Vie des campus

« Faire de la culture scientifique une vraie cause nationale »

Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures

La science fait partie prenante de la culture. L’Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle (AMCSTI) le martèle depuis sa création il y a plus de 40 ans ! Et pourtant, encore aujourd’hui, le plaidoyer reste une des grandes activités du réseau. Pour structurer la stratégie science-société au niveau national, il faut remettre en place le conseil national des CSTI, demande Agnès Parent, la présidente du réseau.

« Le dialogue science avec et pour la société est un enjeu démocratique majeur », estime Agnès Parent. - © Matheus Viana
« Le dialogue science avec et pour la société est un enjeu démocratique majeur », estime Agnès Parent. - © Matheus Viana

Fondée en 1982 sous l’impulsion de l’universitaire et homme politique Hubert Curien, l’Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle (AMCSTI) œuvre à fédérer et accompagner les structures dédiées au partage des savoirs et de la connaissance sur leurs territoires.

Après la rencontre des directeurs dont le thème était « Positionner la culture scientifique, technique et industrielle comme actrice majeure du futur », les 1 et 2 février dernier, la présidente de l’association et directrice des publics du Muséum national d’Histoire naturelle, Agnès Parent, revient sur les activités en cours et à venir, ainsi que les enjeux majeurs pour la culture scientifique.

Quelles sont les activités de l’AMCSTI ?

Agnès Parent : L’un des objectifs de l’AMCSTI est d’animer et fédérer la communauté des professionnels de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI).

Ceci permet, entre autres, de favoriser les collaborations et le partage d’expériences dans un secteur qui innove beaucoup pour parler de science au plus grand nombre. Parmi la grande richesse des actions proposées par les membres du réseau : la création du média Curieux ! dédié à la médiation scientifique par quatre centres CSTI de la région Nouvelle-Aquitaine ; ou encore le projet « Jeunes reporters des arts, des sciences et de l’environnement » à destination des scolaires pour sensibiliser aux thématiques marines, avec Océanopolis.

L’Université de Bourgogne a également développé une expérimentation innovante : « Le tour des savoirs ». Le concept ? Une cycliste, sillonnant la Bourgogne-Franche-Comté, recueille les savoirs des chercheurs et d’habitants et les valoriser sur les réseaux sociaux.

Quelles sont les cibles de ces initiatives de médiation ?

Pour les scolaires ces rencontres avec la science sont fondamentales

Les acteurs de la CSTI sont aujourd’hui tous concernés par l’importance de s’adresser un large panel, dont les publics plus éloignés de nos sujets. Certains acteurs s’adressent à une typologie de publics spécifiques : les scolaires, notamment, pour lesquels ces rencontres avec la science sont fondamentales et peuvent être de véritables déclencheurs de curiosité, d’orientation ou encore les enseignants qu’il faut former à la culture scientifique. D’autres s’adressent à un panel plus large, surtout les grandes institutions et structures comme les grands musées ou centres de science nationaux ou régionaux.

Mais le cumul de l’ensemble des activités des membres de l’AMCSTI permet ainsi, sur tout le territoire, de s’adresser à une diversité importante : les familles, les jeunes adultes (les 15-24 ans, dont une partie est impliquée dans la vie de société ou pour les sujets sociétaux liés à la science comme le réchauffement climatique, mais dont une autre est très désengagée sur l’ensemble des sujets, comme l’a montré l’étude Une jeunesse plurielle d’Olivier Galland et Marc Lazar), les seniors ou encore les publics dits « empêchés » (détenus, malades, etc.).

Au-delà de leur mission de « passeurs de science », les acteurs de la CSTI, en lien étroit avec les chercheurs, sont aussi des créateurs de lien social, restaurant la confiance publique, accompagnant la transformation de la société, renouant le lien avec l’apprentissage et proposant des perspectives.

Dans ces missions, il y a également le partage de l’expertise du réseau sur les questions de la CSTI avec les instances nationales, les décideurs publics étant de nouvelles cibles.

Quels sont les profils des membres ?

L’association compte 270 institutions adhérentes réparties sur l’ensemble du territoire. Parmi elles, environ un tiers sont des universités. Au sein de ces établissements du supérieur, ce sont principalement les membres des services science et société qui sont impliqués dans l’AMCSTI.

