Rapports, expérimentations, annonces… l’été de l’IA dans l’enseignement supérieur
Après un premier temps de découverte des IA génératives dans l’écosystème, les établissements du supérieur proposent désormais des formations, voire des chartes de l’usage de l’IA. A l’échelle nationale, différentes initiatives s’organisent et plusieurs rapports ont été publiés sur le sujet.

Après plus de sept mois de travail, François Taddei et Frédéric Pascal ont remis le 10 juillet leur copie au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les deux hommes, respectivement fondateur du Learning Planet Institute et directeur de l’Institut DataIA avaient été missionnés en décembre 2024 par le ministère pour établir un état des lieux et proposer des recommandations sur l’IA dans l’enseignement supérieur.
Alors que les initiatives en matière d’IA foisonnent dans les établissements, les usages de l’IA « se développent, de manière hétérogène et majoritairement, au niveau individuel », constatent les rapporteurs. Pour eux, « l’enjeu est de passer de l’individu et des expérimentations ponctuelles à une posture collective partagée au niveau national ».
« Pour cela, il est nécessaire de former, de donner un accès à l’IA et d’assurer les capacités d’utilisation, dans le cadre d’une politique d’établissement, qui s’inscrive dans une politique nationale qui garantisse le respect des enjeux éthiques et de souveraineté. »
Des propositions pour former à l’IA
Parmi les 26 recommandations, le rapport suggère de :
- Former tous les étudiants, à un usage raisonné, durable et éthique de l’IA.
- Financer un grand plan de sensibilisation et d’accompagnement à l’IA des personnels (administratifs, enseignants-chercheurs, équipes de gouvernance) des établissements d’enseignement supérieur.
- Rendre accessible un système d’IA au service de la vie étudiante, qui favorise l’inclusion, à partir de l’expérimentation menée par l’Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue).
- Développer des data centers dédiés à l’inférence souveraine de modèles d’IA.
- Encourager, organiser et financer la création de communs de manière systémique et développer une plateforme de mutualisation, accessible à tous.
- Organiser des conventions citoyennes autour de l’IA pour en favoriser l’appropriation et la mise œuvre.
La méthode
Les deux porteurs de mission ont réalisé des entretiens avec une centaine de personnes, effectué des visites de site en France et à l’étranger et diffusé un questionnaire à la communauté de l’ESR (enseignants-chercheurs, enseignants, personnels non-enseignants, étudiants). Plus de 30 000 réponses ont été recueillies pour établir un état des lieux des usages et de l’appréhension de l’IA.
« La mission a pu profiter d’informations sur les pratiques dans une vingtaine de pays, grâce au travail des postes diplomatiques concernés. Il apparaît que la majorité des pays ont des questionnements et des pratiques similaires à ceux de la France en matière de formation et d’adoption de l’IA », indique le rapport.
Quelle stratégie IA pour le ministère ?

Pour l’instant, le ministre de l’ESR, Philippe Baptiste n’a pas réagi au rapport de François Taddei et Frédéric Pascal ni précisé les pistes privilégiées par l’exécutif. Le financement des 26 recommandations est estimé entre 300 et 500 millions d’euros, pour les cinq premières années.
En parallèle de cette mission, le Comité numérique pour la réussite étudiante et l’agilité des établissements (Coreale), instance coprésidée par le ministère et France Universités, a produit début janvier un rapport sur les impacts de l’IA en pédagogie.
Écrit par Hélène Boulanger, présidente de l’Université de Lorraine et Ioana Galleron, vice-présidente de l’Université Sorbonne Nouvelle, ce document formule également plusieurs recommandations.
Par ailleurs, la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) s’est dotée en juin 2025 d’une mission IA portée par la conseillère scientifique, Caroline Ollivier-Yaniv.
Cette mission a lancé un cycle d’acculturation à l’IA pour les agents du ministère. Elle a notamment pour objectif de « cartographier et suivre les capacités de formation visant à préparer enseignants, enseignants-chercheurs, chercheurs et professionnels aux transformations induites par l’IA ».
Un partenariat avec Mistral AI
Alors que nombre d’établissements du supérieur attendent du ministère des orientations sur la stratégie IA à adopter, un partenariat entre l’Amue et l’entreprise française Mistral AI a été signé en juin dernier lors du salon VivaTech.
Ce partenariat d’innovation vise à « développer un agent conversationnel intelligent, conçu pour répondre aux besoins spécifiques des étudiants, enseignants et personnels administratifs de l’enseignement supérieur ».
À la rentrée 2025, environ 3 000 utilisateurs issus de 21 établissements pilotes devraient expérimenter cette solution, avant le lancement d’un appel d’offres à plus grande échelle courant 2026. « À terme, l’objectif est de déployer cet outil dans 180 établissements d’enseignement supérieur et de recherche sur l’ensemble du territoire », avance le ministère.
Du côté de l’éducation nationale, un cadre des usages
De son côté, après plusieurs mois de concertation avec les différents acteurs, l’éducation nationale a publié le 14 juin son « Cadre d’usage de l’IA en éducation ». Un document d’une vingtaine de pages pour « fournir à la communauté éducative et aux agents du ministère un cadre d’usage et d’appropriation des enjeux de l’IA, fondé sur des normes juridiques ainsi que sur des principes éthiques, éducatifs, déontologiques et environnementaux ».
Le texte prévoit un usage de l’IA, en assistance et non en substitution des apprentissages, et qui doit être encadré et accompagné par l’enseignant. Une sensibilisation des élèves du premier degré aux connaissances de base des IA, sans manipulation d’IA générative est également prévue, puis à partir de la classe de quatrième une utilisation « encadrée, expliquée et accompagnée par l’enseignant » des IA génératives par les élèves.
Quelques jours après la diffusion de ce cadre des usages, l’Inspection générale du ministère a mis en ligne le 18 juin son rapport sur l’IA à l’école qui forme dix recommandations, notamment la mise en place d’une formation « massive et coordonnée » des cadres des rectorats et des enseignants et l’élaboration d’un « curriculum de formation à l’IA tout au long de la scolarité » pour les élèves.