Vie des campus

Jury des oraux de motivation en grande école  : nos journalistes racontent

Par Marine Dessaux, Camille Vandier, Lucie Coquart | Le | Expérience étudiante

Les concours des grandes écoles ont ceci de particulier qu’ils comprennent, après une première sélection écrite basée sur des connaissances pures, un oral de motivation. Vaste sujet que la notation du projet et des «  compétences douces  » du candidat  ! Nos journalistes s’y sont frottés. Et racontent.

Les candidats sont orientés par les élèves admisseurs tout au long de la journée - © RennesSchoolofBusiness
Les candidats sont orientés par les élèves admisseurs tout au long de la journée - © RennesSchoolofBusiness

Le présentiel reprend dans les universités et grandes écoles… et les reportages avec  ! La semaine du 21 juin 2021, trois des journalistes des rédactions de News Tank Education et Recherche et de Campus Matin, son site ouvert, ont été conviées à des oraux de motivation, passés par les admissibles du concours CPGE.  

Une fois n’est pas coutume, il s’agissait pour elles de s’extraire de leur position d’observatrice pour prendre part à l’action. Dans trois écoles différentes, Camille Vandier, Lucie Coquart et Marine Dessaux ont eu l’occasion de rencontrer les admissibles et de les évaluer.  

Récit collectif.

Camille Vandier, rédactrice News Tank, à Rennes SB  : «  il y a eu une réelle bienveillance  » 

8h04, gare Montparnasse à Paris. Le contrôleur annonce le départ du train, direction Rennes. C’est le Jour J pour des centaines de candidats de CPGE qui se présentent aux épreuves orales des concours d’entrée en école de management, mais aussi pour moi. Car cette fois, je serai de l’autre côté de la table, en tant que membre du jury des oraux de Rennes School of Business.

Les futurs étudiants doivent cogiter encore plus que moi.

Je ne dirais pas que je suis aussi angoissée que les admissibles, mais j’ai une petite pointe d’appréhension mêlée au syndrome de l’imposteur. « Qu’est-ce que je vais leur poser comme questions ? » J’ai régulièrement des échanges avec les équipes dirigeantes de divers établissements, mais là, l’enjeu est tout autre. Je griffonne quelques notes sur mon carnet, avant de le refermer en me disant que je serai briefée à mon arrivée à l'école et que les futurs étudiants doivent cogiter encore plus que moi. 

C’est Sabine Havard, chargée de communication et des relations presse, qui répond à mes premières questions en venant me chercher à la gare. Finalement, le plaisir de retourner sur un campus - après tant de mois entre les murs de mon appartement - reprend le dessus et j’ai hâte de découvrir ce qui m’attend.  

Bora-Bo’rennes ! - © Camille Vandier
Bora-Bo’rennes ! - © Camille Vandier

Arrivée sur le site de l'école, je croise des « admisseurs », ces étudiants chargés d’accueillir les candidats et de leur faire découvrir l’école. Ceux-ci ont  des drapeaux de différents pays sur le dos et des colliers de fleurs autour du cou. Le thème : Bora-Bo’Rennes, logique donc ! Vous vous doutez bien qu’un drapeau breton s’est tout de même glissé parmi eux. Certains étudiants accompagnent des candidats à leurs salles, d’autres discutent avec eux. L’ambiance est plutôt détendue.  

Je me remets un peu dans les baskets de ceux qui s’apprêtent à passer les épreuves orales, et j’ai de l’empathie pour eux. Je n’ai pas franchement de bons souvenirs de mes oraux, et j’espère qu’ils le vivront mieux que moi. Cela fait deux ans qu’ils s’y préparent ! En parlant de baskets, je suis frappée par le « dress code » des candidats. Ils sont vraiment sur leur 31, en costume cravate ou des beaux ensembles et robes. Moi ? Et bien… ma paire de Nike un peu abîmée par le temps détonne un peu. 

Un exercice qui se rapproche de l’interview

Un café plus tard et me voilà dans une des salles d’examen. À mes côtés, Irena Descubes, professeure et directrice de l’executive MBA de Rennes SB. Derrière son masque aux couleurs de l'école, un regard qui me met tout de suite à l’aise. Au programme pour les candidats : cinq minutes sur une question d’actualité et 15 minutes d’entretien de motivation au cours duquel ils présentent leur parcours et leur projet. Finalement, j’écoute et observe un peu avant de poser des questions assez naturellement, comme une interview en somme. Du haut de leurs 19-20 ans, ils sont assez impressionnants. Et 20 minutes, c’est presque frustrant pour moi : j’aurais eu plein d’autres questions à leur poser pour en savoir plus. Mais c’est le jeu !  

