Amue, Abes, Cines : vers un big bang des opérateurs numériques de l’enseignement supérieur ?
Après plusieurs mois de tractations pour faire converger les opérateurs numériques de l’ESR, le ministère a acté en cette rentrée 2025 le rapprochement futur entre l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur, l’Agence de mutualisation des universités et établissements et le Centre informatique national de l’enseignement supérieur.

Le bruit courait depuis plusieurs mois. L’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes), l’Agence de mutualisation des universités et des établissements (Amue) et le Centre informatique national de l’enseignement supérieur (Cines) donneront naissance à une nouvelle structure au 1er janvier 2027.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a annoncé cette fusion le 2 septembre, a confié à l’actuel directeur de l’Amue, Simon Larger le soin de « coordonner les travaux inhérents à la création de la nouvelle structure » en lien avec les directeurs des deux autres entités.
Ils doivent notamment « proposer un projet stratégique embrassant les défis inhérents à la transition numérique (IA et données, numérique responsable, souveraineté et cybersécurité etc.), et d’assurer une coordination étroite des services support ».
« Les métiers, cultures et spécificités des agences actuelles seront préservés et une attention toute particulière sera apportée, pendant le processus de rapprochement, à la continuité des missions ainsi qu’à la situation de tous les personnels », assure le ministère.
Des opérateurs aux missions complémentaires

Ce rapprochement des trois opérateurs découle du rapport remis par Guillaume Gellé, ancien président de l’Université de Reims Champagne Ardennes et de France Universités, devenu en mars 2025 recteur de la région académique Guyane.
Il s’était vu confier en décembre 2024 une mission par la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle du ministère visant à identifier les scénarios de rapprochement envisageables entre les opérateurs numériques nationaux. Trois types de convergence étaient alors évoqués :
- une fonctionnelle entre l’Abes, l’Amue et le Cines ;
- une thématique entre France université numérique, l’Université numérique, Pix et Canal U ;
- et une convergence géographique.
Quelles sont les spécificités des trois opérateurs ?
Les opérateurs concernés par cette fusion sont :
- l’Amue qui dispose de locaux à Paris et Montpellier, et est spécialisée dans les outils de gestion administrative, financière et RH pour l’ESR ;
- l’Abes, créée en 1994 et basée à Montpellier. Elle développe des outils et des services de mutualisation au profit des bibliothèques universitaires et de recherche françaises ;
- et le Cines, créé en 1999 et également implanté à Montpellier, qui est spécialisé sur le calcul à haute performance et l’hébergement de matériels informatiques à vocation nationale.
Avec trois institutions implantées dans l’Hérault, ce rapprochement des trois opérateurs suit donc une logique géographique.
« Les locaux parisiens de l’Amue pourront être mis à profit des trois opérateurs pour assurer des formations, pour le lien de la future entité avec la tutelle et les conférences de l’ESR, et développer une plus grande proximité avec les représentants de nos partenaires européens à Bruxelles », précise le ministère.

Renforcer l’offre de services
Cette fusion vise à « renforcer la cohérence et la qualité de l’offre de services numériques au bénéfice des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et de leurs usagers, en tirant pleinement parti des possibilités de mutualisations et de synergies entre ces opérateurs, tout en maintenant le lien de proximité avec les établissements », d’après les mots du ministère de l’ESR.

« Ce rapprochement d’opérateurs aux missions complémentaires permettra d’améliorer leur pilotage et la gouvernance stratégique de leurs activités, en apportant des réponses plus adaptées aux besoins exprimés par des bénéficiaires s’adressant jusque-là à trois guichets différents. »
La mission, portée par Guillaume Gellé, avait notamment réalisé un benchmark à l’échelle européenne et constaté pour la France une fragmentation des opérateurs de l’ESR en charge du numérique.
La France « est le pays avec l’écosystème le plus fragmenté, avec des opérateurs de petite taille, dont les missions se superposent parfois, ou qui ne traitent pas certains sujets », expliquait ainsi l’ancien président de France Universités à News Tank (abonnés).
Un morcellement qui limite d’après lui la capacité des acteurs à lancer et porter des politiques stratégiques. « Si le ministère veut développer une IA souveraine pour les établissements, sur quels acteurs peut-il s’appuyer ? L’Amue travaille sur l’enjeu de l’IA, tout comme l’Abes, mais la fragmentation des acteurs limite leurs capacités », pointait-il alors.
Des craintes exprimées par certains syndicats
Avant l’annonce du ministère début septembre, plusieurs syndicats s’inquiétaient du sort des personnels concernés par la fusion.
« Pour la CFDT, une reconfiguration de ces opérateurs, si tant est qu’elle soit nécessaire, ne peut se construire sans les agents, et encore moins contre eux. Il est urgent d’ouvrir le dialogue social et de prendre en compte les réalités du travail de nos collègues », indiquait le Sgen-CFDT le 18 juillet.
Pour le Snasub-FSU de Franche-Comté, « fusionner ces trois opérateurs reviendrait à diluer des expertises uniques dans un ensemble bureaucratique, où la spécificité des missions, signalement documentaire, gestion administrative, calcul scientifique, serait perdue », alertait-il le 15 mai.
Une assemblée générale réunissant les personnels des trois entités et leur directeur est prévue le 24 septembre.