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Premières mobilisations sur les campus contre la réforme des retraites

Par Isabelle Cormaty | Le | Personnels et statuts

Campus Matin vous explique ce que la réforme des retraites s’apprête à changer pour les fonctionnaires, vacataires et contractuels de l’ESR et détaille l’ampleur de la mobilisation dans les établissements du supérieur.

Deux journées de mobilisation contre la réforme des retraites sont prévus les 7 et 11 février. - © CC-BY SA Jeanne Menjoulet
Deux journées de mobilisation contre la réforme des retraites sont prévus les 7 et 11 février. - © CC-BY SA Jeanne Menjoulet

Après trois jours de grèves contre la réforme des retraites à l’appel des syndicats, une quatrième journée de mobilisation est prévue le 11 février, alors qu’a commencé le 6 février dernier l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale. Une mobilisation suivie dans l’écosystème de l’enseignement supérieur.

Que prévoit la réforme ?

Parmi les éléments phares de la réforme des retraites, présenté par la Première ministre, Élisabeth Borne le 10 janvier figurent notamment : 

  • le décalage de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans en 2030 ;
  • l’accélération du rythme de progression de cotisation prévue par la réforme Touraine, afin d’atteindre 172 trimestres nécessaires pour partir en retraite à taux plein, soit 43 années de cotisation en 2027 ;
  • une retraite à taux plein à 67 ans, même pour les travailleurs n’ayant pas cotisé 43 ans ;
  • la mise en œuvre du dispositif de retraite progressive qui existe déjà pour les salariés et les indépendants ;
  • et la possibilité pour les fonctionnaires qui souhaitent poursuivre leur carrière au-delà de 67 ans de le faire, dans la limite de 70 ans.

Pour les fonctionnaires, le calcul des pensions de retraite ne change pas. Il sera toujours basé sur le traitement indiciaire des six derniers mois (hors primes). « Il y a quelques années, il y a eu un transfert des primes en points d’indice. Nous souhaitons que les indices en fin de carrière soient le plus haut possibles pour les fonctionnaires et nous demandons un nouveau travail pour la transformation des primes en point d’indice », revendique Frédéric Marchand, secrétaire général du syndicat Unsa Éducation.

Quel calendrier ?

La Première ministre, Élisabeth Borne a présenté le projet de réforme des retraites le 10 janvier. - © D.R.
La Première ministre, Élisabeth Borne a présenté le projet de réforme des retraites le 10 janvier. - © D.R.

Du point de vue législatif, les parlementaires ont jusqu’au 26 mars pour débattre de la réforme des retraites. Le gouvernement souhaite que la réforme des retraites entre en vigueur le 1er septembre, après publication au Journal officiel.

Les syndicats ont eux convenu de prochaines journées de mobilisation les 11 et 16 février puis les 7 et 8 mars. D’ici là, la CGT appelle notamment à « multiplier les actions, initiatives, réunions ou assemblées générales partout sur le territoire, dans les entreprises et services, dans les lieux d’étude, y compris par la grève ».

Quelles sont les revendications de l’intersyndicale de l’ESR ?

« Cette réforme des retraites affecterait tous les personnels : qu’ils aient des carrières complètes, courtes, longues, hachées, toutes et tous subiraient l’allongement de la durée de cotisation et le recul de deux ans de l’âge légal, et au final une baisse de pension », résume l’intersyndicale dans un communiqué publié le 3 février.

Pour Frédéric Marchand, « la réforme des retraites concerne tout un projet de société global. Il n’y avait pas d’urgence à faire passer ce texte et il existait d’autres moyens de résorber le déficit du système, en augmentant les cotisations des entreprises notamment. »

Le départ moyen à la retraite des enseignants-chercheurs à 65,8 ans

En 2021, les enseignants-chercheurs partaient en retraite à 65,8 ans en moyenne, d’après le service statistique du ministère. Ce chiffre devrait augmenter avec la réforme.

« Nous craignons qu’un bon nombre d’enseignants-chercheurs travaillent bien au-delà de l’âge légal de départ à la retraite. Certains choisissaient à titre personnel d’aller jusqu’à 67 ans pour bénéficier d’une surcote. Avec le passage aux 43 annuités, les enseignants-chercheurs vont travailler plus, mais sans surcote pour la plupart », analyse Frédéric Marchand.

