Des idées plein les kits à l’UBO Open Factory
Donner vie à des innovations durables pour répondre aux besoins de l’université et du territoire tout en s’auto-finançant : c’est l’objectif de l’UBO Open Factory, à Brest. Visite dans cet espace d’expérimentation, qui va au-delà du fablab et tisse des liens avec une grande diversité d’acteurs, notamment les publics en perte d’autonomie.

Comment définir l’UBO Open Factory, cet endroit où se mélangent des machines de découpe (laser, vinyle), des fraises qui percent le bois ou les cartes électroniques, des imprimantes 3D, quelques bureaux et tables pour des ateliers, mais aussi toutes sortes de matériaux ?
« C’est un espace participatif, collectif, d’expérimentation et de création, où nous accompagnons des initiatives au service du campus et du territoire », décrit Claire Brannelec, directrice adjointe de l’UBO Open Factory.
Son rôle ? Être accompagnateur lorsqu’une idée ou un besoin émerge. Pour tester la pertinence et la faisabilité du projet, cet espace met à disposition l’expertise en ingénierie de ses acteurs, un soutien technique ou méthodologique et des outils. « Il s’agit de développer des projets d’innovation fondés sur des approches centrées usagers, grâce à l’intelligence collective », résume Claire Brannelec.
Les thématiques que ce service général de l’université a déjà abordées sont variées : handicap, santé, matériaux, mer… le tout relié par le fil rouge des transitions, écologique et sociale.
Une structure qui se distingue d’un fablab
« Nous ne sommes pas simplement un fablab, explique Charlotte Philip, chargée de communication pour l’UBO Open Factory. Nous sommes également un laboratoire d’innovation, un espace de création et d’expérimentation. Nous ne proposons pas, comme d’autres fablabs, des horaires de permanences pour que les particuliers viennent bricoler en libre accès. »
Si les abonnés doivent prendre rendez-vous pour utiliser les machines, cet espace reste accessible toute la semaine. Tous les acteurs locaux peuvent ainsi venir y frapper : étudiants, enseignants-chercheurs, personnels, mais aussi les professionnels, collectivités, associations, entrepreneurs et porteurs de projets durables.
Les profils des 11 salariés sont variés : ingénieur de recherche, technicien, animateur… Le directeur, et co-fondateur du fablab, est enseignant-chercheur et vice-président en charge des transitions à l’université brestoise en parallèle.
Un service sur ressources propres
Avec un seul poste financé par l’Université de Bretagne occidentale et une aide ponctuelle pour deux autres postes en 2024-2025, le laboratoire d’innovation doit fournir des prestations de services internes et externes pour se financer.
« Cela pousse à l’innovation et à l’adaptation constante, rapporte Charlotte Philip. Nous avons par exemple développé un catalogue de formation continue destiné aux personnels et aux professionnels. » L’UBO Open Factory propose aussi des ateliers de sensibilisation aux transitions.