Voir les coulisses m’a aussi beaucoup appris

À chaque fin d’entretien, Irena et moi faisons le point, en suivant la grille d’évaluation de l’école. Nos impressions vont dans le même sens et nous discutons des notes à attribuer. Habituée des jurys d’examen, Irena m’explique aussi ses choix, notamment par rapport aux autres candidats de la matinée, que je n’ai pas vus. Finalement, il y a eu une réelle bienveillance à l’égard des jeunes qui se sont présentés. Alors que j’ai davantage l’habitude de couvrir l’actualité institutionnelle de l’école, voir les coulisses et participer au processus de recrutement m’a aussi beaucoup appris.

Perdue dans mes pensées, je traverse l’allée direction le bâtiment principal pour déjeuner. Je passe « la rue des entrepreneurs » emblématique avec ses palmiers en me faufilant entre les jeunes candidats et étudiants, c’est l’effervescence ! Un brouhaha agréable enveloppe le bâtiment ; la vie a repris et ça fait du bien.  

Marine Dessaux, rédactrice Campus Matin à Audencia  : «  le candidat arrive à nous emporter dans son univers  » 

Le 24 juin dernier, Audencia m’a donné l’opportunité de faire passer l’oral de motivation à cinq de ses admissibles, une première dans ma vie de journaliste. Aux côtés du président de jury, l’enseignant-chercheur spécialisé en RSE, José Maillet, j’ai endossé le rôle d’ «  assesseure  », toujours tenu par des professionnels d’horizons divers.  

Attablée dans une salle immaculée et lumineuse, au sein de cet immense navire nantais qu’est l’Atlantic Campus, je révise une dernière fois les attendus. Au terme d’un exposé de cinq minutes, le candidat et le jury échangent sur son parcours, ses projets, sa motivation. Il s’agit avant tout de cerner l’état d’esprit de ces jeunes qui ont déjà brillamment réussi le concours écrit, m’explique José, très enthousiaste quant au niveau des entretiens qu’il a eu l’occasion de faire passer cette année.  

Je suis absorbée par les personnalités, les projets des admissibles

Pendant quatre heures, je suis absorbée par les personnalités, les projets des admissibles et prend du recul sur le fonctionnement de cette phase de recrutement un peu particulière. Se retrouver de ce côté des oraux, en tant que jury et en tant que journaliste, est passionnant par de multiples aspects. 

Une double position

«  J'étais dedans et dehors  », participante et observatrice, comme le dit si bien F. S. Fitzgerald dans Gatsby le magnifique. Voilà, je pourrais être admissible moi aussi  : j’ai placé une citation ! Parce que les beaux mots de grands hommes, en effet, j’en ai entendu un sacré nombre lors des exposés d’introduction  ! Parfois mal maîtrisés, souvent tirés par les cheveux, ils viennent saturer l’argumentation qui se confond parfois avec une épreuve de philosophie. Il faut dire que les sujets peuvent prêter à confusion  : «  le respect  », «  jouer avec les mots  », «  avoir peur  », trouve-t-on notamment.

Durant ces oraux, les admissibles n’ont pas mentionné la crise sanitaire - © Audencia
Durant ces oraux, les admissibles n’ont pas mentionné la crise sanitaire - © Audencia

Finalement, ce qui reste imprimé de ces quelques minutes, c’est l’aisance, la capacité à exprimer des idées, à dérouler un argumentaire de la part des candidats. Sur le fond, j’ai parfois des réserves, la compréhension des concepts peut être limitée : le respect et l’admiration se mélangent, les jeux de mots sont décrits comme l’apanage des politiques modernes, l’éthique est résumée un peu naïvement en “respect envers les femmes et l’environnement”…  

Mais l’échange qui suit balaie tout cela, lorsque le candidat arrive à nous emporter dans son univers. Une jeune guadeloupéenne veut créer un festival de musiques caribéennes, un jeune homme veut devenir officier avant de lancer son cabinet de conseil en communication auprès de la gendarmerie, un autre encore veut devenir sponsor outre-Atlantique.  

Et parfois, ça rate.

Et parfois, ça rate. Malgré de multiples questions pour essayer de dérider un garçon visiblement très stressé, «  on n’a pas réussi à l’avoir  », regrette José. La note ne descend pas en dessous de la moyenne - et ne le fait que lorsque l’admissible est ostensiblement désagréable ou perd totalement ses mots, m’explique le professeur - et elle est rattrapable à condition que le reste soit brillant. 

