Vie des campus

Projet de budget 2026 de l’enseignement supérieur : les gagnants, les perdants et les incertitudes


Alors que les tensions budgétaires s’accroissent dans les universités et que les organisations étudiantes se font régulièrement l’écho du niveau de précarité étudiante, le gouvernement mise sur une hausse modérée des crédits pour 2026… voire une baisse des aides directes aux étudiants. Le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace, Philippe Baptiste, justifie ces choix et appelle à plus d’efficience, lors d’auditions devant les Parlementaires. On vous résume les enjeux.

Projet de budget 2026 de l’enseignement supérieur : les gagnants, les perdants et les incertitudes
Projet de budget 2026 de l’enseignement supérieur : les gagnants, les perdants et les incertitudes

Le 14 octobre, le Gouvernement dévoilait son projet de budget pour 2026. Pour la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, la Mires, le budget augmente au total de 600 millions d’euros par rapport à 2025.

Philippe Baptiste, ministre de l’ESRE, y voyait « une somme significative mise sur la table », comme il l’indiquait à News Tank, l’agence de presse spécialisée dont Campus Matin est le site ouvert, en marge d’un déplacement à l’Université Paris-Est Créteil quelques jours après. Mais cette hausse ne concerne pas tous les programmes ni toutes les actions de cette mission. Un trompe l’œil ?

Du côté des universités : l’effort budgétaire sera-t-il suffisant ?

Le programme 150 dédié à l’enseignement supérieur public prévoit une hausse de 1 %, avec 15,59 milliards d’euros inscrits en crédits de paiement. Parmi les moyens nouveaux : 87 M€ au titre de la LPR (Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030), et 45 M€ pour le déploiement des nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance (Comp).

Mais cette progression reste en-deçà de l’inflation, alors que 80 % des universités ont présenté un budget 2025 initial en déficit, pointe la sénatrice Mathilde Ollivier lors de l’audition du ministre sur le budget.

Une situation que Philippe Baptiste, relativise : « Beaucoup nous disent en début d’année qu’ils sont dans le rouge (…). Mais très peu en fin d’année atterrissent sur un budget déficitaire. Il y a souvent des sous-exécutions massives des budgets ». Il met notamment en avant les 5,6 milliards d’euros de trésorerie dans les universités, dont « plus d’un milliard est libre d’emploi. Ce montant croît d’année en année  ».

Un discours qui ne passe pas auprès des universités qui mettent en avant les mesures décidées par l’Etat, mais non compensées : hausses salariales des agents de la fonction publique depuis juillet 2024 (dites mesures Guerini), nouveau relèvement prévu du taux de contribution des employeurs au CAS Pensions, le système de retraite, ou encore mise en place en mai 2026 d’un système de protection sociale complémentaire à destination des personnels, dont la part employeur ne sera là aussi pas compensée.

France Universités qui représente les présidents d’établissements appelle l’État à respecter le principe du « décideur payeur ».

Établissements privés d’intérêt général : une reconnaissance encore partielle

On ne le sait pas toujours mais les Eespig, ces établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général, reçoivent des moyens de l’État, via le programme 150 de la Mires. Pour 2026, il est prévu que les 63 établissements se partagent 94,9 M€, un montant qui n’a pas évolué depuis 2023. Ce que ces derniers regrettent mettant en avant le fait qu’ils reçoivent de plus en plus d’étudiants.

Autre regret exprimé, le fait qu’ils restent exclus de plusieurs dispositifs de soutien à la recherche, comme les Labcom ou les chaires industrielles de l’ANR.

« Il faut que les Eespig, comme les autres établissements, puissent bénéficier de tous les dispositifs de l’ESR et participer à tous les appels correspondants. C’est prévu dans le projet de loi qui est sur la table de l’Assemblée », a indiqué le ministre, en faisant référence au projet de loi relatif à la régulation de l’enseignement supérieur privé, présenté en conseil des ministres et transmis à l’Assemblée nationale le 30/07/2025.

Bourses étudiantes : moins d’allocataires, moins de crédits

Les crédits du programme 231 dédié à la “Vie étudiante” enregistrent une baisse de 0,79 % par rapport au budget 2025, à 3,22 milliards d’euros en crédits de paiement. La baisse la plus significative concerne les bourses sur critères sociaux, qui diminuent de 1,49 % à 2,32 milliards d’euros.

Une contraction expliquée par le ministère par la prévision de baisse du nombre de boursiers en lien avec l’apprentissage, alors même que les seuils d’éligibilité ont été relevés en septembre 2023 et les montants augmentés.

Lors de ses auditions, le ministre est aussi revenu sur une autre mesure du projet de budget 2026, décriée par les organisations étudiantes : la fin de l’éligibilité aux aides personnelles au logement (APL) des étudiants internationaux extracommunautaires non-boursiers, à compter de juillet 2026.

« Ces étudiants sont censés, théoriquement, avoir des ressources qui leur permettent de vivre en France. Nous devons continuer à accueillir massivement des étudiants internationaux, mais nous avons une difficulté sur leur accueil », indique le ministre, qui veut revoir la politique d’accueil des étudiants internationaux.

Logement, restauration, santé : quelques hausses ciblées

Les aides indirectes (logement et restauration) devraient progresser légèrement en 2026 : +1,38 % en crédits de paiement. Une enveloppe de 377 millions d’euros est prévue pour financer les dépenses de fonctionnement des Crous en matière de logement et de restauration, notamment la pérennisation du repas à 1 euro, qui coûte à elle seule, 57,4 millions d’euros.

Du côté de la santé et vie associative, les crédits augmentent très légèrement (+0,11 %), à 94 millions d’euros, pour soutenir les services de santé universitaires, les aides au handicap, et les activités culturelles et sportives sur les campus.

Mais reste une incertitude majeure, celui du vote. L’Assemblée nationale qui examine en ce moment le texte, a 40 jours pour adopter le PLF en première lecture, soit jusqu’au 23 novembre 2025 à minuit. Le texte sera ensuite envoyé au Sénat. Au total, le Parlement dispose en principe de 70 jours pour « se prononcer » sur le PLF. Si tel n’était pas le cas, le gouvernement pourrait mettre en œuvre le budget par ordonnances. Il pourrait aussi recourir à une loi de finances spéciale, comme en 2025 dans un contexte de crise politique.

Le débat sur la hausse des droits d’inscription à l’université repoussé à 2027

Lors de son audition au Sénat, le ministre est interrogé sur les droits d’inscription par Laurence Garnier (Loire-Atlantique, Les Républicains), co-rapporteure d’une mission d’information sur les relations stratégiques entre l’État et les universités dont le rapport a été publié le24/10/2025.

Selon elle, avec des droits à 178€ en licence, « plusieurs présidents d’université nous ont parlé d’un signal négatif envoyé aux familles françaises. En clair, la quasi-gratuité renvoie selon eux à une image de mauvaise qualité de la formation dispensée à l’université ».

Le ministre estime que si la question mérite d’être posée, le moment n’est pas favorable. « Nous n’allons pas toucher aux droits d’inscription en dehors de réindexations liées à l’inflation, car les conditions politiques ne sont pas pleinement réunies pour ouvrir cette question. Est-ce que cela doit faire l’objet d’un débat de fond pour la prochaine présidentielle ? J’en suis profondément convaincu. »