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De syndicaliste à dirigeant, passer de l’autre côté de la table des négociations

Par Marine Dessaux | Le | Personnels et statuts

Certains syndicalistes de l’enseignement supérieur décident de poursuivre leur engagement en prenant un rôle dans gouvernance de leur établissement. C’est le cas de Stéphane Leymarie, ancien secrétaire fédéral du Sgen-CFDT, aujourd’hui vice-président stratégie territoriale et vie institutionnelle de l’Université de Lorraine.

Pendant plus de 20 ans à l’Université de Lorraine, Stéphane Leymarie a eu diverses responsabilités. - © RL / Anthony Picore
Pendant plus de 20 ans à l’Université de Lorraine, Stéphane Leymarie a eu diverses responsabilités. - © RL / Anthony Picore

Maître de conférences à l'Université de Lorraine (ancienne Université Paul Verlaine - Metz) depuis 2001, Stéphane Leymarie s’engage au sein de Sup’Recherche - Unsa-Education puis du Sgen-CFDT pendant plus d’une dizaine d’années… Avant de rejoindre, à l’été 2022, l’équipe de la nouvelle présidente de l’Université de Lorraine, Hélène Boulanger, en tant que vice-président stratégie territoriale et vie institutionnelle de l’université.

Un changement de positionnement qui peut sembler à 180 degrés, mais qui marque en réalité une certaine continuité. 

Des responsabilités progressives en tant que syndicaliste

Enseignant-chercheur spécialisé en gestion des ressources humaines et de la diversité à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Metz, Stéphane Leymarie a pris plusieurs responsabilités tout au long de sa carrière. Dans l’enseignement, en dirigeant l’Institut universitaire professionnalisé en sciences de gestion de 2002 à 2006, en devenant assesseur à la pédagogie les quatre années suivantes, en créant un master et un diplôme universitaire… 

Stéphane Leymarie s’est engagé au sein de l’Unsa puis du Sgen-CFDT. - © Seb Lascoux
Stéphane Leymarie s’est engagé au sein de l’Unsa puis du Sgen-CFDT. - © Seb Lascoux

Lui qui ne s’était pas syndiqué au cours de sa vie d’étudiant est sollicité par des syndicats dès le début de sa carrière. Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard qu’il se lance.

« C’est lors du mouvement national des enseignants-chercheurs de 2009, protestant face aux modifications de leur statut faisant suite à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, que j’ai commencé à me mobiliser », se remémore-t-il.

Il travaille au sein de la coordination nationale du mouvement et est approché à son issue pour poursuivre son engagement. « Dans mon université, Sup’Recherche-Unsa était très présent et j’ai donc continué auprès de ce dernier », raconte Stéphane Leymarie.

Engagement national

Il participe ensuite à l’organisation du congrès du syndicat et se retrouve rapidement à côtoyer les différentes instances. Il est inscrit dans les listes nationales de l’Unsa Éducation, et « souvent en tête de liste des élections nationales » pour Sup’Recherche : en 2011, il est secrétaire général adjoint puis secrétaire général de 2013 à 2016 et enfin co-secrétaire général jusqu’en 2018.

Il envisage alors de mettre de côté ses responsabilités : « Je m’étais suffisamment investi sur le plan national. Mais 2018 étant une année d’élection professionnelle, je n’ai pas attendu 2019 comme prévu et ai rejoint le Sgen-CFDT, avec qui nous étions proches sur nos positions. »

De 2019 à juin 2022, il en est le secrétaire fédéral. Il aborde alors les questions de l’éducation nationale comme celles l’enseignement supérieur, « tous métiers confondus ».

Une bifurcation de carrière inattendue

Hélène Boulanger est la nouvelle présidente de l’Université de Lorraine le 31 mai 2022. - © Université de Lorraine
Hélène Boulanger est la nouvelle présidente de l’Université de Lorraine le 31 mai 2022. - © Université de Lorraine

De figure d’opposition à membre de la gouvernance, le changement de posture est de taille. Stéphanie Leymarie n’a pas tout de suite opté pour ce chemin. « Il est arrivé qu’on me fasse des propositions que j’ai refusées : la première fois c’était un peu tôt, je voulais me consacrer pleinement à mes autres investissements académiques. » Il se lance quand Hélène Boulanger lui propose de rejoindre sa campagne pour la présidence de l’Université de Lorraine. Une fois élue, cette dernière lui propose un fauteuil de vice-président. Le timing est cette fois le bon pour revenir au niveau local.

« Nous avons essayé de réfléchir à ce que je pouvais apporter de par mon parcours et mes compétences. Elle m’a proposé un nouveau portefeuille centré sur le développement d’une stratégie territoriale. »

Un défi pour une université présente sur deux métropoles (Metz et Nancy), quatre départements et une douzaine de communautés de communes et agglomérations. « L’université doit se préoccuper de la façon dont elle est ancrée dans les territoires. C’est un tout autre travail que ce que j’ai fait auparavant et nécessite de connaître les politiques de sites. Mais cela relève de compétences communes avec le travail de syndicaliste. »

Deux expériences liées

Travailler sur les textes de loi, participer aux Conseils nationaux de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) et comités techniques du ministère de l’enseignement supérieur, être auditionné, négocier… Autant d’expériences passées qui lui sont utiles à la tête d’une université.

« En tant qu’élu, j’ai assisté à des discussions sur la fusion des établissements lorrains. Cela permet d’avoir un regard objectif sur ce qu’est l’Université de Lorraine aujourd’hui et quels en sont les atouts, sans idéaliser un schéma plutôt qu’un autre. »

Un travail de fourmi à accomplir

Aujourd’hui, le vice-président se concentre sur l’assimilation des projets déjà existants et l’accumulation de connaissances sur le lien entre collectivités et recherche. « Je reste très modeste, beaucoup de choses existent déjà et la première partie de mon travail consiste à mettre les choses en cohérence », souligne-t-il.

C’est avec un mélange d’appréhension et d’excitation qu’il s’attaque à une opportunité qu’il n’avait pas envisagée. « Il y a les propositions auxquelles on pense et qui ne viennent jamais, il y a celles qu’on refuse parce que ce n’est pas le moment et ces propositions auxquelles on ne s’attend pas et sur lesquelles on a envie de travailler », sourit le maître de conférences.

Une trajectoire rare, mais pas unique

Dans le supérieur, on observe quelques parcours similaires de professionnels ayant pris des responsabilités dans des syndicats puis dans des gouvernances.

« C’était une tradition dans les universités que de présenter des équipes souvent issues d’organisations syndicales. Mais avec les réformes successives, et les établissements ayant tendance à se regrouper, c’est beaucoup moins vrai », analyse Stéphane Leymarie.

Cet été un autre ancien du Sgen-CFDT, Franck Loureiro, qui en était le secrétaire général adjoint, a rejoint l’Université de La Réunion comme directeur de pôle.