Avec le recul, je me demande si les notes n’ont pas été trop généreuses, qu’en encourageant les personnes qui se vendent le mieux, on risque de passer à côté des plus sincères… Et puis je me rassure en interrogeant José qui me confirme qu’au fil des années, l’impression qui ressort de ces quelques minutes d’entretien s’avère être la bonne. 

Lucie Coquart, rédactrice News Tank, à Esiea  : «  chacun doit raconter un mensonge et deux vérités  » 

Le stress des oraux s’applique aussi aux journalistes ! - © Lucie Coquart
Le stress des oraux s’applique aussi aux journalistes ! - © Lucie Coquart

C’est la première fois que des journalistes sont conviés à l’Esiea pour faire passer des oraux, et la première fois que j’en fais passer tout court. Le jour J approche, je me renseigne au maximum après de la consultante en relations presse qui m’a proposé cette expérience, je demande ce que j’ai à préparer, car, il faut que je vous le dise : je suis assez stressée. Peut-être plus que les candidats, à qui je me promets de ne pas communiquer mon stress. Ils en ont assez à gérer.  

Le 24 juin, je me mets donc en route pour cette école d’ingénieurs située à Ivry-sur-Seine. Je suis accueillie par une étudiante de deuxième année qui me dirige à l’étage, où sont réunis candidats et examinateurs dans l’attente du top départ. Là, Olena Skrypnyk, directrice admission marketing et communication me prend en charge, me présente rapidement la salle, les « box » où nous ferons passer les entretiens et le déroulé de l’après-midi. « Le premier évènement en physique depuis 18 mois », me dit-elle. Et d’ajouter que l’école « n’a pas souhaité sortir le grand jeu, pour montrer l’établissement tel qu’il est et éviter les déceptions des admis à l’arrivée »

Une conférence de présentation débute la journée - © Lucie Coquart
Une conférence de présentation débute la journée - © Lucie Coquart

La session du jour commence, comme toutes les autres, par une conférence donnée par « le plus jeune directeur d’école d’ingé », Loïc Roussel, suivi de Lionel Prevost, directeur technique de l’établissement. Tous deux présentent l’école, ses enseignements, ses partenaires, ses débouchés devant une trentaine de candidats, contre une cinquantaine initialement attendue.

C’est l’occasion, à la fois, pour les personnels d’adapter les plannings et pour nous, jurys, d’être rapidement formés à l’exercice que nous allons faire passer aux candidats : l’entretien individuel de motivation, ou l’entretien collectif, que j’ai choisi. Je suis en binôme avec Valéry, le responsable des projets scientifiques et techniques de l’Esiea.

La conférence s’achève, nous nous installons dans notre box puis arrive notre première vague de candidats. Ils sont sept, et vont devoir, pendant une heure et demie, proposer une solution à une problématique qu’ils auront posée après avoir choisi parmi  cinq thèmes proposés. Les deux groupes de candidats choisissent : santé connectée et déserts médicaux pour le premier, et transport dans la ville intelligente pour le second.  

Une observation en binôme et un bilan partagé

Se connaitre davantage, mais aussi détendre l’atmosphère

C’est Valéry qui mène la danse et rythme la session. Initiative originale, il propose aux candidats, avant de commencer, un exercice d’inclusion : chacun, à tour de rôle, doit raconter un mensonge et deux vérités, l’occasion pour les candidats de se connaitre davantage, mais aussi de détendre l’atmosphère.

L’objet de ma présence est d’étudier les comportements et de voir si ces futurs étudiants, issus de prépas, savent travailler en groupe. S’écoutent-ils ? Prennent-ils le temps de réfléchir ? Y a-t-il un (ou plusieurs) leader ? Des absents ? Ce sont toutes ces questions qui orientent ma prise de note, et les notes que nous leur donnons, après concertation avec Valéry.

Notre bilan est similaire : le premier contingent de candidats fonctionne admirablement bien : ils s’écoutent, personne n’est écrasant, les idées fusent, le projet est bien construit, et la restitution claire. En revanche, le second groupe un peu moins, il n’y a pas de dynamisme et de réflexion commune, mais les observer a, en tout cas, été très instructif, je n’avais jamais été en situation de recul et d’observation. Et cela permet aussi de se questionner sur son propre comportement au sein d’un groupe.

La conclusion  

Elle est la même pour toutes trois  : il s’agit d’une expérience à réitérer d’urgence  ! Quelle chance d’être témoin des ambitions et passions des étudiants. Peut-être aujourd’hui comprenons-nous, encore un peu mieux, ce qui anime nos interlocuteurs, acteurs du quotidien de l’enseignement supérieur, qui s’investissent pour former et armer les professionnels de demain.

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