Numérique

Ces edtechs veulent faire « matcher » vacataires et écoles

Par Isabelle Cormaty | Le | Edtechs

Externaliser le recrutement de ses intervenants extérieurs, une pratique récente mais qui se développe dans l’enseignement supérieur, essentiellement privé. Des entreprises edtechs se sont d’ailleurs spécialisées sur ce créneau et mettent en relation des personnes expertes dans leur domaine avec des établissements du supérieur. L’occasion pour les écoles de gagner du temps lors du processus de recrutement et de s’ouvrir à de nouveaux profils d’enseignants.

Les intervenants extérieurs sont recrutés parmi les professionnels et les enseignants-chercheurs. - © CPU - Université de Lorraine
Les intervenants extérieurs sont recrutés parmi les professionnels et les enseignants-chercheurs. - © CPU - Université de Lorraine

Avez-vous déjà pensé à donner des cours ponctuellement dans un établissement de l’enseignement supérieur ? Ou à l’inverse, avez-vous déjà rencontré des difficultés à recruter un intervenant extérieur spécialiste d’un sujet pointu ? Pour vous aider, vous pouvez lire Campus Matin ! Ou recourir à des entreprises spécialistes de la mise en relation entre professionnels et établissements du supérieur.

Simplifier le recrutement des vacataires

Le bon intervenant et Ténors, deux sociétés présentes sur le marché français partagent le même constat : « Il est rare qu’une personne qui souhaite donner des cours trouve les enseignements qui correspondent à son domaine d’expertise, à ses disponibilités et que son dossier arrive à la bonne personne dans l’école », commence Adrien Fernandez, le dirigeant de l’entreprise Le bon intervenant.

Diplômé de l’école d’ingénieurs lilloise HEI (aujourd’hui Junia), Théo Duhem en a fait l’expérience avant de créer Ténors. « Avec mon associé, nous avions envie d’intervenir dans notre ancienne école. Mais nous ne savions pas comment faire et à qui s’adresser. En envoyant mon CV à l’accueil, j’ai été sollicité pour faire une intervention sur un outil que je maitrisais peu », témoigne-t-il.

Une sélection de trois profils par Le bon intervenant

Créé en 2019, Le bon intervenant se présente comme « la solution clé en main pour le recrutement des intervenants extérieurs. Nous récupérons le besoin des écoles auprès du directeur de programme. Nous cherchons ensuite des personnes, soit dans notre communauté d’intervenants, soit en dehors. Nous réalisons entre cinq et dix entretiens avec des candidats, puis nous soumettons aux écoles trois profils dans un délai de 10 jours », avance Adrien Fernandez, son fondateur.

L’entrepreneur pointe le gain de temps pour les établissements : l’intervenant potentiel est d’accord avec la rémunération et disponible aux créneaux horaires souhaités par l’école, ce qui simplifie la contractualisation. 

Une plateforme de mise en relation pour Ténors

Ingénieur de formation, Théo Duhem a créé la plateforme Ténors en 2020 avec son associé Lambert de Poix. - © D.R.
Ingénieur de formation, Théo Duhem a créé la plateforme Ténors en 2020 avec son associé Lambert de Poix. - © D.R.

L’entreprise Ténors a, elle, opté pour une autre formule : toutes les personnes, ayant déjà été ou voulant devenir intervenant dans le supérieur peuvent se créer un profil sur la plateforme. Elles peuvent ainsi renseigner leurs compétences, leurs disponibilités et postuler aux offres publiées par les écoles. La plateforme est née en 2020 dans la tête de deux ingénieurs alors en poste à Décathlon. 

« Pendant le confinement, nous étions en chômage partiel. Mon associé Lambert de Poix a réalisé un proof of concept* et nous n’avons jamais arrêté notre projet. La plateforme est gratuite pour les intervenants, ces derniers reçoivent des alertes quand une offre correspond à leurs domaines. Une fois sollicités par les écoles, rares sont les inscrits qui disent non », raconte Théo Duhem.

Des outils majoritairement utilisés dans les écoles privées

Les écoles privées constituent la grande majorité des établissements ayant recours à l’externalisation du recrutement pour les intervenants extérieurs. « Sur les 222 campus qui travaillent avec notre entreprise, nous avons principalement des écoles de commerce, d’ingénieurs, de communication ainsi que des écoles spécialisées sur l’environnement, l’agriculture ou l’immobilier », énumère le cofondateur de Ténors. 

