus intégrés dans les stratégies »

Directeur de recherche en mathématiques au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), rattaché à l’Université Sorbonne Paris Nord, Hatem Zaag, 50 ans, est atteint d’une maladie neuromusculaire évolutive. « La maladie affecte tous mes membres. Pour me déplacer, je suis dépendant de mon fauteuil roulant électrique. J’ai du mal, aussi, avec tout ce qui est ouverture de portes, préhension d’objets… », commence-t-il.

Hatem Zaag est directeur de recherche en mathématiques au CNRS. - © D.R.
Hatem Zaag est directeur de recherche en mathématiques au CNRS. - © D.R.

« Mon handicap est quelque chose d’uniquement fonctionnel, de quantifiable, qui ne se voit que lorsqu’il n’est pas compensé. Il ne me pèse donc qu’à la marge, à la faveur des nombreux aménagements dont j’ai bénéficié de la part de mon employeur et de mon université d’accueil  : la création de toilettes adaptées à mon étage  ; le remplacement de l’ascenseur, mon plan A pour accéder à mon bureau, au quatrième étage ; la pose de trois plateformes le long d’escaliers, en plan B d’accès à celui-ci  ; la motorisation de 4 portes de couloirs », ajoute-t-il.

Des facilités de transport

Pour autant, tout n’est pas optimal. « Actuellement c’est grâce à une simple… ficelle que je tire la porte de mon bureau, au grand dam de l’assistante sociale venue me visiter. Mais je dois au CNRS d’être transporté gratuitement en taxi pour mes allers-retours de mon domicile à l’université. Une facilité qui me fait gagner énormément en temps et en qualité de vie », raconte-t-il.

Une meilleure prise en compte du handicap

Le directeur de recherche au CNRS constate une amélioration de l'état d’esprit envers les personnels handicapés. « Je ressens une réelle bienveillance. Nous sommes de plus en plus intégrés dans les stratégies. Ainsi, pour le futur bâtiment pour les maths et l’informatique, j’ai été associé dès le début à toutes les phases de la construction », salue-t-il.

« À mon sens, la marge de progression de l’université française en matière d’inclusion porte en particulier sur la garantie de l’accessibilité universelle du bâti. Si la prise en compte des normes en ce sens dès la conception est entrée dans les mœurs, les vieux bâtiments non accessibles constituent toujours la norme », regrette-t-il toutefois.

Omar Kebli « Je ne me suis jamais senti rejeté »

Assistant-ingénieur développement logiciels au CNRS, Omar Kebli, 46 ans, est aussi affecté à l’Université Sorbonne Paris Nord et bénéficiaire de l’obligation d’emploi. «  Je suis non-voyant, avec une simple perception lumineuse. Je ne peux pas me déplacer sans canne et je ne vois pas la personne devant moi, ni mon écran », détaille-t-il.

Des aménagements de poste coûteux

Omar Kebli est affecté à la Sorbonne Paris Nord. - © Claude Shoshany
Omar Kebli est affecté à la Sorbonne Paris Nord. - © Claude Shoshany

« Je dois à mon université d’accueil l’aménagement complet de mon poste de travail  : lecteur d’écran, logiciel d’accessibilité avec deux sorties (une vocale et une en braille). Des investissements lourds, pris en charge en intégralité par mon employeur, le CNRS  : la plage braille, à elle seule, c’est 10 000 euros, 2 000 pour le logiciel. Avec une mise à jour de 400 euros tous les deux ans », précise-t-il.

« Pour le reste, je peux accéder aux formations au même titre que mes collègues valides, grâce à l’équipement également réalisé sur mon ordinateur portable. Être non voyant est un handicap lourd. Pour autant, je ne me suis jamais senti rejeté, ni des étudiants, ni de l’administration, ni des collègues », affirme-t-il.

Une promotion qui ne vient pas

Un bémol pour l’assistant-ingénieur, un avancement de carrière trop lent. « Alors que je travaille deux fois plus que certains, en 19 ans de services mes demandes de promotion ont à ce jour toutes été rejetées, en dépit du soutien de ma directrice. Ce qui pèse sur mon moral et sur ma motivation. Un peu d’encouragement supplémentaire pour les personnels handicapés serait bienvenu ! », s’exclame-t-il.