« DuoDay » : une journée en faveur de l’inclusion à l’Université Sorbonne Paris Nord
Le 20 novembre, dans le cadre de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, l’Université Sorbonne Paris Nord a participé pour la sixième fois au DuoDay, une opération nationale qui met en relation des personnes en situation de handicap et des professionnels pour favoriser l’inclusion par le travail et lutter contre les préjugés. Le temps d’une journée d’immersion, 15 binômes se sont formés, dont, pour la première fois, un duo personnel-étudiant de l’établissement.
Mahamadou Coulibaly, 25 ans, connaît bien l’Université Sorbonne Paris Nord. L’étudiant a l’habitude de traverser le vaste campus de Villetaneuse pour se rendre à ses cours en première année de droit. Mais le matin du 20 novembre, c’est dans le bâtiment de la présidence que ses pas le mènent. Il y est attendu autour d’un café par Jean-Michel Pajot, l’agent comptable de l’établissement, avec lequel il passera la journée.
Comme 29 autres personnes, le jeune homme participe au DuoDay, une opération nationale visant à favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail en organisant, le temps d’une journée, un binôme entre une personne concernée par un handicap et un professionnel dans une entreprise, une collectivité ou une association.
L’établissement y prend part depuis 2020, avec une participation en constante hausse. En 2021, trois binômes avaient été constitués. Ils étaient deux de plus en 2023 et 2024, avant le nouveau record de 2025. Cette dernière augmentation s’explique en partie par la sollicitation de collaborateurs extérieurs comme les Cap emploi et les établissements et services d’aide par le travail (Esat) de la région pour recruter des candidats.
« Les années précédentes, nous les avions laissés se positionner seuls », indique Aurélie Savigny, référente handicap des personnels et organisatrice de l’événement. Elle accueille elle-même Ali Onelmis, un stagiaire orienté par un Esat où il occupe le poste d’archiviste numérique tout en étant « mis à disposition » en tant qu’agent d’accueil dans une entreprise cliente.
Le trentenaire, en situation de handicap moteur, a souhaité réaliser cette immersion par curiosité, pour découvrir un autre métier et peut-être s’« ouvrir une vocation pour l’avenir ».
« Cette journée me redonne confiance »
Mahamadou Coulibaly a, quant à lui, choisi son université « pour mieux connaître ses services de gestion financière », et peut-être un peu aussi parce que ce cadre était moins intimidant. Cela ne l’a pas empêché de ressentir un certain stress avant de rencontrer son binôme, mais il a rapidement été mis à l’aise par un comptable « très sympa ». « Nous avons bien discuté dès le départ », confie l’étudiant.
« Je sais que les participants viennent avec de l’appréhension. Mais je leur explique qu’il n’y a aucune raison que cela se passe mal », rebondit Aurélie Savigny.
Pour les rassurer, la référente handicap a consacré du temps à communiquer sur l’organisation de la journée. Elle a notamment construit et envoyé des plannings personnalisés pour chaque duo.
Aucun détail n’a été négligé, pas même les menus du déjeuner convivial réunissant tous les groupes. « On m’a appelé pour savoir ce que je voulais manger », s’amuse Mahamadou Coulibaly. La remarque fait sourire Aurélie Savigny. « Si nous les accueillons, c’est pour faire les choses correctement, insiste-t-elle. Nous prêtons attention à tout car il est important qu’ils se sentent bien ».
Connaître les aménagements de poste possibles
Mission accomplie pour le jeune homme qui se dit « content » de sa journée. « Elle me redonne confiance en moi. J’étais dans une période difficile et j’envisageais d’abandonner mes études mais j’ai compris aujourd’hui que je pourrais continuer et faire mieux même si ce n’est pas facile », confie-t-il.
En entendant ces mots le visage d’Aurélie Savigny s’illumine. « Ce que je viens d’entendre, pour moi, c’est la plus belle des récompenses. Si ce que nous avons organisé a été utile à une personne, le pari est déjà gagné », se réjouit-elle.
