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Quel bilan après plus d’un an de recrutement en visio ?

Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Concours/recrutement

Depuis le printemps 2020, la visioconférence a été massivement utilisée pour l’organisation des concours et des examens de sélection professionnelle. Un an après, quel bilan de ces nouvelles modalités ? Point d’étape au CNRS et à l’ENS Paris-Saclay.

Le recrutement en visio permet d’élargir le bassin d’embauche. - © Anna Shvets / Pexels
Le recrutement en visio permet d’élargir le bassin d’embauche. - © Anna Shvets / Pexels

Depuis le printemps 2020, la visioconférence a été une modalité d’adaptation majeure d’organisation des campagnes de concours et de sélection professionnelle, à la faveur des nouveaux textes d’organisation des concours pris en application de la crise sanitaire.

Au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), elle a ainsi été déployée pour 89 % des auditions des concours chercheurs, mais seulement pour 6 % de celles des concours externes. Au total, début mai, 5 000 auditions y avaient été réalisées en visio.  

« À titre comparatif, avant la crise sanitaire, ce type d’auditions ne dépassaient pas une dizaine par an pour des candidates enceintes ou des candidats en situation de handicap  », pointe Éric Migevant, responsable du service central des concours à la direction des ressources humaines du CNRS.

Même évolution notoire à l’ENS Paris-Saclay. « Depuis le début de la crise, nous avons mené 52 entretiens en visio, pour recruter 21 agents, informe François Tavernier, directeur général des services de l’établissement. Auparavant, nous n’offrions cette possibilité qu’aux candidats internationaux. »

Ce choix du maintien du calendrier de recrutement, mais à distance, s’est fait pour des raisons stratégiques. À l’ENS Paris-Saclay, les besoins en recrutements étaient particulièrement importants, dans un contexte de déménagement.

Également en jeu, les difficultés pour les candidats et les jurys de se déplacer. « Il s’agissait aussi de donner aux candidats la chance de défendre leurs dossiers, souvent le fruit d’une démarche amorcée de longue date, notamment pour les chercheurs  », ajoute Éric Migevant.

Tâtonnements de départ

Une préparation avec la direction informatique

Dans les deux structures, la mise en place de ces campagnes a fait l’objet d’une préparation fouillée, sur le plan technique comme sur le fond, main dans la main avec les directions informatiques.

« Le confinement a débuté mi-mars et les concours se tenaient le 1er juin : nous avons donc disposé d’un temps très court pour organiser les tests, évoque Éric Migevant. Nous avions notamment des incertitudes sur la capacité de nos réseaux de résister à la charge. »

Il poursuit : « C’est pourquoi, dans un premier temps, la transmission de documents aux jurys s’est faite physiquement, en amont de l’audition. Par ailleurs, nous recommandions aux jurys de ne pas utiliser leurs caméras, pour la même raison.  »

La protection des données au cœur des préoccupations

Catherine Torricelli est DGS adjointe à l’ENS Paris-Saclay. - © Philippe Couette /Antoine A
Catherine Torricelli est DGS adjointe à l’ENS Paris-Saclay. - © Philippe Couette /Antoine A

À l’ENS, l’un des questionnements forts, pour le recrutement des enseignants-chercheurs, concernait la protection des données personnelles des candidats, ainsi que celle touchant à la protection de données scientifiques sensibles.

« Nous avons su nous adapter collectivement, en mettant à disposition des candidats, en amont des auditions, des sessions de tests avec mode d’emploi, et back up si nécessaire de la DSI », précise Catherine Torricelli, directrice générale des services adjointe en charge des ressources humaines à l’ENS Paris-Saclay.

Il a aussi fallu penser un système de vote en ligne permettant de garder l’anonymat des jurys, en lieu et place du traditionnel vote à main levée.

Peu de bugs à déplorer

Dans les deux organismes, passés les flottements techniques initiaux, l’opération « visio » s’est déroulée à merveille avec, par exemple, plus de 92 % des auditions sans incident répertoriées au CNRS.

« Sur le fond, nous avons suivi scrupuleusement le guide national des recrutements par concours, une procédure très normée, précise Catherine Torricelli. Nous avons systématiquement demandé une mise en situation professionnelle, avec une présentation par les candidats. En face à face ou à distance, la différence est minime, d’autant plus que ces temps-ci, la plupart des enseignements sont amenés à être faits en distanciel. »

Bilan très positif du côté des candidats

Au final, dans les deux organismes, on se frotte plutôt les mains. Au CNRS, le bilan statistique de l’expérience a été dressé dans un article bilan publié sur le blog de la direction générale des ressources humaines.