Ces établissements souscrivent un abonnement annuel à la plateforme Ténors. Son prix varie en fonction du nombre d’étudiants dans l’école. « Cela permet à des écoles de petite taille de trouver des intervenants pointus sur un domaine, au même titre que de grandes écoles prestigieuses », assure Théo Duhem. 

Rentable depuis peu, Le bon intervenant propose un module gratuit pour les universités et une tarification variable pour les écoles privées, en fonction de la durée des contrats de vacation. « Après de nombreuses demandes des écoles, nous avons aussi lancé une offre pour le recrutement d’enseignants permanents en CDI, précise Adrien Fernandez. Nous comptons actuellement une quarantaine d’établissements clients, et nous souhaitons doubler notre portefeuille cette année. »

Solliciter des professionnels qui n’ont jamais été intervenants

Adrien Fernandez a fondé Le bon intervenant en 2019. - © D.R.
Adrien Fernandez a fondé Le bon intervenant en 2019. - © D.R.

Particularité des deux entreprises edtechs, elles sollicitent aussi, via Linkedln notamment, des professionnels qui n’ont jamais réalisé d’interventions devant des étudiants. « En dehors de Paris, il est parfois difficile, même dans les métropoles, de trouver des personnes avec des compétences de haut niveau, une expérience de formateur et qui veulent donner des cours », constate Adrien Fernandez.

Sa société propose donc aux écoles trois profils avec ou sans expérience d’enseignement et recrute parfois de jeunes salariés.

« Nous contactons des personnes avec quatre à cinq années d’expérience professionnelle et nous nous assurons qu’elles aient envie de transmettre. Nous regardons si elles ont déjà organisé des événements, coordonné des projets ou été bénévoles dans des associations étudiantes pendant leurs études », ajoute-t-il. Le bon intervenant réunit une communauté de 1200 intervenants environ.

Ténors incite les personnes ayant déjà réalisé des vacations à s’inscrire sur sa plateforme. « Lors de la publication d’une offre d’emploi, si peu d’inscrits sur notre plateforme correspondent au profil souhaité par l’école, alors nous lançons une campagne d’acquisition pour trouver des personnes avec les compétences recherchées dans une zone géographique précise », indique Théo Duhem. 7500 volontaires pour devenir intervenant extérieur étaient inscrits sur la plateforme Ténors à la fin de l’année 2022. Un nombre que l’entreprise espère doubler cette année. 

Accompagner les vacataires novices

« Une des 11 personnes de notre équipe effectue de la veille pédagogique. Nous proposons des articles sur les pièces administratives à ajouter dans son dossier de vacation, les questions à poser au responsable de formation… Nous avons créé un Discord qui permet aux intervenants de discuter entre eux et de se partager les bonnes pratiques pédagogiques », indique Théo Duhem.

Diversifier les canaux de recrutement

En croissance, les établissements de l’enseignement privé ont ouvert ces dernières années de nouveaux campus en France, notamment à Bordeaux et à la Défense. En découlent de nombreux recrutements d’intervenants extérieurs dans des zones géographiques, où les écoles disposent parfois d’un faible vivier d’alumni, ce qui les pousse à se tourner vers d’autres canaux de recrutement que le réseau des alumni et Linkedln.

« Même les écoles qui ont déjà pourvu tous leurs postes avant la rentrée peuvent nous solliciter en cas de désistement d’un intervenant en dernière minute. Certaines cherchent aussi à renouveler leur vivier d’intervenants extérieurs pour apporter du sang neuf dans leurs effectifs », détaille le cofondateur de Ténors.

Des experts sur de nouveaux métiers et compétences

Les entreprises comme Ténors et Le bon intervenant promettent également aux établissements de leur trouver des vacataires pour des formations nouvellement créées sur les métiers d’avenir par exemple. 

« En écoles d’ingénieurs notamment, les directeurs de programmes ont souvent du mal à trouver des experts de haut niveau sur des sujets récents comme le cloud, la cybersécurité ou l’intelligence artificielle. Nous leur trouvons des profils spécialistes de ces sujets et pédagogues », explique Adrien Fernandez.

*En français : démonstration de faisabilité.