Son stagiaire est également satisfait. « Je sens que je suis en capacité de faire ce métier », exprime l’agent d’accueil qui s’est souvent entendu dire que le travail en « milieu ordinaire » n’était pas pour lui.
« Les personnes en situation de handicap ont parfois intégré l’idée que le milieu professionnel ne leur est pas adapté, commente Aurélie Savigny. Il y a des réalités, mais il y a aussi de fausses croyances qu’on leur a créé. En venant ici pour le Duo Day, elles peuvent se rendre compte de ce qui est mis en place pour les accompagner. »
Après avoir suivi la référente handicap en charge des personnels, Ali Onelmis repart avec une vision assez complète des aménagements de poste qui peuvent être organisés pour les agents de l’établissement (adaptation du matériel, télétravail, déplacements en taxi, etc.). « J’ai essayé de lui parler de toutes mes missions », indique-t-elle.
Donner à voir les réalités d’un métier et dépasser les préjugés
Bien sûr, une journée ne suffit pas pour couvrir tous les aspects du quotidien d’un professionnel, mais elle peut donner envie d’explorer une voie. En accompagnant Jean-Michel Pajot, Mahamadou Coulibaly a surtout pris conscience de l’écart existant entre « la théorie vue en classe » et les aspects « concrets » d’un métier « difficile » qui nécessite des compétences organisationnelles et humaines.
L’étudiant a aussi dépassé quelques idées préconçues : « Je pensais que je ne verrais que des tableurs Excel », plaisante-t-il ainsi. Il souhaite désormais en apprendre davantage sur le droit budgétaire et aimerait prolonger son expérience par un stage long, si possible aux côtés de l’agent comptable de l’université.
Ce dernier l’a accueilli avec plaisir, ravi de pouvoir « éclairer une personne encore jeune » sur les réalités du monde du travail. « Je sais qu’il est compliqué de mettre le pied à l’étrier », précise-t-il.
L’ancien agent des finances publiques s’est porté volontaire pour former un binôme après avoir été sensibilisé dans sa vie privée aux problématiques liées au travail des personnes ayant un handicap. De celui de son jeune stagiaire, il ne sera toutefois jamais question, sinon pour évoquer brièvement les aménagements dont il bénéficie en tant qu’étudiant (un tiers-temps pour les examens et une assistance pour la prise de notes).
Faire émerger une « culture du handicap »
« Les personnes que nous accueillons ne sont pas tenues de nous dévoiler leur handicap », insiste Aurélie Savigny avant de rappeler que 80 % d’entre eux sont invisibles. « Ils le peuvent s’ils le veulent mais nous ne leur demanderons pas », ajoute-t-elle. L’objectif est d’abord d’établir un climat de confiance.
Cette volonté s’applique plus largement à l’ensemble de l’établissement où la référente souhaite faire émerger une véritable « culture du handicap » afin que cette réalité du quotidien ne soit pas réduite à « un mot que l’on prononce de temps en temps ».
Communiquer en interne
Le DuoDay s’inscrit aussi, à cet égard, dans une stratégie globale visant à sensibiliser les personnels et les étudiants. Il s’agit notamment de communiquer en interne sur les dispositifs existants afin de permettre aux personnes concernées par un handicap d’en bénéficier si elles le souhaitent.
« Tout ce travail que nous menons, le fait d’en parler sans cesse, incite les personnels à venir vers moi pour se déclarer ou se renseigner sur les démarches à mener afin d’obtenir une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) », se félicite Aurélie Savigny.
4,69 % de personnels en situation de handicap à Sorbonne Paris Nord
Le taux d’emploi de personnels en situation de handicap à l’Université Sorbonne Paris Nord n’atteint pas encore les 6 % prévus par l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) mais il est passé de 3,29 % en 2020 (et 213 748 € de contribution versée au Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) à 4,69 % en 2024 (et 31 753 € de contribution versée au FIPHFP).