Répondre aux besoins du territoire
Pour trouver des financements, le laboratoire d’innovation se tourne vers le territoire. Et les projets, d’abord autour du handicap, ont progressivement évolué vers la perte d’autonomie.
« Avec la Fondation Ildys, partenaire historique qui gère des foyers, centres de rééducation et des Ehpad, nous avons commencé à développer des aides techniques liées à la perte d’autonomie, retrace Claire Brannelec. Aujourd’hui, nous sommes davantage sur des projets de démonstration et à portée sociale. »
En effet, Les sages ont un message, en partenariat avec la filière gériatrique du Pays de Morlaix, est un projet sur deux ans qui vise à renforcer la parole des personnes âgées. « L’objectif est de rendre les personnes résidentes en Ehpad actrices de la vie citoyenne. Nous avons d’abord formé les animateurs, qui sont des interlocuteurs clés, à la créativité, l’intelligence collective et émotionnelle », raconte Sarah Noll, ingénieure pédagogique à l’UBO Open Factory.
Cinq jeux ont été conçus collectivement pour faciliter l’expression des résidents, certains centrés sur les émotions, d’autres sur la représentation de soi ou encore sur le chemin de vie. « Beaucoup de personnes âgées se dévalorisent, ont l’impression de ne plus avoir rien à dire ou à apporter à la collectivité. L’objectif était de leur montrer que leur histoire a encore du sens et que leur avis peut nourrir la vie de la cité », poursuit Sarah Noll. Le Laboratoire d’études et de recherche en sociologie (UBO/Université de Bretagne Sud) est également impliqué pour recueillir et analyser les données.
Breizh fabribus : fablab itinérant
C’est dans cette même logique d’innovation sociale et inclusive que l’UBO Open Factory et la Fondation Ildys ont aménagé le Breizh Fabribus. Le concept s’inspire du Breizh Bucco Bus, cabinet dentaire mobile déjà lancé par la fondation. « Avec le Breizh Fabribus, nous proposons un peu le même concept, en allant au plus près des besoins pour concevoir des aides techniques avec et pour les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie. Il est temps d’arrêter de tout centraliser dans les grandes villes », souligne Charlotte Philip.

Pour proposer des solutions facilement déployables et abordables, des kits de conception d’aides techniques, un peu à l’image de boîtes de Lego ou de Meccano, ont été imaginés. Ils permettent de créer de nouveaux objets à partir de prototypes, adaptables au plus grand nombre. Les thématiques tournent autour de l’accès aux repas, aux jeux, au vélo ou encore au littoral.
L’UBO Open Factory organise également des handi-créathons pour nourrir le développement de ces kits, qui rassemblent professionnels de santé, personnes en situation de handicap, particuliers, aidants et étudiants.
Seul obstacle : les personnes intéressées par le Breizh fabribus doivent faire elles-mêmes la démarche pour qu’il leur rende visite. L’UBO Open factory réfléchit à la manière d’être identifiée sur le territoire. « Le Breizh Fabribus n’est véritablement sur les routes que depuis un an. La question est désormais de savoir comment nous pouvons pérenniser ses services », expose Charlotte Philip.

Présent également lors de journées de sensibilisation pilotées par des étudiants en sport adapté, le bus a aussi vocation à devenir un espace de formation, pour les écoles de kiné, d’infirmiers ou ergothérapeutes. Dès septembre, le Breizh Fabribus sillonnera le campus dans le cadre du projet « Tous EGO — Ensemble pour grandir et ouvrir ».
Un débulleur, une canne amphibie… Quelques exemples des réalisations de l’UBO Open Factory
À l’UBO Open Factory, l’accompagnement se construit toujours avec les personnes concernées. « Nous ne faisons pas les choses pour les gens, mais avec les gens. Nous proposons trois rendez-vous gratuits aux porteurs de projet : un échange stratégique et une réflexion plus poussée sur leurs besoins, deux temps personnalisés, méthodologiques ou techniques, avant de mettre à disposition nos technologies. L’objectif est de permettre à des entrepreneurs d’émerger à partir de problématiques concrètes identifiées sur le territoire », explique Claire Brannelec.
Un exemple marquant est celui d’une passionnée de longe côte atteinte d’un trouble de l’équilibre qui cherchait un appui stable, léger… et économique. « Les cannes existantes sont chères et disponibles seulement aux États-Unis. Nous avons donc conçu avec elle une canne équipée de flotteurs et d’un embout pour éviter qu’elle ne s’enfonce dans le sable et pour l’aider à garder l’équilibre dans l’eau. »

