Numérique

Ces 3 Français ont participé à une analyse mondiale de l’impact du confinement sur l'éducation

Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie

De la maternelle à l’enseignement supérieur, la pandémie a perturbé l’apprentissage dans le monde, particulièrement au printemps 2020. Chaque pays a connu des réalités et mesures différentes. C’est cette diversité de situations, et de conclusions, que l’Asian Journal of Distance Education a voulu recenser dans un article.

Perrine de Coëtlogon, chargée de mission blockchain et open éducation à l’université de Lille, et Mattias Mano, chef de projet digital learning à l’Ecole Polytechnique Executive Education, tous deux contributeurs de ce projet, avec Bertrand Mocquet, expert numérique à l’Amue, reviennent sur cet exercice et leurs conclusions.

Ces 3 Français ont participé à une analyse mondiale de l’impact du confinement sur l'éducation
Ces 3 Français ont participé à une analyse mondiale de l’impact du confinement sur l'éducation

C’est une initiative qui a mobilisé chercheurs et spécialistes dans 31 pays : l’article « Un regard mondial sur l’interruption de l’éducation causée par la pandémie Covid-19 : naviguer en période d’incertitudes et de crise » (titre originellement en anglais) a été rédigé et publié par 34 personnes, en moins de deux mois.  

L’objectif de son principal auteur et coordinateur, Aras Bozkurt, un chercheur turc spécialisé dans le distance learning à l’université Anadolu, était de recueillir les témoignages décrivant la situation pédagogique - de la maternelle au supérieur - en pleine crise sanitaire, selon les politiques des pays, et d’inciter les contributeurs à partager leurs réflexions et apprentissages. 

L’article a été publié dans l’Asian Journal on Distance Education, le 6 juin 2020, et contient une partie spécifique dédiée à l’expérience française, « L’enseignement en situation d’urgence en France », rédigée par Perrine de Coëtlogon, chargée de mission blockchain et open éducation à l’université de Lille, Bertrand Mocquet, chercheur en sciences de l’information et expert numérique à l’Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue) et Mattias Mano, chef de projet digital learning à Polytechnique Executive Education, qui approfondira l’impact de la Covid-19 sur la formation continue dans la version française.   

Des témoignages d’experts sans prétention scientifique 

Perrine de Coetlogon, experte blockchain et ancienne avocate - © Seb Lascoux
Perrine de Coetlogon, experte blockchain et ancienne avocate - © Seb Lascoux

Cependant, « Il ne s’agit pas d’un travail de recherche, mais d’un témoignage de praticiens avec un regard critique », prévient Perrine de Coëtlogon.  

Un exercice international qui n’est pas aussi rigoureux que la recherche académique mais a l’avantage de la rapidité.

« L’objectif était de fournir des contenus de qualité pour témoigner de ce que nous voyions dans notre pays, nous ne sommes pas dans un délai de trois ans pour un travail d’envergure. Tout a été très souple : Aras Bozkurt nous a donné une trame et nous avons tous rédigé en suivant le même modèle. Les chercheurs ont été mis en contact, en une dizaine de jours, et, en un mois tout a été rédigé. Il y a ensuite eu un travail de double relecture par des anglophones et une synthèse globale »

Chacun a apporté sa pierre à l’édifice selon son profil : « Bertrand Mocquet avait vu remonter les commandes des services informatiques des universités, mais en qualité de chercheur, il a aussi introduit sa conception du “paradoxe du responsable de diplôme“ ».

Mattias Mano, également doctorant au centre de recherche en gestion de l’Ecole polytechnique, avait réfléchi sur des paradoxes similaires dans le cadre de la formation continue, avec un impératif des entreprises : offrir rapidement des contenus de qualité à leur salarié, sans se soucier de l’outil, alors que la direction des systèmes d’information conservait ses exigences de sécurité et de contrôle des données personnelles.

Une façon de « prendre du recul »

Nous avons décrit ce que nous avons vu, vécu

« L’important, dans cet exercice, était de rédiger de façon stricte, exacte et rapide sur la continuité pédagogique en France », explique Perrine de Coëtlogon.

« Nous nous sommes imposé une rigueur scientifique de forme, mais pas de contenu », précise Mattias Mano. « Il n’y avait pas de méthodologie, nous avons décrit ce que nous avons vu, vécu. La synthèse globale est peut-être un peu légère et pourrait être approfondie. Mais c’est un rapport qui jette les projecteurs sur l’ensemble de notre système éducatif, ce qui en fait sa force et sa richesse ».

