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Et sinon, dans la vie… Yann Basire, la pop culture et le nekketsu pour terrain de jeu


Cet été, Campus Matin vous propose de découvrir des personnalités de l’ESR sous une nouvelle facette : celle de leur hobby ou activité secondaire. Pour ce deuxième épisode, Yann Basire, directeur du Centre d’étude de la propriété intellectuelle (Ceipi) de l’Université de Strasbourg, revient sur l’origine de sa passion pour la pop culture, sujet sur lequel il effectue une veille assidue qu’il partage via Bluesky. Il raconte à Campus Matin pourquoi l’enseignement et la recherche doivent se nourrir de cette culture populaire.

Yann Basire organise des cinéforums, récemment avec l’European union intellectual property office. - © D.R.
Yann Basire organise des cinéforums, récemment avec l’European union intellectual property office. - © D.R.

Parlez-nous de votre passion pour la pop culture !

Yann Basire : C’est une passion assez commune ! Le cinéma occupe une grande place dans ma vie et je dois avouer que j’ai une affection toute particulière pour le cinéma de genre (l’horreur, le fantastique, la fantasy, etc.), le cinéma asiatique (de genre aussi), qu’il soit hongkongais, avec John Woo, Tsui Hark, Ringo Lam, Sud-Coréen, avec Park-Chan-Wook, Bong Joon-Ho, Na Hong-Jin, ou Japonais, avec Takeshi Kitano, Kioshi Hideo Nakata ou Takashi Miike.

S’ajoute à cela mon amour pour l’animation japonaise, avec les séries, qui pour certaines ont bercé mon enfance comme Saint Seiya (Les chevaliers du zodiaque), Kimagure Orange Road (Max et compagnie), Dragon Ball et qui m’accompagnent encore aujourd’hui, mais aussi les films d’animation. Enfin comment ne pas citer les mangas, qui sont le corollaire de cette animation japonaise, ou encore les jeux vidéo.

Quand cet intérêt a-t-il commencé ?

L’incroyable alligator raconte l’histoire d’un crocodile géant ayant grandi dans les égouts de Chicago. - © Group One Films
L’incroyable alligator raconte l’histoire d’un crocodile géant ayant grandi dans les égouts de Chicago. - © Group One Films

Difficile de dire quand cette passion s’est développée. Je pense dès le plus jeune âge. Pour le cinéma, on parle d’une époque où il n’y avait que quelques chaînes à la télévision et certains grands classiques repassaient chaque année. Je pense aux Dents de la mer, notamment, qui a été un choc. Il s’agit aussi de l’époque des vidéos club où mon père m’emmenait… L’occasion là aussi de louer des films de Hong Kong (les Bruce Lee par exemple) ou des films aux titres pour le moins explicites comme L’incroyable alligator. J’ai ainsi pu développer ma cinéphilie et ma passion pour le cinéma de genre.

Je garde aussi en mémoire les heures passées devant Canal+ ou devant les VHS ayant servi à enregistrer les programmes proposés sur cette chaîne, notamment dans la case Quartier Interdit présentée par la légende Jean-Pierre Dionnet ou à travers certains cycles. C’est à cette occasion que j’ai notamment découvert John Woo, là encore un véritable choc.

Pour les dessins animés et les mangas, je suis issu non pas de la génération Albator ou Goldorak, mais plutôt de la génération Dorothée, avec Récré A2 et le Club Dorothée. J’ai pu découvrir des dizaines et dizaines de dessins animés, certains mémorables, d’autres oubliables.

Pour être totalement complet, il ne faut pas oublier les programmes proposés par la chaîne La Cinq, avec tous ces animes dédiés au sport (Captain Tsubasa) ou aux Magical girls… et enfin ceux qui sont arrivés sur Canal+ par la suite, des films (Ninja Scroll par exemple) ou des séries aussi incroyables qu’Evangelion ou Cowboy Bebop.

Pourquoi, d’après vous, la pop culture notamment japonaise vous parle autant ?

Saint Seiya est une série télévisée d’animation japonaise diffusée à partir de 1986. - © Saint Seiya
Saint Seiya est une série télévisée d’animation japonaise diffusée à partir de 1986. - © Saint Seiya

Il est difficile d’expliquer cet attrait, cette attirance pour ces œuvres en particulier. J’avoue que les dessins animés japonais étaient à la fois un moyen d’attiser ma curiosité - je ne prendrai que l’exemple de Saint Seiya qui renvoyait de manière assez désordonnée à la mythologie, grecque, puis nordique. Ils véhiculaient par ailleurs des valeurs nobles, ce qu’il est aujourd’hui commun d’appeler le Nekketsu, à savoir le dépassement de soi.

