Numérique

Un chatbot nourri à l’IA pour répondre aux questions RH des personnels de l’Université Évry Paris-Saclay

  • Marine Dessaux
  • Le
  • Équipements et systèmes d'informations

Congés, dispositifs de soutien spécifique, rémunération… L’Université Évry Paris-Saclay lance en cette rentrée un chatbot dédié aux questions RH de ses personnels. Un outil adaptable aux politiques propres à chaque établissement qui peut être déployé plus largement auprès de l’ESR comme du privé.

L’Université Évry Paris-Saclay développe un chatbot souverain nourri de documents internes. - © Lionel Antoni
L’Université Évry Paris-Saclay développe un chatbot souverain nourri de documents internes. - © Lionel Antoni

« Sous l’impulsion du président de l’Université Évry Paris-Saclay, Vincent Bouhier, et en lien avec le vice-président en charge du numérique, Jean-Yves Didier, et le directeur général des services, Christophe Domingues, nous avons créé à la rentrée 2024 un groupe de travail élargi à toute la communauté universitaire sur l’intelligence artificielle pour recueillir notamment les besoins au niveau de l’établissement. Plusieurs canaux nous signalaient qu’il fallait progresser sur ces technologies », retrace Rémy Boyer, directeur des systèmes d’information et du numérique (DSIN) de l’établissement.

Très vite, le besoin de chatbots « maîtrisés et souverains » apparaît. Après de premiers tests infructueux avec des start-up proposant des outils intégrés, il est décidé de miser sur la création d’un chatbot en interne. « L’ambition n’était pas d’obtenir le niveau de ChatGPT, poursuit Rémy Boyer, mais de fournir un outil souverain capable de puiser ses informations dans des sources fiables et très diverses : images, PDF, textes… »

Apporter une réponse précise aux interrogations des personnels

Concrètement, le chatbot, qui sera lancé en septembre 2025, est nourri de documents par les services administratifs. Il les découpe puis les interprète afin de fournir des réponses adaptées.

Christophe Domingues est directeur général des services DGS de l’Université d’Évry Paris-Saclay. - © StudioMM
Christophe Domingues est directeur général des services DGS de l’Université d’Évry Paris-Saclay. - © StudioMM

« Le système est capable de comprendre la progression et l’historique des documents. La prochaine circulaire de rentrée sera intégrée automatiquement dans le chatbot », indique Christophe Domingues. Sur les sujets RH notamment, les réponses prennent en compte le poste mais aussi le type de contrat (vacataires, titulaires).

« Nous disposons d’environ quinze années de données, ajoute Rémy Boyer. Plus on donne d’informations au système, plus il pourra être précis. En cas de documents contradictoires, il est capable de le signaler et d’indiquer la page précise. »

Contrairement à ChatGPT, il n’a pas d’hallucinations. « Si on demandait le montant du régime indemnitaire des fonctionnaires de l’État des techniciens à un chatbot classique, il renverrait à un document national qui ne s’applique pas chez nous », illustre Christophe Domingues.

Autre avantage : les données ne sortent pas de l’environnement numérique interne. « À terme, nous ne nous interdisons pas d’avoir des espaces alimentés par des bases externes. L’objectif est de monter en compétence collectivement », précise Rémy Boyer.

Un développement sur le long terme

Si son lancement est imminent, le chatbot continuera à être développé. « Nous avons acheté le matériel pour une infrastructure IA dédiée et recruté un stagiaire en intelligence artificielle, spécifiquement sur le paramétrage du chatbot, en particulier sur la technologie RAG (retrieval-augmented generation), qui permet d’intégrer des documents spécifiques contenant les réponses. Le gros du travail repose sur ce paramétrage », explique Rémy Boyer. Plusieurs LLM (Large Language Model) open source sont testés afin de déterminer lequel donne les meilleurs résultats.

Former les équipes

Ce projet implique la direction des systèmes d’information, mais aussi la direction des ressources humaines et la direction générale des services. « Il y a eu une formation à l’outil, ce qui revenait principalement à apprendre à prompter. Il a fallu établir une liste de questions et de réponses précises, à partir de documents variés ce qui représente un travail conséquent », retrace le DSIN.

Prochaine étape : un chatbot pour la scolarité

L’ambition de l’Université Évry Paris-Saclay est de créer d’autres chatbots qui, d’ici 2026, couvriront plusieurs domaines : à commencer par la scolarité, pour alléger le flux d’interrogations que doit gérer ce service.

« Il y a des questions des étudiants étrangers sur les inscriptions, les titres de séjour, mais aussi plus largement sur les rattrapages, les stages, les partiels… liste Manon Garcia, chargée des affaires juridiques et institutionnelles. Nous nous répétons beaucoup. »

Rémy Boyer est le directeur des systèmes d’information et du numérique de l’Université d’Évry Paris-Saclay. - © StudioMM
Rémy Boyer est le directeur des systèmes d’information et du numérique de l’Université d’Évry Paris-Saclay. - © StudioMM

Ouvrir le chatbot à tous les sujets qui concernent les étudiants se montrerait cependant compliqué, car, pour s’adresser à 15 000 personnes de plus, il est nécessaire d’adapter l’infrastructure.

« Cela générerait du trafic important et des coûts supplémentaires, explique Rémy Boyer. Mais nous pouvons envisager des chatbots sur des domaines précis : par exemple, “Que faire lors de l’inscription, selon son profil ?”. Tant qu’il s’agit de cas bien cadrés, cela reste efficace. On ne peut pas répondre à toutes les requêtes, mais il y a des outils grand public ou des projets nationaux ESR pour cela. »

Quel budget ?

Le projet est financé sur les ressources propres de l’université. « Le coût en ressources humaines correspond à un ingénieur à temps plein pour le paramétrage, et 0,2 équivalent temps plein sur la partie technique du système, chiffre Rémy Boyer. J’ai moi-même participé à la conception intellectuelle de l’outil. » En tout, cela représente environ deux équivalents temps plein sur six mois. Un ingénieur sera dans un second temps dédié au paramétrage à long terme.

Sur le plan technique, un serveur spécifique dédié a été commandé, avec des cartes graphiques, pour pouvoir utiliser des technologies de type LLM, RAG, etc.

Vers un élargissement vers d’autres établissements ?

« Nous ne sommes fermés à aucun partenariat, souligne Rémy Boyer. Si certains établissements ont les moyens d’implémenter la solution (il faut des ressources matérielles et humaines spécifiques), pourquoi ne pas leur proposer aussi un accompagnement pour déployer leur solution ou héberger leurs prototypes. »

L’établissement se penche aussi sur les besoins et les possibilités de partenariat du côté des structures privées, notamment au niveau territorial. Aucun modèle économique n’est encore fixé : le chatbot doit d’abord faire ses preuves.

Un outil peu gourmand en énergie

Pour ce qui est de l’impact écologique, le système actuel consomme peu. « Le data center est aux normes, avec une électricité redondante. Nous refroidissons uniquement les modules nécessaires avec des systèmes de cubes, ce qui est moins énergivore que de climatiser l’ensemble de la salle. Nous avons 16 emplacements disponibles, ce qui est suffisant pour une université comme la nôtre, car les serveurs deviennent de plus en plus compacts. Cela limite la surface à refroidir », détaille Rémy Boyer.

L’infrastructure reste néanmoins limitée. Si elle est amenée à grandir, l’Université d’Évry Paris-Saclay devra se poser la question de travailler avec un hébergeur français ou de la communauté ESR.