Les portraits audio : #9 Alain Bauer, trouver sa place dans une discipline controversée
Seul professeur de criminologie en France, Alain Bauer revient sur son parcours et sur la manière dont il a trouvé sa place au Cnam, malgré une levée de boucliers mettant en cause la légitimité de sa discipline et de son expertise. Figure régulièrement au centre de polémiques et récemment condamné pour recel de favoritisme, il s’exprime, à l’approche de la retraite, dans le dernier épisode du podcast Les Rencontres de l’ESR animé par Emmanuel Caillaud.

Universitaire inclassable et curieux de tout, Emmanuel Caillaud est enseignant-chercheur, spécialiste des questions industrielles au Cnam, et auteur d’un Petit guide de survie de l’enseignant-chercheur (Spartacus, 2023). Ancien blogueur sur les thématiques d’enseignement supérieur, il s’essaie au rôle de journaliste pour Campus Matin et rencontre les forces vives de l’ESR.
Dans ce huitième épisode de podcast, il s’entretient avec Alain Bauer, professeur en criminologie au Cnam et notamment ancien consultant pour Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était président de la République, puis de Manuel Valls, lorsqu’il était ministre de l’intérieur.
De Rocard à la guerre du Golfe : un parcours entre politique et sécurité
« J’ai d’abord été un militant engagé auprès de Michel Rocard. De militant d’opposition, je suis devenu assistant, une petite main, un conseiller dans son parcours au ministère d’État chargé du plan », introduit Alain Bauer. Quand Michel Rocard est nommé à Matignon, il s’occupe notamment de « la crise de Nouvelle-Calédonie, de l’attentat [contre un avion] DC10 de [la compagnie] UTA, de la chute du mur de Berlin, [des manifestations de la place de] Tian’anmen en Chine et de la guerre du Golfe ».
Après une mission à New York, il est enseignant à Sciences Po, à l’Université Paris-Panthéon-Assas, à l’École des officiers de la gendarmerie, il revendique d’un « parcours mixte », fait de « rencontres avec des étudiants et des professionnels ». Il revendique aussi un positionnement pédagogique singulier : « On n’est pas dans une situation de supériorité, mais dans une situation de partage. J’ai beaucoup plus appris des policiers, gendarmes, militaires… que j’ai rencontrés que l’inverse. »
Alain Bauer a par ailleurs été grand maître du Grand Orient de France, la plus grande obédience maçonnique de l’Hexagone, de 2000 à 2003.
Parcours académique et ouvrages
Alain Bauer retrace son parcours académique à la tête d’une chaire de criminologie au Cnam.

Son arrivée en 2009 n’avait pas été sans créer de remous : deux pétitions contre cette chaire et son directeur ont été portées par des universitaires. L’une d’elles, parue dans Le Monde et signée par des juristes et sociologues, pointait des erreurs méthodologiques dans ses travaux et dénonçait une nomination plus politique que scientifique. Cela n’a pas empêché Alain Bauer d’être élu par ses pairs pour obtenir le poste.
Au-delà de l’enseignement, Alain Bauer multiplie les projets. Il évoque l’émission Au bout de l’enquête sur France 2, qu’il co-anime et pour laquelle il prépare des ouvrages. Il travaille aussi à un ouvrage sur le conspirationnisme et a publié une série d’essais sur la géopolitique (Déclinocène, La conquête de l’Ouest, etc.). Il prépare en outre les prochaines Assises de la recherche stratégique, organisées au Cnam tous les ans depuis 2021.
Polémiques
Personnalité controversée, Alain Bauer a été au cœur d’affaires et de polémiques. En février dernier, sa venue sur le campus de l’Université Grenoble Alpes a fait l’objet d’une pétition lui reprochant un manque de rigueur académique.
En mars 2025, il a été condamné à douze mois de prison avec sursis, une amende de 375 000 euros, et une exclusion des marchés publics pendant trois ans pour recel de favoritisme dans l’attribution de contrats par la Caisse des dépôts à ses sociétés de conseil, AB Conseil et AB Associates. Ces contrats comprenaient notamment des prestations jugées opaques et des guides gastronomiques à la valeur contestée.