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Place de la France sur le marché européen, tendances edtechs : que retenir du Bett Show 2023 ?

Par Isabelle Cormaty | Le | Edtechs

Caisse de résonance des préoccupations du secteur, le Bett Show a réuni fin mars à Londres les principaux acteurs mondiaux de la edtech. L’occasion de repérer des tendances sur le marché de l’éducation et du supérieur et de positionner la filière tricolore dans l’écosystème européen.

27 entreprises françaises ont exposé sur le pavillon France au Bett Show. - © IC / Campus Matin
27 entreprises françaises ont exposé sur le pavillon France au Bett Show. - © IC / Campus Matin

C’est un joyeux mélange de débats, de démonstrations de solutions, de rendez-vous d’affaire et de rencontres où se mêlent entreprises, ministères, décideurs politiques, revendeurs, enseignants et même… des élèves. 

Le British education training and technology Show, dit Bett Show, a réuni du 29 au 31 mars les principaux acteurs de la edtech à Londres. Campus Matin s’est rendu sur place pour prendre le pouls de l’écosystème et vous résume ce qu’il faut retenir de ce salon de renommée internationale sur les technologies pour l’éducation. 

Une filière edtech française structurée et plus mature

Premier constat : il n’y a jamais eu autant d’entreprises tricolores au Bett Show ! Avec 27 entreprises sur le pavillon France, Business France a conduit la plus importante délégation depuis qu’elle coordonne la venue des entreprises françaises sur ce salon international. 

À ces entreprises, s’ajoutent également quelques sociétés qui exposent seules, en dehors des pavillons nationaux, et de nombreux visiteurs français : revendeurs, éditeurs de solutions, jeunes pousses…

Un contexte favorable à l’export 

Comment expliquer un tel engouement des start-up edtechs pour l’international ? Plusieurs facteurs peuvent être avancés : le contexte sanitaire plus propice aux rassemblements après deux années de creux en raison de la pandémie, une maturité de la filière française et les aides financières de l’État.

Déléguée générale d’EdTech France jusqu’en avril, Anne-Charlotte Monneret a accompagné la délégation française au Bett. - © D.R.
Déléguée générale d’EdTech France jusqu’en avril, Anne-Charlotte Monneret a accompagné la délégation française au Bett. - © D.R.

Mis en place dans le cadre du Plan de relance, le dispositif « Chèque relance export » prend fin le 15 avril. Il permettait aux entreprises de prendre en charge certaines de leurs dépenses d’accompagnement à l’international. 

« L’écosystème français a gagné en maturité : l’export est maintenant devenu une évidence pour de nombreuses sociétés. La conjoncture économique française pousse les entreprises à sécuriser et diversifier leurs canaux de revenus avec l’international. Les salons comme le Bett permettent aussi de trouver des partenaires étrangers de R&D », constate Anne-Charlotte Monneret, déléguée générale d’EdTech France.

À l’image du pavillon France aux entreprises très diversifiées, les pavillons nationaux des autres pays européens, voire mondiaux, étaient d’ailleurs plus nombreux cette année et plus importants en taille. 

Moins d’immersif, plus d’IA et d’objets connectés

Si l’édition 2022 a été marquée par les balbutiements du métavers dans l’éducation, c’est l’intelligence artificielle (IA) qui était cette année au cœur des échanges et le sujet de nombreuses conférences, sous le prisme des technologies (comme ChatGPT) ou des usages comme la personnalisation des apprentissages, également appelée adaptive learning.

« L’intelligence artificielle est une tendance très forte, tout comme l’adaptive learning qui est une des promesses de la edtech », avance Alexandre Glaser, capital-risqueur d’Educapital, le plus grand fonds européen dédié aux edtechs et au travail.

La déléguée générale d’EdTech France a elle aussi remarqué cette tendance. « Contrairement à l’année dernière, l’immersif pour l’enseignement des sciences ou l’orientation était peu visible au Bett. L’IA était très présente, surtout des solutions d’adaptive learning classiques pour celles centrées principalement sur l’IA », précise-t-elle.

Eva Wolf a fondé Squadmate en septembre 2022. - © D.R.
Eva Wolf a fondé Squadmate en septembre 2022. - © D.R.

Côté français, le savoir-faire de la filière sur l’IA était notamment représenté par Plume, Evidence B, Nolej et Blue Frog Robotics. 