Perrine de Coëtlogon, qui travaille régulièrement avec l’éducation nationale sur la blockchain en tant qu’élue au board d’Open Education Global, association de référence sur la question des ressources éducatives libres, a pu s’appuyer sur son expérience.

« C’était passionnant : on me demandait de rédiger, de prendre du recul sur ce qu’on vit et qu’on entend autour de nous. Dans le travail final, j’ai été frappée par la différence de tons selon les pays, critiques envers certains gouvernements ou factuels ».

La culture numérique des licences libres pour accompagner les enseignants

Une question de transparence et d’accès à nos biens communs

Selon Perrine de Coëtlogon, l’ouverture des ressources, notamment par l’utilisation des licences creative commons, est une des solutions pour une meilleure expérience pédagogique en temps de crise.

« Quand des productions intellectuelles sont financées par nos impôts, par la France ou par l’Union européenne, nous trouvons normal que tout le monde puisse les lire en libre accès, c’est une question de transparence et d’accès à nos biens communs », défend-elle.

Une occasion de comprendre comment protéger et partager son cours

« Contrairement aux autres fonctionnaires, l’enseignant-chercheur est réputé auteur de son cours, et peut choisir les conditions des licences qu’il octroie. La période que nous vivons offre toutefois une occasion de comprendre comment protéger et partager son cours tant pour l’enseignant que pour les étudiants d’ailleurs ».

« Pour cela, il faut mieux enseigner ce que sont les creative commons et les licences libres, les auteurs doivent comprendre que c’est eux qui ont le pouvoir de décider comment ils veulent que leur œuvre circule ».

Mettre l’accent sur l’accompagnement à l’apprentissage

Mattias Mano est chef de projet digital learning et doctorant - © Jeremy Barande
Mattias Mano est chef de projet digital learning et doctorant - © Jeremy Barande

Perrine de Coëtlogon insiste sur la différence entre les productions sur financement public et le travail qui relève du droit d’auteur et qui est la principale source de revenus des écrivains, photographes, etc.

Ce à quoi Mattias Mano acquiesce : « Dans un cours, la majorité du contenu a peu de valeur puisqu’il est facilement accessible, c’est l’accompagnement sur l’apprentissage des contenus qui en a ». Il prend l’exemple en mathématiques : « On peut facilement accéder à une formule, dans un livre ou sur internet, par contre si je ne comprends pas comment l’appliquer, c’est l’explication de l’enseignant qui sera importante ».

Et pour ceux qui redouteraient de perdre des élèves si leurs cours est accessible en ligne, l’ancienne avocate au barreau de paris ajoute : « Je ne pense pas que si tout est disponible en ligne, les gens vont s’auto-former, aller jusqu’au bout seul. On ne perd pas à mettre une bibliothèque en libre accès, de qualité, à laquelle le grand public et les enseignants-chercheurs peuvent contribuer. Cela ne remet pas en cause la place de l’enseignant, jamais. Bien sûr, il faut favoriser l’apprentissage en classe mais il faut que l’enseignant sache s’ouvrir à des ressources libres ».

Le bon outil pédagogique

Alors que les directions des systèmes d’information et ingénieurs pédagogiques ont travaillé d’arrache-pied à former aux outils du digital learning et que « la edtech a fait un bon énorme », témoigne Mattias Mano, il reste des pistes d’amélioration dans l’utilisation des outils.

« Une fois qu’on a défini l’objectif pédagogique, il faut utiliser les meilleurs outils », recommande le chef de projet digital learning. Mais « il serait trop facile de se dire qu’un outil vient de sortir, ‘il faut qu’on l’ait’, il faut d’abord se poser la question de la transformation de l’enseignement par sa structuration pédagogique : où souhaitons-nous amener nos élèves, nos stagiaires ? Ensuite, seulement, vient la question du comment ».

Perrine de Coëtlogon insiste de son côté sur le choix des services qui doit être commun à l’établissement. « Parents et étudiants ont souffert de la multiplicité des outils », témoigne-t-elle.

Leurs recommandations

En plus d’un résumé de la situation française en termes de continuité pédagogique, une série de recommandations est donnée par les trois co-auteurs. Parmi elles :