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Directeurs de la communication du futur : stratèges, agiles et à l’écoute


Compétences, évolutions de carrière, prospective… L’Arces a établi le portrait-robot du directeur de la communication du futur, à l’occasion de son colloque annuel, le 19 juin.

L’Arces fêtait ses 40 ans le 19 juin 2025. - © Campus Matin
L’Arces fêtait ses 40 ans le 19 juin 2025. - © Campus Matin

Quelles sont les compétences du futur directeur de la communication dans l’enseignement supérieur et la recherche ? Un bon relationnel pour Céline Authémayou, directrice de la communication du Groupe Insa et secrétaire générale de l’Arces.

Maîtriser les enjeux stratégiques et outils d’intelligence artificielle, pour Gian Casutt, vice-président d’Euprio, la communauté européenne des directeurs et responsables de communication de l’ESR. « On est devenu reputation manager », estime celui qui est également responsable du service communication d’ETH-Rat, le conseil des écoles polytechniques fédérales en Suisse.

Il lui faudra, enfin, de la curiosité et de l’imagination, selon Juliette Charbonneaux, enseignante-chercheuse et directrice adjointe du Celsa. Pour Béatrice Sutter, directrice de la rédaction de l’ADN — magazine en ligne qui explore les transformations sociétales, culturelles et technologiques —, l’adaptabilité est clé, avec l’ouverture et la générosité.

Comment rester aux prises avec les nouvelles tendances ?

Béatrice Sutter est directrice de la rédaction de l’ADN. - © L’ADN
Béatrice Sutter est directrice de la rédaction de l’ADN. - © L’ADN

Les communicants du futur devront appréhender en profondeur la culture de la jeunesse, notamment numérique. « Si vous ne comprenez pas la culture troll, vous ne comprenez pas les étudiants », cite par exemple Béatrice Sutter.

La directrice de la rédaction de l’ADN partage son approche pour établir, chaque année, un livre de tendances : « Cela repose essentiellement sur beaucoup d’écoute. En écoutant sincèrement ce que les gens ont à dire, c’est phénoménal ce qui ressort. » Une posture qu’elle résume par une formule :

« Une tendance, ce n’est pas quelque chose que l’on cherche, c’est quelque chose que l’on chasse pour la transformer. »

Autre bonne pratique pour suivre les tendances chez les étudiants : « la prospective ». Ancienne journaliste, Céline Authémayou estime « inconcevable de faire [son] métier sans faire de veille » aussi bien de la presse française qu’internationale (Europe et États-Unis particulièrement).

Les tendances de 2025

Juliette Charbonneaux est enseignante-chercheuse et directrice adjointe du Celsa. - © Celsa
Juliette Charbonneaux est enseignante-chercheuse et directrice adjointe du Celsa. - © Celsa

Les signaux faibles révélés par le numérique sont nombreux : désir de défis, difficultés à faire corps ensemble, risque « d’épidémie de solitude »… Juliette Charbonneaux l’observe au quotidien : « On retrouve un désir de parcours personnalisé et de projection dans le monde professionnel le plus tôt possible. Les institutions apparaissent comme des valeurs refuge. »

Le Celsa, qui forme des communicants et journalistes, a pris en compte trois grands sujets ces dernières années : la transition écologique, les questions d’égalité de genre et les enjeux de l’IA « dans une perspective éthique et déontologique », souligne Juliette Charbonneaux.

Un rôle de plus en plus transversal

Dans ce paysage mouvant, les dircoms deviennent aussi des médiateurs internes. « Je nous vois de plus en plus comme des chefs d’orchestre. Nous accompagnons des métiers très différents et les formons à la communication », détaille Céline Authémayou. Et ce rôle d’éclaireuse est d’autant plus essentiel que, selon elle, « des collègues ne voient pas la valeur de leur sujet. Être en contact avec eux permet de faire émerger des idées ».

L’IA comme assistant

Gian Casutt est vice-président d’Euprio. - © Kellenberger Kaminski
Gian Casutt est vice-président d’Euprio. - © Kellenberger Kaminski

L’intégration de l’intelligence artificielle dans les pratiques professionnelles sera, plus encore qu’aujourd’hui, incontournable.

Le centre d’IA de l’ETH a organisé une semaine de formation continue à Zurich « avec des ateliers pratiques pour tester des outils et choisir lesquels acheter ensuite », raconte Gian Casutt. L’intelligence artificielle a déjà remplacé le rôle de traducteur dans cette institution qui communique en quatre langues différentes.