« L’intelligence artificielle marque tous les salons professionnels depuis quelques mois. Les personnes spécialisées dans l’IA se posent peu de questions sur le sujet, mais celles issues du secteur de l’éducation se questionnent beaucoup », témoigne Eva Wolf, fondatrice de Squadmate, une plateforme de développement d’affaires pour les TPE-PME avec un module éducation pour les chefs d’entreprises. La cheffe d’entreprise plus habituée des salons tech participait pour la première fois au Bett afin de faire une étude du marché du secteur.

Le regain de la robotique en lien avec l’IA

« Parmi les exposants au Bett, beaucoup d’entreprises proposaient du contenu sur étagère, des solutions sur la classe connectée, du mobilier modulable, des jeux éducatifs ou des objets connectés. Il y a eu aussi un regain de la robotique en lien avec les problématiques autour de l’intelligence artificielle », analyse la déléguée générale d’EdTech France.

Ce retour en force des objets physiques se traduit notamment sur le marché de l’enseignement supérieur par :

  • des solutions pour l’apprentissage du code (comme Codary),
  • la construction et la programmation de robots,
  • ou encore les livres « augmentés » disponibles sous formats papier et numérique voire annotables et enrichis de contenus vidéos disponibles sur smartphone (Ludenso). 

L’influence de la Commission européenne outre-Manche

Érigée comme priorité par la Commission européenne, la souveraineté numérique a fait l’objet de nombreuses conférences au Bett, tout comme les questions connexes de la régulation des données et de l’interopérabilité. 

« Beaucoup d’entreprises spécialisées sur le cloud souverain ou la sécurisation des datas exposaient au Bett. Les entreprises ont été incitées pendant des années à stocker leurs données en interne sur leur propre serveur, maintenant on les pousse à utiliser plusieurs cloud pour sécuriser leurs données », note Eva Wolf

Des tendances de fond sur le marché du supérieur

Outre l’enjeu de la sobriété énergétique, la thématique de l’impact, c’est-à-dire de solutions dont l’efficacité est démontrée scientifiquement a fait l’objet de nombreuses discussions au Bett. 

« On observe plusieurs défis sur le marché du supérieur avec de nouveaux modèles d’online program management (OPM) qui permettent aux établissements le passage à l’échelle de leur offre en fournissant des ressources à d’importantes cohortes d’étudiants », indique Alexandre Glaser.

Des solutions pour accompagner les parcours des étudiants

« L’accompagnement des étudiants ou des lycéens est une tendance de fond sur le segment du supérieur. Cela résonne avec l’arrivée sur le marché du travail de la génération Z qui a d’autres besoins que les générations précédentes », ajoute l’investisseur.

Aide pour la préparation les candidatures à l’international, parcours d’orientation gamifiés pour trouver sa voie, mise en relation avec des professionnels pour faciliter l’insertion sur le marché du travail, solutions dédiées au recrutement d’étudiants par les établissements du supérieur… Autant de solutions ciblées pour suivre les jeunes durant leur parcours éducatif. 

Le sport se fait une place dans les allées du Bett

Le Bett Show a consacré l’un de ses espaces au sport et au e-sport. - © IC / Campus Matin
Le Bett Show a consacré l’un de ses espaces au sport et au e-sport. - © IC / Campus Matin

Outre les outils plus ou moins classiques de gestion administrative des établissements, d’hybridation des enseignements et de facilitation des apprentissages en classe ou à la maison, des edtechs centrées sur d’autres thématiques émergent, notamment sur le sport. 

« Nouveauté de cette édition 2023, le Bett Show a consacré tout un espace au sport connecté, à l’hybridation du sport, au suivi des performances et à la gestion des datas », observe Anne-Charlotte Monneret. 

Portés par des incitations gouvernementales, plusieurs pays souhaitent augmenter le temps scolaire consacré aux activités physiques et sportives. C’est le cas notamment en France avec la généralisation des 30 minutes de sport par jour dans toutes les écoles primaires depuis la rentrée 2022.  

Des jeux vidéos pour apprendre les soft skills

Le e-sport gagne en visibilité au Bett. - © IC / Campus Matin
Le e-sport gagne en visibilité au Bett. - © IC / Campus Matin

Si la pratique des jeux vidéos dans un cadre universitaire est encore peu présente en France, elle est davantage répandue au Royaume-Uni, aussi bien au lycée que dans le supérieur. 

Déjà présent l’an dernier, l’espace dédié aux jeux vidéos s’est agrandi « pour accompagner la croissance rapide du e-sport en permettant aux enseignants d’apprendre et d’adapter l’e-sport pour une utilisation pertinente en classe », précisent les organisateurs du salon. 

« C’est une pratique culturelle croissante chez les jeunes générations qui se répand aussi sur le marché de l’éducation et qui permet d’acquérir des soft skills », rappelle Alexandre Glaser.