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« Ce n’est pas une intégration idéale » : la drôle de rentrée des nouveaux recrutés

Par Laura Makary | Le | Management

Qu’ils soient enseignants ou personnels administratifs, les nouveaux venus dans les écoles vivent une rentrée pas vraiment comme les autres. Il faut s’adapter et s’intégrer, entre masques et réunions à distance.

Campus Matin a recueilli leurs impression, avant le retour du confinement.

Port du masque, télétravail, évènements annulés… L’arrivée en temps de crise sanitaire est rude ! - © CPU-Université de Lorraine
Port du masque, télétravail, évènements annulés… L’arrivée en temps de crise sanitaire est rude ! - © CPU-Université de Lorraine

Une chose est certaine : c’est une drôle de rentrée. Tous les personnels, tous les enseignants, tous les chercheurs, tous les membres de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche ne pourront qu’acquiescer.

En particulier ceux qui viennent d’arriver dans leur établissement. Car il leur faut conjuguer nouvelle aventure professionnelle, intégration dans une équipe inconnue et prise en main des dossiers, le tout avec une situation sanitaire délicate et un secteur bouleversé, a fortiori maintenant que le confinement est de retour !

Le port du masque comme barrière

« On ressent une certaine appréhension », dit Éric Thorez - © D.R.
« On ressent une certaine appréhension », dit Éric Thorez - © D.R.

Éric Thorez le vit au quotidien. Cet ancien du secteur de l’audit enseigne depuis quelques années, dans plusieurs écoles et universités. Pour cette rentrée 2020, il a posé ses valises à l’ISC Paris, où il est désormais enseignant-chercheur à temps plein et responsable d’un programme Master of science.

« Il est certain que cette situation est particulière, on ressent une certaine appréhension. Nous avons été accueillis par la direction, notamment avec une réunion, mais il n’y a pas vraiment d’informel. Le fait de se voir tous avec un masque n’est pas évident non plus, puisque le sourire disparaît, les relations sont moins chaleureuses », estime-t-il. Il a demandé au maximum des cours en présentiel, mais il faut aussi jongler avec l’enseignement à distance, désormais à nouveau généralisé.

La communication non verbale pour compenser

Cette question du port du masque, Jean-Marc Dulou la soulève également. Responsable du département économie, management et société de l’ESTP depuis septembre, il a appris à s’intégrer dans sa nouvelle équipe, sans réellement voir les visages de ses collègues.

« Le fait de porter le masque toute la journée permet de prendre conscience de l’importance de la communication non verbale, puisque l’on ne voit pas la totalité du visage de ses interlocuteurs. Ce n’est que lors du déjeuner que l’on peut réellement les découvrir », explique-t-il, interrogé par Campus Matin avant la décision du gouvernement de reconfiner.

L’école d’ingénieurs a eu le temps d’organiser, malgré tout, une journée d’intégration pour les nouveaux, afin de leur faire visiter le campus et leur présenter les différents services, ce qui lui a été bien utile. Il juge en tout cas l’accueil qui lui a été réservé « d’une bienveillance remarquable ».

Des restrictions qui compliquent l’intégration

L’arrivée est encore moins aisée lorsque son service est directement impacté par la crise et les restrictions. Responsable marketing digital à l’EPF depuis août, Camille Nicoloso découvre sa nouvelle école.

Professionnellement, un certain nombre d’événements n’ont pas lieu

« Forcément, beaucoup de choses se font encore par visio, il est plus difficile de rencontrer ses collègues ainsi, et de reconnaître les personnes masquées lorsqu’on se croise. Et professionnellement, un certain nombre d’événements n’ont pas lieu, les enjeux ne sont pas les mêmes. Il faudra attendre la fin de l’année pour faire le bilan et se rendre compte si l’on a réussi à autant toucher les publics qu’en temps normal. Nous avons peu de visibilité ».

Elle se réjouit néanmoins de la réunion proposée aux nouveaux recrutés par l’établissement.

L’École nationale supérieure de l’énergie, l’eau et l’environnement, ou Ense3, fait partie de Grenoble INP - © Mahl
L’École nationale supérieure de l’énergie, l’eau et l’environnement, ou Ense3, fait partie de Grenoble INP - © Mahl

« Peu de visibilité »

S’il y a un service touché depuis la mi-mars, c’est bien celui de l’international. Entre la fermeture des frontières et des campus, en France, comme à l’étranger, rien n’est évident. Anaïs Morel a vécu toute cette période en s’adaptant autant que possible. Auparavant à Grenoble IAE, elle travaille au service relations internationales de l’Ense3 depuis peu.

« Mon contrat a démarré le 18 mars, le lendemain du confinement », se souvient-elle.

Unique contact avec l’école à ce moment : passer en coup de vent pour aller chercher son matériel. Il lui faut alors apprendre sur le tas à distance et commencer ses missions : « Après une première période de recherches, ma supérieure m’a délégué la gestion des candidatures des étudiants étrangers. Cela n’était pas évident, car nous avions peu d’informations et de visibilité. Sur 85 candidats, 41 étudiants sont finalement venus. Je les trouve très motivés et résilients, car leur expérience en France sera forcément limitée par la situation ».

Idem pour les étudiants français rêvant de partir à l’étranger, le temps d’un semestre ou d’une année. Le service peut difficilement leur apporter des réponses concrètes dans un contexte mouvant : « J’espère sincèrement pour eux qu’ils pourront partir plus tard, c’est triste et frustrant pour eux ».

Des moments conviviaux limités

Bien qu’elle soit en poste depuis plus de six mois, Anaïs n’a l’impression de commencer réellement son poste que depuis la rentrée, même si elle est encore à moitié en télétravail.

Je n’ai pas rencontré tous mes collègues !

« Je connais encore mal mes collègues, d’ailleurs, je ne les ai pas tous rencontrés ! Avec certains, on se fait des blagues par mail, mais on ne s’est jamais vus. Nous avons dû annuler notre séminaire, tous les moments conviviaux étant très limités, il est évident que ce n’est pas une intégration idéale », confie-t-elle, néanmoins contente d’avoir retrouvé le chemin du bureau.

Managers et RH pour aiguiller les nouveaux

L’EM Strasbourg organise un système de parrainage pour ses nouveaux enseignants - © EM Strasbourg
L’EM Strasbourg organise un système de parrainage pour ses nouveaux enseignants - © EM Strasbourg

Alors, que conseiller aux nouveaux arrivants ? Pour Hélène Heintz, chargée de ressources humaines à l’EM Strasbourg, ils ne doivent pas hésiter à solliciter le reste de l’équipe, à distance ou non. « Mon conseil : prendre son téléphone en cas de question, ou aller voir les collègues présents. Dans notre service des ressources humaines, l’équipe est justement très présente pour aiguiller les nouveaux et les aider, afin qu’ils ne se sentent pas perdus. Même avec un masque, rien n’empêche d’aller parler avec ses collègues, en gardant ses distances », suggère-t-elle.

L’école de commerce organise un système de parrainage pour ses nouveaux enseignants depuis deux ans, conservé cette année. Une bonne solution pour les accueillir et les mettre à l’aise.

Autre conseil, cette fois à destination des managers et responsables de département : créer un groupe de discussion en intégrant les nouveaux, leur proposer des visios, des réunions, des cafés si possible. Des petits gestes simples, pour un objectif essentiel : qu’ils se sentent les bienvenus. Et qu’ils puissent, Covid ou non, prendre leurs marques.