Les étudiants devront-ils payer plus pour sauver l’université ?
Le modèle économique des universités est-il à bout de souffle ? Alors que de plus en plus d’établissements adoptent des budgets en déficit, un rapport qu’avait commandé l’ancienne ministre de l’ESR, Sylvie Retailleau, aux inspections générales des finances et de l’éducation et la recherche (IGF et Igésr), vient jeter un pavé dans la mare, en suggérant notamment d’augmenter les droits d’inscriptions. Si ce rapport n’a pas encore été publié, News Tank Éducation et Recherche, l’agence de presse qui édite Campus Matin, se l’est procuré. Nous vous dévoilons ici les trois points à retenir.

C’est peu dire que ce rapport sur le modèle économique des universités était très attendu. Commandé par Sylvie Retailleau, encore ministre de l’ESR, à l’IGF et l’Igésr en décembre 2022, il a été finalisé et rendu en janvier 2025. Il n’a toutefois pas été rendu public à ce jour, mais a fuité auprès de la presse spécialisée. Alors que dit ce rapport ?
Les universités dépendent trop de l’État, et n’ont pas assez diversifié leurs ressources
En 2023, les recettes des EPSCP s’élevaient à 18,2 Md€, et la dotation de l’État représentait 76 % de ces recettes. Le rapport IGF-Igésr note que la France fait quasi-figure d’exception en Europe du fait qu’elle combine plusieurs facteurs : une faible part de ressources issues du secteur économique (5,6 %), des frais d’inscription limités (2,7 %), l’absence de sélection à l’entrée des universités, et le partage de l’activité de recherche avec les organismes nationaux de recherche.
Selon les inspecteurs généraux, l’importante part de la dotation publique dans le budget incite moins à la performance des établissements. Le rapport note pourtant que les universités progressent en matière de ressources propres, puisqu’entre 2019 et 2023, elles ont connu une hausse de 38 % pour atteindre 4,4 Md€ (soit 24 % des recettes). Mais elles peuvent mieux faire. La question reste de savoir comment ?
Augmenter les droits d’inscription est le principal levier pour augmenter les recettes des universités
Le développement de certaines ressources comme les fonds européens, la formation continue ou le mécénat offre un potentiel de croissance que les universités doivent davantage explorer, tout comme la valorisation de leur patrimoine immobilier. Mais ces pistes restent confrontées à certains freins, juridiques ou de faisabilité.
À l’inverse, l’augmentation des droits d’inscription est considérée comme le levier qui aurait l’effet le plus direct et significatif sur le modèle économique des établissements. Selon le rapport, le montant actuel de ces droits est très faible (500 M€ en 2023, soit 2,7 % des recettes), notamment par rapport à certains autres pays, et surtout sans commune mesure avec les coûts de formation.
Plusieurs scénarios sont explorés par le rapport, selon que la hausse des droits est uniforme ou modulée et assortie ou non de mesures d’accompagnement. Ainsi, la hausse des ressources irait de + 0,5 Md€ à + 2,5 Md€, selon le scénario retenu. L’IGF seule se prononce en faveur de celui qui permet le meilleur rendement, soit une hausse uniforme des droits accompagnée du renforcement des prêts étudiants garantis par l’État et d’une réforme des bourses.
Elle rappelle toutefois que toute décision d’augmentation des droits d’inscription devra veiller au respect de la jurisprudence du Conseil d’État qui exige que les frais restent modiques et ne fassent pas obstacle à l’égal accès à l’enseignement supérieur.
Revoir le modèle de répartition des dotations et moderniser les outils de gestion
Plusieurs universités mettent régulièrement en avant qu’à caractéristiques égales, elles touchent moins que la moyenne nationale. C’est le cas par exemple de l’Université de Tours, dont la dotation par étudiant est de 1 000 € inférieure à la moyenne des universités pluridisciplinaires avec santé. Alors le système est-il si inéquitable ?
Oui, admettent l’IGF et l’Igésr qui notent que le système d’allocation des moyens n’a pas été revu depuis l’abandon du système Sympa en 2017. Ils recommandent donc au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de se mettre à l’ouvrage. Ce dernier a toujours reculé devant l’échéance, face à une enveloppe budgétaire contrainte qui conduirait à devoir enlever à certains mieux lotis, pour donner à d’autres moins bien lotis…
Enfin, le rapport pointe la faiblesse des universités en matière de gestion financière, avec des outils trop rudimentaires. Il les appelle à généraliser la comptabilité analytique afin de mieux chiffrer les prestations qui génèrent de ressources propres, et de faire des choix plus éclairés en matière de pilotage. Pour cela, ils pourraient s’appuyer sur le projet de connaissance des coûts et des activités des établissements d’enseignement supérieur (P2CA), déployé sous l’égide de la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) depuis 2014 et qui propose une méthodologie basée sur des « coûts environnés » (ajoutant aux coûts directs une fraction des dépenses indirectes).