En lien avec la mer, autre thématique forte de l’UBO, l’équipe collabore avec des laboratoires universitaires et l’Ifremer. « Nous avons travaillé sur le prototypage d’un débulleur, dans le cadre d’un projet de sciences participatives avec la classe Imoca, engagée dans le Vendée Globe. L’objectif était de concevoir des instruments de mesure embarqués pour récolter des données loin des routes maritimes dites touristiques. Comme ces bateaux vont très vite, des bulles se forment et faussent les résultats des capteurs. Nous avons co-développé et installé deux prototypes de débulleurs, qui ont été embarqués sur deux bateaux de la course 2024. »
Parmi les autres innovations, citons des poubelles connectées développées dans le cadre du projet Foodrest de l’Agence nationale de recherche sur le gaspillage alimentaire. « L’objectif était de produire une cinquantaine de poubelles associées à une balance connectée à un coût bien inférieur aux solutions du marché, tout en les adaptant finement les données récoltées aux usages réels de la population, ce que les dispositifs existants ne permettaient pas. »
Vers une commercialisation de certaines innovations ?
Certains projets pourraient dépasser le cadre expérimental. « Le projet de canne amphibie a pris de l’ampleur : la personne qui l’a imaginé a reçu de nombreuses sollicitations, et l’idée d’un développement commercial est née. Un partenariat avec un Esat est en cours pour la production des cannes », détaille Charlotte Philip.
Même dynamique pour les jeux pour seniors. « Les jeux conçus dans le cadre des Sages ont un message seront probablement commercialisés, en tant qu’outils d’animation. Une présentation est prévue lors du salon Rééduca Paris, le 9 octobre prochain. L’idée est que ces projets puissent essaimer », indique Sarah Noll.
Réutiliser les plastiques usagés à l’université
L’UBO Open Factory s’est aussi emparée des enjeux liés au recyclage et à l’économie circulaire. « Le mouvement Precious Plastic a permis d’implanter à l’université une mini-usine de transformation des déchets plastiques, issus principalement des TP de science, rapporte la directrice du laboratoire d’innovation. L’idée était d’appliquer les principes du mouvement international au contexte local, en installant des stations de tri. Certains plastiques souillés suivaient déjà un circuit de traitement bien défini, mais une partie des déchets, comme les supports de pipettes ou autres plastiques durs, n’avait pas de filière de recyclage. »

Le projet a aussi été porté en interne par une enseignante-chercheuse sensibilisée à la pollution plastique dans les laboratoires. « La solution a consisté à créer des ateliers de recyclage local, avec des machines capables de broyer le plastique pour produire du “recyclat” : des paillettes de plastique, poursuit Claire Brannelec. Ces paillettes sont ensuite injectées dans des moules personnalisés ou fondues pour former une plaque avec une presse à plat. Ces matériaux transformés ont été réutilisés dans des ateliers DIY, comme la fabrication de caches de haut-parleurs pour enceintes Bluetooth. » En partenariat avec l’entreprise Éco Action Plus, de plus grandes plaques de plastique recyclé permettent en outre de créer du mobilier.
La réflexion s’est étendue à la réutilisation possible de ces matériaux transformés dans les laboratoires eux-mêmes, en lien avec leurs besoins : supports pour ordinateurs, portemanteaux muraux, panneaux signalétiques, etc.
Les objectifs de l’UBO Open Factory pour l’avenir
L’année 2025 marque les dix ans de l’UBO Open Factory. « Nous souhaitons désormais travailler davantage sur le low-tech, favoriser l’essaimage des projets grâce à leur valorisation, et renforcer nos actions dans les transitions et sur le champ de la santé, notamment en lien avec la faculté de médecine. »
Claire Brannelec insiste sur la diversité des champs d’action de ce laboratoire d’expérimentation. « Nos projets sont très variés et s’inscrivent dans la mission de l’université. Nous intervenons également dans les cursus universitaires. Nos compétences peuvent être mobilisées dans tous les domaines de formation. »
« Notre souhait est simple : que les personnes continuent à nous solliciter pour découvrir la culture du faire par soi-même et du faire avec les autres, qu’elles aient envie d’agir avec nous au service du territoire. »