Métiers
&
carrières

Les mobilités Erasmus+, c’est aussi pour les personnels de l’ESR !

Par Marine Dessaux | Le | Personnels et statuts

Un ingénieur pédagogique au Japon, des personnels en charge de l’accueil des étudiants internationaux en Turquie ou encore une responsable de cellule d’ingénierie pédagogie en Belgique… Erasmus+ n’est pas réservé aux étudiants et ne se limite pas à l’Union européenne ! Campus Matin vous raconte ce que les personnels des établissements français apprennent de leurs pairs à l’international.

Six personnels de l’USMB se sont rendus une semaine à l’Université d’Okayama au Japon. - © Yannick Vidal
Six personnels de l’USMB se sont rendus une semaine à l’Université d’Okayama au Japon. - © Yannick Vidal

En 2022, l’agence française Erasmus + a financé 8475 mobilités dans l’enseignement supérieur et la recherche : d’enseignants, chercheurs, mais aussi de personnels administratifs.

Alors que se tiennent les Erasmus days du 9 au 14 octobre 2023, des personnels racontent à Campus Matin ce que leur apporte cette semaine dans un autre pays.

Pourquoi partent-ils ?

Les motivations et formats de mobilité diffèrent, mais un objectif commun demeure : échanger avec ses homologues à l’international.

Immersion dans la culture universitaire japonaise

Yannick Vidal, ingénieur pédagogique à l’Université de Savoie Mont-Blanc (USMB), est très surpris lorsqu’il découvre, en novembre 2022, un mail du département des relations internationales qui lui propose de postuler pour une semaine d’Erasmus+ à l’Université d’Okayama au Japon !

« Pour moi Erasmus+ se cantonnait à l’Europe, j’ai été très intéressé par cette opportunité assez unique. J’ai postulé sans trop y croire, je pensais que la priorité serait plutôt donnée à des enseignants-chercheurs », se remémore-t-il.

Il obtient une réponse positive fin janvier 2023 et décolle la première semaine d’avril avec six autres personnes de son université. L’objet de l’échange ne tourne pas autour de l’ingénierie pédagogique, mais propose un programme plus large : des visites du campus et conférences. « Des chercheurs ont expliqué leurs travaux, on nous a également présenté comment étaient accueillis les étudiants internationaux et comment ils étaient intégrés », raconte Yannick Vidal.

Assister à une semaine de formation des enseignants en Belgique

Corinne Parvéry, responsable de la cellule d’innovation pédagogique de l’école d’ingénieurs Bordeaux INP, est partie avec sa collègue Ophélie Guiroy, ingénieure pédagogique, pour un échange bien plus ciblé. Du 24 au 28 avril dernier, elles se sont rendues à l’Université Catholique de Louvain pour découvrir le Louvain Learning Lab, au cours d’une semaine dédiée à la formation des enseignants.

« Nous avons pu suivre les formations dédiées aux enseignants et échanger avec eux. Mais aussi interroger les membres du learning lab sur leurs pratiques, notamment une chargée de valorisation professionnelle qui accompagne individuellement les enseignants-chercheurs sur les questions de carrières », rapporte Corinne Parvéry.

Les réalités sont diamétralement opposées : le service d’innovation pédagogique compte deux personnes à Bordeaux INP et une vingtaine à l’UC Louvain !

Former à l’amont à Istanbul

Du 9 au 13 octobre, Campus France et l’Université de Caen Normandie organisent leurs premières « journées interprofessionnelles des métiers de l’accueil et de l’accompagnement des étudiants internationaux » à Istanbul, en collaboration avec l’Université de Galatasaray, l’Institut français d’Istanbul et l’ambassade de France en Turquie.

L’Université de Caen Normandie coordonne l’initiative d'échange à Istanbul avec Campus France. - © D.R.
L’Université de Caen Normandie coordonne l’initiative d'échange à Istanbul avec Campus France. - © D.R.

« L’objectif de cette semaine de formation est d’emmener des personnels d’universités à la rencontre de tous ceux qui gèrent la procédure et le suivi des étudiants internationaux en amont », décrit Alia Ladjili, chargée de projets accueil et vie étudiante à Campus France, et représentante de l’agence dans les Hauts-de-France

22 agents de dix établissements, chargés de l’accueil des étudiants internationaux, pourront ainsi rencontrer les représentants de l’établissement, visiter le campus, puis découvrir le fonctionnement d’autres acteurs : espace Campus France, attachés de coopération, services consulaires et Institut français.

« Cela permet aux participants d’être informés sur la structuration d’un établissement étranger, et leur donnera de premiers éléments sur la mobilité côté turc. Il est prévu d’échanger avec des étudiants ayant fait de la mobilité, donc avoir leur retour d’expérience. C’est aussi une façon pour ces participants de se mettre eux-mêmes en condition de mobilité », indique Éric Lobstein, directeur du Carré international de l’Université de Caen et co-organisateur.