Utiliser ChatGPT pour rédiger les contenus de communication n’est cependant pas toujours automatique : « J’espère que l’on continuera à garder la main sur les contenus qu’on produit », exprime Céline Authémayou.

Un lien avec la presse plus ténu

Le rapport entre les communicants et les journalistes se transforme, lui aussi. « Les journalistes sont moins importants qu’il y a dix ou vingt ans. Il y existe plein de canaux alternatifs pour faire passer un message », note Gian Casutt.

Si les réseaux sociaux permettent de s’adresser aux plus jeunes ou de lancer le débat autour d’un sujet de société, il faut réussir à émerger dans le flot de contenus. Pour Céline Authémayou, recourir à des ambassadeurs est la clé : « Il faut trouver les poissons-pilotes qui peuvent créer un effet boule de neige. »

Les journalistes restent néanmoins essentiels pour certains publics, notamment les décideurs politiques.

« Une collègue comparait jadis la relation communicant/journaliste à celle d’associés et rivaux. Elle s’est complexifiée depuis, de nouvelles figures sont apparues », résume Juliette Charbonneaux.

Et demain, un dircom plus orienté sur la stratégie… ou apolitique ?

Le positionnement stratégique du directeur ou de la directrice de la communication diffère d’un établissement à l’autre. Parfois très politiques, les titulaires de cette fonction changent parfois avec les présidences. Dans d’autres cas, un vice-président communication est nommé : le rôle de dircom est alors plus neutre et plus stable.

L’Observatoire des métiers de la communication de l’enseignement supérieur 2025, réalisé par l’Arces avec le cabinet Occurence, rapporte que seuls 57 % des directeurs répondants font partie du comité de direction contre 69 % en 2023.

Céline Authemayou est directrice de la communication du Groupe Insa. - © D.R.
Céline Authemayou est directrice de la communication du Groupe Insa. - © D.R.

Faut-il revendiquer une place au cœur de la politique d’établissement ? Pour Céline Authémayou, c’est essentiel. « Le dircom doit se situer à un haut niveau stratégique. » Mais elle met en garde : « Il va falloir se battre. Être vigilants. On voit apparaître des fonctions qui questionnent notre positionnement dans les organigrammes comme directeur du développement. De même, selon la situation, la question se pose : où se situe alors le dircom, où se situe le dircab ? »

Pour Gian Casutt, il faut même que les établissements apprennent à « faire du lobbying ». Il évoque la création d’une School for public policy par la Fondation ETH qui recense l’expertise des chercheurs pour répondre aux politiciens. Une approche nouvelle qui impacte le positionnement des directions communication.

Juliette Charbonneaux conclut : « Le sentiment d’accélération fait partie de ce qui fait société. Se sentir dépassé n’est pas un bug, c’est un symptôme. » Aux directeurs et directrices de la communication de demain de sauter dans ce train en marche !

Que retenir de l’Observatoire de l’Arces ?

Réalisé tous les deux ans depuis 2005, l’Observatoire des métiers de la communication dans l’enseignement supérieur et la recherche a élargi son public cible, intégrant des fonctions communication plus larges et de tous niveaux. L’impact sur les résultats est donc à prendre en considération.

• Si 64 % des répondants restent dans une tranche de salaire net annuel situé entre 26 000 € et 50 000 €, on observe, en cohérence avec l’ouverture des profils des membres de l’Arces à des profils plus juniors, une baisse du pourcentage des salaires supérieurs à 50 000 € (13 % vs 28 % en 2023).

En outre, le déséquilibre entre le secteur privé et public, qui avait été estompé en 2023, refait surface avec une plus forte propension au salaire supérieur à 50 000 € dans le privé (36 %), que dans le public (8 %).

• Les répondants alertent sur le manque de ressources et de temps, dans un contexte de forte concurrence entre établissements et de complexification des missions — ainsi, 29 % des répondants citent la restriction budgétaire comme un défi.

• 95 % des communicants mobilisent les réseaux sociaux et 61 % utilisent des outils d’intelligence artificielle générative comme ChatGPT. Pourtant, le temps réellement dédié au numérique reste limité, et les formats innovants (vidéos, podcasts) sont en recul.

L’édition 2025 de l’Observatoire a interrogé 681 personnes du 2 au 30 avril 2025 et a obtenu 130 réponses (18 % de participation).