L’ENS Paris-Saclay tire un bilan positif des premiers recrutements en visio. - © RPBW
L’ENS Paris-Saclay tire un bilan positif des premiers recrutements en visio. - © RPBW

Côté candidats, 85 % des répondants se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits de l’information communiquée sur les modalités de réalisation des visios ; 93 % des modalités de réalisation des tests et 85 % de celles des auditions. Tandis que 83 % ont estimé bonne l’interaction avec les jurys. Pour 23 % des répondants, les auditions en visio ont été considérées plus stressantes qu’en présentiel, mais moins stressantes pour 35 % d’entre eux et d’un niveau de stress équivalent pour 42 %.

Même satisfecit du côté de l’ENS. « J’appréhendais de lire une vingtaine de dossiers par jour en dématérialisé, et finalement il n’y a pas eu de couac ! », se félicite Catherine Torricelli. « Il faut dire que les nouveaux outils sont performants et que le monde de l’ESR est déjà familier de ces outils, a fortiori après un an de confinements successifs  », ajoute François Tavernier.

Les jurys un peu plus mitigés

Au CNRS, concernant les jurys, la perception de la visio est plus mitigée, avec une préférence majoritaire pour le présentiel. 

« Le candidat qui passe un concours en visio va y consacrer 30 ou 45 minutes. Le jury, lui, s’y attelle 10 à 15 jours durant, à 5, 10, voire 18 membres… D’où une fatigue accrue provoquée par cette hyperconnexion  », décrypte Éric Migevant.

Par ailleurs, l’intégration au sein d’un collectif, pour des personnes qui ne se connaissent pas forcément au départ, et le calage des interventions, peuvent être plus compliqués par écrans interposés. Les jurys se plaignent aussi de l’absence d’échanges informels dont ils étaient familiers, avant ou après les réunions, sur les centres d’examens. Certains ont également déclaré être gênés par l’absence de perception de la communication non verbale chez les candidats.

Des limites ressenties moins fortement à l’ENS Paris-Saclay. « Nous n’avons pas ressenti d’influence négative sur la qualité des échanges entre les membres de la commission d’admissibilité, déclare Catherine Torricelli. À la limite, la concentration est même presque plus simple, chacun chez soi, que tous réunis dans une même salle. »

La visio : des atouts certains…

François Tavernier est DGS de l’ENS Paris-Saclay. - © ENS Paris-Saclay/A. Rodriguez
François Tavernier est DGS de l’ENS Paris-Saclay. - © ENS Paris-Saclay/A. Rodriguez

L’option visio présente même plusieurs atouts. D’abord, le confort visuel. « Je préfère le contact avec un candidat dont on voit le visage au travers d’un écran à celui avec un autre, en présentiel, à demi-camouflé sous un masque  », sourit François Tavernier.

Autre avantage du recrutement à distance : il élargit facilement le bassin d’embauche, à des candidats en région ou à l’étranger notamment.

« Le recours à la visio a permis une augmentation significative des taux de participation, avec une chute des désistements », précise Éric Migevant. Il est également plus facile aussi de mobiliser des experts extérieurs pour se joindre aux jurys.

… mais aussi quelques limites

Ce recours à la visio n’est toutefois pas la panacée. Primo, il faut veiller à ce que le protocole soit strictement même d’un candidat à l’autre. Secundo, il nécessite un travail d’intégration accru des nouveaux recrutés, notamment dans un contexte de poursuite massive du travail à distance.

« Nous avons dû renforcer notre processus d’intégration en individuel, faute du processus d’intégration informel dans le collectif de travail qui avait lieu précédemment », note Catherine Torricelli.

Un impact à long terme encore à préciser

Dans un contexte de crise, le recours à la visioconférence a permis d’assurer la continuité des campagnes de recrutement et de promotion interne. L’avenir dira si l’outil s’installe durablement dans le temps.

« Quoi qu’il arrive, je pense qu’on sera plus souple, évoque François Tavernier. L’ESR évolue dans un environnement où l’hybride s’est démultiplié par la force des choses. Pour notre part, nous serons davantage à l’écoute des attentes des candidats, car désormais on saura faire. »

Recrutés par l’ENS Paris-Saclay après un entretien en visioconférence, ils témoignent

Nathalie Delanghe et Kevin Gaudineau ont été embauchés à l’ENS Paris-Saclay après un entretien en visio, ils témoignent. - © D.R.
Nathalie Delanghe et Kevin Gaudineau ont été embauchés à l’ENS Paris-Saclay après un entretien en visio, ils témoignent. - © D.R.