Adapter sans réinventer : des pédagogies qui changent la donne pour les étudiants avec TND
Comment intégrer les troubles du neurodéveloppement, qui concernent une personne sur six, dans les enseignements et plus largement dans les établissements du supérieur ? Des pistes ont été partagées lors d’une conférence de la journée d’étude d’Atypie‑Friendly, le 17 juin.

« Longtemps, dans l’enseignement supérieur, on a considéré que les troubles du neurodéveloppement (TND) n’étaient pas une problématique qui nous concernait. Les jeunes étaient souvent stoppés avant même d’arriver jusqu’à nous », expose Christelle Lison, professeure à l’Université de Sherbrooke au Canada.
Les TND recouvrent un large spectre de handicaps cognitifs : autisme, troubles de l’attention, du développement intellectuel et les « Dys ». Pourquoi s’y intéresser ? « Parce que de plus en plus d’étudiants sont concernés », poursuit-elle. D’après le ministère du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, une personne sur six est concernée.

Rien qu’à l’Université catholique de Lyon, sur 9 000 étudiants, 503 sont déclarés à la mission handicap, et environ 32 % présentent des troubles du développement du langage écrit. « Mais tous ne se déclarent pas », souligne Audrey Mazur, qui y est ingénieure de recherche.
D’après le rapport sur l’état de l’ESR en France publié par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en 2023, 21,6 % des étudiants en situation de handicap (2,2 % des effectifs étudiants) présentent des troubles spécifiques du langage et des apprentissages. Parmi ces derniers, la dyslexie et la dysorthographie sont les manifestations les plus fréquentes.
Des troubles qui « n’empêchent pas de réussir académiquement », indique Audrey Mazur, mais qui accroissent les difficultés pour l’étudiant.
Accompagner les enseignants dans la prise en compte des TND

« Premier constat essentiel que je retrouve autant dans la littérature que dans ma pratique : la diversité, c’est la norme. On ne peut plus penser l’enseignement dans une logique homogène, que ce soit dans des groupes ou dans les activités », rapporte Christelle Lison.
Face aux TND, les enseignants peuvent cependant se sentir démunis ou avoir le sentiment de ne pas avoir été formés. « La difficulté est, souvent, de savoir quelles pratiques pédagogiques mettre en place. Certains professeurs ont pour la première fois un étudiant avec des besoins particuliers dans leur cours », estime Christelle Lison.
Autre frein : la lourdeur perçue de l’adaptation d’un enseignement aux besoins spécifiques. « Il faut leur faire comprendre qu’on n’attend pas d’eux qu’ils soient des experts, mais qu’ils collaborent. »
Les bonnes pratiques
Certaines bonnes pratiques sont simples à mettre en place, à commencer par définir les mots nouveaux, choisir une police facile à lire dans un slide, éviter les distracteurs… « Il existe des bonnes pratiques qui ne demandent pas de retravailler le cours en profondeur, rassure Audrey Mazur. Mettre son cours sur Moodle est un bon début, mais beaucoup refusent encore de le faire. Il faudra peut-être, dans un second temps seulement, aller vers plus d’individualisation. »
Christelle Lison complète : « Demander une longue dissertation n’est pas toujours la meilleure manière d’évaluer. Il faut envisager d’autres formes : l’oral, les exposés… Cela fait aussi partie des solutions. »
Le numérique et l’IA peuvent apporter une aide mais demandent un travail d’appropriation. La fonction de synthèse vocale peut être une alternative à la rédaction classique. Attention cependant, « C’est comme pour le tiers-temps : il est essentiel de guider les étudiants dans leur temps de relecture supplémentaire. »
Les points clés pour une intégration durable des TND dans la politique d’établissement
Christelle Lison et Anna Clavel, chargée d’études à l’Institut français de l’éducation de l’ENS Lyon, ont interrogé cinq acteurs de trois universités canadiennes (Université de Laval, Université d’Ottawa et Université du Québec à Montréal) sur leur approche des TND et en ont tiré les actions essentielles pour mettre en place une politique d’inclusion :
- Démystifier des TND, en expliquant en quoi consistent les tiers-temps notamment.
- Avoir une politique institutionnelle claire, affichée et mise en œuvre. Comme le préconise l’expression québécoise, la présidence doit s’assurer que « les bottines suivent les babines » (les actions suivent les déclarations).
- Transformer les actions ponctuelles en ancrage institutionnel durable. « Que fait-on quand les financements se terminent ? Comment institutionnaliser ce qui a été porté par un projet financé par l’Agence nationale de la recherche ou une bourse interne ? La recherche devient une voix », remarque Christelle Lison.
- Former les enseignants et personnels pédagogiques dans une logique de co-construction du développement professionnel. Au Québec, les établissements doivent obligatoirement proposer une formation sur les violences sexistes et sexuelles (VSS).
- Promouvoir la coresponsabilité des acteurs. « La première cause d’échec, c’est la responsabilité collective : quand tout le monde est responsable, plus personne ne l’est vraiment », prévient Christelle Lison.
- Penser l’inclusion de manière globale, en adaptant l’enseignement pour qu’il profite à tous les étudiants, et pas seulement à ceux ayant un TND.