Les autres structures adhérentes sont des musées de sciences, des CSTI, des associations, les grands organismes de recherche, des indépendants, etc. Cette diversité d’acteurs, dans un réseau national, est d’ailleurs très originale au niveau européen.

Sur quels sujets travaillez-vous avec les ministères, notamment de l’ESR ?

Nous échangeons beaucoup avec le Gouvernement pour que les acteurs de la culture soient bien identifiés. Dans le cadre de la rédaction de la dernière loi de programmation de la recherche, l’AMCSTI a soumis au ministère dix propositions concrètes pour renforcer le lien science/société. Plusieurs ont été mises en place.

Agnès Parent est présidente de l’AMCSTI. - © MNHN-Agnès Iatzoura
Agnès Parent est présidente de l’AMCSTI. - © MNHN-Agnès Iatzoura

Nous avons également un groupe de travail qui essaye d’évaluer l’impact auprès de ses membres de la loi de l’enseignement supérieur et la recherche de 2014, dite Loi Fioraso, par laquelle la mission de CSTI a été déléguée aux régions.

Par ailleurs, l’AMCSTI est force de propositions pour nourrir la stratégie nationale de CSTI qui implique les ministères de l’ESR, la culture et celui de l’éducation nationale. Nous avons déjà co-organisé une journée d’étude spécifique sur cette interaction en mars 2022 avec le groupe de vice-présidents science et société des universités, le réseau A+U+C (Art, université, culture) et l’association France Universités : une nouvelle journée sera organisée en novembre 2023.

Ce sujet est très important et parfois sensible pour les acteurs, car si ces relations se passent très bien sur certains territoires, elles restent encore à organiser sur d’autres.

Quels sont les trois enjeux majeurs pour l’AMCSTI ?

Dans un premier temps : remettre en place le Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle pour qu’il y ait une vraie stratégie et une bonne articulation de toutes les actions et tous les acteurs. Cette instance ne se réunit plus depuis trois ans ; or elle permettrait notamment de coordonner les stratégies de CSTI des ministères, des régions, ou encore de suivre l’impact des actions menées sur le champ de la CSTI.

Renouveler sur plusieurs années des actions éprouvées et efficaces

Ensuite, mettre en place davantage de financements pluriannuels, et pas uniquement par appels d’offres one shot auxquels répondre prend beaucoup de temps et d’énergie ; cela nous permettrait par exemple de mener davantage d’actions communes avec les bibliothèques et médiathèques et plus généralement que les acteurs puissent renouveler sur plusieurs années des actions éprouvées et efficaces.

Enfin, faire de la culture scientifique et des relations science-société une vraie cause nationale, via une augmentation des budgets sur des actions stratégiques.

Vos chantiers pour 2023 ?

En priorité, nous comptons renforcer la mise en œuvre des quatre axes de notre plan stratégique voté lors de notre assemblée générale en juin 2022 :

  • fédérer les acteurs : inspirer, accompagner, renforcer ;
  • s’ouvrir aux autres réseaux, aux acteurs du monde industriel, à l’Europe ;
  • être un incubateur d’idées ;
  • formaliser des plaidoyers et influencer.

Nous souhaitons encore renforcer les liens entre acteurs de la CSTI, comme nous le faisons par exemple via des webinaires thématiques et des groupes de travail sur l’inclusion ou encore l’évaluation qui sont des thèmes et enjeux importants pour nos structures.

Développer notre rôle d’incubateur d’idées

Ce rapprochement nous permettra aussi de mieux répondre à des appels à projets communs. Nous voulons aussi développer notre rôle d’incubateur d’idées, de production de plaidoyers, et devenir davantage encore force de propositions et un porte-voix pour interpeller les politiques.

Par ailleurs, nous voulons développer plus de liens avec les réseaux proches de l’AMCSTI, au premier rang desquels celui des 16 000 médiathèques et bibliothèques sur tout le territoire français, pour faire rayonner la culture scientifique.

Un congrès sur les transitions et le lien aux territoires

Le congrès annuel de l’AMCSTI se tiendra du 21 au 23 juin 2023 à Bastia (Corse). Il portera sur « La CSTI contemporaine : transitions et liens aux territoires ». Programme et inscriptions ici.