Les points forts de cette expérience

Mieux se connaître, savoir qui fait quoi, mais aussi repérer les manques ou les angles morts : ce sont les points forts mis en avant par les journées interprofessionnelles des métiers de l’accueil et de l’accompagnement des étudiants internationaux. Autre avantage d’un programme Erasmus+, il ne pèse pas sur le budget de l’établissement.

Corinne Parvéry a, elle, apprécié être témoin de l’organisation d’un service qui bénéficie d’une vingtaine d’années d’existence et son mode de fonctionnement par silo.

Yannick Vidal souligne la possibilité de voyager plus longtemps : il est parti en immersion 17 jours alors que cinq seulement étaient dédiés au programme d’échange. « Ces congés ont été l’opportunité de m’imprégner de la culture, même si cela ne nourrit pas directement le professionnel, ça ouvre l’esprit », dit-il.

Une expérience qui peut participer à rendre un poste plus attractif ? « Oui, c’est quelque chose qui pourrait faire pencher la balance pour moi », répond celui qui a un goût prononcé pour l’international, après 15 ans d’expatriation.

Une expérience (trop ?) courte

Malgré des expériences toutes positives, des axes d’amélioration et limites sont relevés par les participants.

Dans le cas de Yannick Vidal, l’ingénieur pédagogique fondait beaucoup d’attentes dans le moment de rencontre avec ses homologues. Un moment qui finalement… n’a duré qu’une trentaine de minutes. « J’ai eu un échange assez nourri avec une Américaine et un Japonais qui n’a pas duré assez longtemps à mon grand regret. Il faudrait pouvoir avoir des durées de séjour plus longues où nous pourrions travailler en immersion dans un service. »

Yannick Vidal (au centre) a pu échanger avec deux homologues ingénieurs pédagogiques : un Japonais et une Américaine. - © Yannick Vidal
Yannick Vidal (au centre) a pu échanger avec deux homologues ingénieurs pédagogiques : un Japonais et une Américaine. - © Yannick Vidal

Un constat également partagé par Corinne Parvéry. Malgré les différences d’organisation des établissements et de cultures, les problématiques rencontrées durant ces échanges sont les mêmes.

« Nous connaissons les mêmes résistances, nos homologues aussi essaient d’intégrer plus de pédagogie active dans les enseignements et se heurtent à des réticences des enseignants-chercheurs plus âgés », rapporte Yannick Vidal. À défaut de trouver une solution, ces échanges apportent du réconfort, apprécie Corinne Parvéry.

Si elle devait faire évoluer un aspect de son expérience, ce serait l’organisation de la semaine. « Je calerai les rendez-vous à l’avance, pour voir plus de monde. »

Que vont-ils ramener dans leurs bagages ?

Corinne Parvéry et Yannick Vidal sont rentrés avec un point commun : le goût d’échanger avec d’autres structures et d’importer des idées de l’international. « Cette première approche m’a donné envie de prolonger les échanges en ligne et, à terme, d’avoir un projet en commun. Voir comment on pourrait s’inspirer les uns des autres », souligne l’ingénieur pédagogique. Cela pourrait se faire par le biais d’un atelier coconstruit et possiblement coanimé, à distance ou en hybride.

Recruté comme contractuel sur un projet de mise en place de l’approche par compétences au niveau licence, Yannick Vidal aimerait créer des passerelles entre son sujet d’expertise et l’international. « Cela pourrait être dans le cadre de l’alliance de douze universités européennes Unita », imagine-t-il.

À Istanbul, les chargés d’accueil espèrent pouvoir formaliser un document, dans le cadre de l’atelier entre représentants français, qui puisse résumer les apprentissages de cet échange. Il est par ailleurs déjà prévu plusieurs temps de retours d’expérience : au sein du Réseau des directrices et directeurs des relations internationales d’établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche (Risup) régional, mais aussi au colloque de l’accueil 2024 de Campus France qui aura lieu au printemps.

« Nous réfléchissons aussi, à l’Université de Caen Normandie avec la directrice des ressources humaines, à voir comment donner une reconnaissance professionnelle. À ce stade, cette semaine est une expérimentation, mais nous aimerions en faire un modèle », ajoute Éric Lobstein.

Mobiliser d’autres profils de personnels

Désormais convaincus par l’expérience, nos interlocuteurs aimeraient évangéliser à leur tour dans leurs collègues. À Bordeaux INP, Corinne Parvéry et sa collègue étaient les premières à effectuer une mobilité Erasmus+.

« Certains ne voient pas vraiment l’intérêt pour leur service ou sont bloqués par la barrière de la langue, observe-t-elle. Peut-être est-ce plus simple pour la mission d’appui à la pédagogie qui a plus de liberté dans son organisation et qui se déplace souvent… Mais j’encourage vraiment d’autres personnels à profiter de cette opportunité. »

Une difficulté à mobiliser partagée chez les personnels de l’accueil : « Aujourd’hui, pour continuer à se former à l’international, il faut faire une mobilité, or il peut être compliqué de faire bouger les agents, car il y a une forme de crainte », explique Éric Lobstein.