Né en 1971, Pierre Jourlin a effectué des petits boulots durant ses études et trois années de postdoc à l’étranger. D’après le projet de réforme, l’enseignant-chercheur pourra partir en retraite à 67 ans, sans avoir cotisé 43 annuités, ce qui va jouer sur le montant de sa pension.

« Si je pars à 62 ans, je vais toucher 1500€ net par mois de retraite, d’après le simulateur du ministère, après huit ans d’études ! Et encore, je suis en informatique, j’ai trouvé un poste relativement facilement à l’âge de 29 ans, mais beaucoup de collègues mettent plusieurs années à être titularisés », témoigne ce maitre de conférences à Avignon Université qui s’oppose au projet de réforme.

Une réforme qui s’inscrit dans un climat social tendu

Frédéric Marchand est secrétaire général de l’UNSA Éducation. - © D.R.
Frédéric Marchand est secrétaire général de l’UNSA Éducation. - © D.R.

Outre le rejet de la réforme des retraites, cette mobilisation s’inscrit pour les syndicats et les manifestants, dans un contexte plus global de revendications en lien avec l’inflation. 

« La revalorisation indemnitaire des enseignants-chercheurs et le repyramidage sont importants, mais ils ne concernent pour l’instant que peu d’ingénieurs et personnels techniques, de recherche et de formation (IRTF). L’inflation touche tous les fonctionnaires et vient manger sur les revendications salariales obtenues avec la Loi de programmation de la recherche », précise le secrétaire général de de l’Unsa Éducation.

Quelle mobilisation dans les établissements ?

Au-delà des chiffres nationaux sur la mobilisation contre la réforme des retraites, difficile d’évaluer l’ampleur du mouvement chez les personnels et enseignants de l’ESR durant ces trois journées de grève. Quelques bibliothèques universitaires ont dû fermer faute de personnels suffisants, comme à Dauphine ou l’Université de Bourgogne. Le 31 janvier, « nous étions plusieurs dizaines à partir d’Avignon Université en cortège pour rejoindre la manifestation, alors qu’il y a traditionnellement peu de grévistes dans notre établissement », constate Pierre Jourlin.

Avec la répétition des jours de mobilisation, certains grévistes craignent toutefois les pertes de salaire.

« Nous observons sur le terrain un rejet fort de la réforme qui se concrétise dans tous les sondages d’opinion. Avec l’inflation, multiplier les journées de grève n’est pas forcément évident pour tous les collègues. Le gouvernement ferait une erreur à se calquer sur les taux de grévistes », prévient Frédéric Marchand.

Les syndicats étudiants mobilisés dans les campus

Outre les personnels et enseignants-chercheurs de l’ESR, les étudiants se sont également mobilisés dans la rue et sur les campus, à l’appel de huit organisations étudiantes et lycéennes. « Nos organisations appellent à tout mettre en œuvre pour mobiliser largement la jeunesse. Notamment en votant en assemblée générale le blocage de nos lieux d’études, lycées et universités, le 7 février », indiquaient-elles dans un communiqué commun publié au début du mois.

Les universités Paris 1 Panthéon Sorbonne, Toulouse Jean-Jaurès, Lorraine (site de Nancy), Grenoble et Poitiers ont donc été partiellement bloquées le 7 février. Une évacuation par les forces de l’ordre a eu lieu sur le campus de l’Université de Lille.

Trois jours de fermeture sur un campus de Rennes 2

Réunis en assemblée générale le 6 février, les étudiants de Rennes 2 ont voté le blocage de leur établissement. - © Union pirate
Réunis en assemblée générale le 6 février, les étudiants de Rennes 2 ont voté le blocage de leur établissement. - © Union pirate

La mobilisation a été particulièrement suivie à l’Université Rennes 2, où les étudiants ont voté le blocage de l’établissement le lundi 6 février, après une réunion publique du député insoumis du Val-de-Marne, Louis Boyard. L’ancien syndicaliste lycéen et élu étudiant d’Assas avait été invité par le syndicat étudiant l’Union pirate.

« Compte tenu des dégradations et de la quantité de mobilier sorti », la présidence de l’Université Rennes 2 a annoncé la fermeture du campus Villejean jusqu’au jeudi 9 février ainsi que la suspension de toutes les activités pédagogiques et de recherche durant trois jours.