Les films de genre, mais aussi l’animation et les mangas, tout comme les jeux vidéo participent d’un seul et même univers, une forme de sous-culture, dans laquelle je me retrouve, qui invite tant à l’évasion qu’à la réflexion… Et puis je dois ajouter : j’aime cela parce que c’est bien. Il y a du bon et du moins bon dans tout cela… mais il y a aussi du très très bon. Qui viendrait aujourd’hui contester que les œuvres de Miyazaki sont des chefs-d’œuvre, que Dragon Ball a marqué l’histoire ou que le Seigneur des anneaux est une œuvre majeure ?

Quel équilibre avec votre vie professionnelle ?

J’y consacre toujours beaucoup de temps, même si sans doute moins qu’avant. Je continue d’aller au cinéma, j’achète encore des Blu-ray, je profite du contenu des plateformes, je lis mes mangas et j’essaye parfois de me replonger dans des œuvres qui ont marqué mon enfance ou mon adolescence. L’équilibre avec la vie professionnelle est ainsi assez aisé à trouver, même si j’apprécierais de pouvoir avoir plus de temps pour profiter de tout cela. Je tente, autant que faire se peut, de profiter de mes soirées pour regarder films, animes, séries… Impossible néanmoins de tout voir, l’offre étant trop pléthorique.

Il y a malgré tout quelques victimes. Les jeux vidéo, je dois avouer que je n’y joue presque plus, ce qui me désespère…

Comment ce hobby trouve-t-il un écho dans votre vie professionnelle ?

En tant qu’enseignant-chercheur en droit, il pourrait ne pas être aisé de marier mon amour de la pop culture avec ma vie professionnelle. Pourtant, depuis 10 ans maintenant, je m’inscris pleinement dans le mouvement Droit et pop culture, à travers des conférences, des publications ou autres. J’ai ainsi pu organiser des conférences sur les super-héros et le droit, Kamelott et le droit, Miyazaki et le droit, Friends et le droit ou encore James Bond et le droit. L’idée est ainsi de rendre le droit plus accessible à travers des œuvres issues de la pop culture.

Le 12 décembre 2024, le Ceipi et Ally Avocats ont transformé le Grand Rex en QG juridique pour une soirée consacrée à l’univers de 007. - © Unistra
Le 12 décembre 2024, le Ceipi et Ally Avocats ont transformé le Grand Rex en QG juridique pour une soirée consacrée à l’univers de 007. - © Unistra

L’accessibilité du droit et sa meilleure compréhension ne permettent pas de résumer à eux seuls l’intérêt du mouvement « Droit et pop culture ». Au-delà de l’enseignement, la recherche peut - et doit - se nourrir de la pop culture :

  • En étant le reflet d’une réalité, présente ou à venir, les œuvres de pop culture contribuent à représenter le droit. Si la représentation en question est certainement imparfaite, il n’en demeure pas moins qu’elle touche le plus grand nombre et doit conduire la doctrine à s’interroger sur la perception que le quidam et le non-initié peuvent se faire des concepts juridiques. Les œuvres d’anticipation constituent à ce titre des objets d’étude particulièrement inspirants et stimulants.

  • En second lieu, la pop culture en tant que modèle économique et culturel se doit d’être appréhendée comme objet d’étude. Il est nécessaire de s’interroger sur son cadre juridique, ainsi que sur les questions qu’elle peut engendrer, afin, notamment, d’en identifier les éventuelles spécificités.

C’est dans ce cadre que, là encore, j’ai organisé des conférences Propriété intellectuelle et pop culture (là encore publiées), des cinépodcasts à l’occasion d’Halloween, des cineforums sur des thématiques aussi variées que le placement de produit, les marques fictives ou la protection des noms de personnage ou, encore, des conférences à l’occasion du festival de la BD d’Angoulême qui permet d’être au plus proche des créateurs.

Ma volonté de lier ma passion à mon activité professionnelle s’est enfin concrétisée par le sujet retenu pour mon habilitation à diriger des recherches : propriété intellectuelle et pop culture.

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Retrouvez un nouvel épisode de cette série d’été chaque jeudi dans la newsletter de Campus Matin pendant la pause estivale. Après l’entretien d’Erwan Paitel, Igésr, partageant l’origine de sa passion pour l’hyrox, retrouvez celui de Maéva Tisserand, coordinatrice de projets à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sur sa pratique de la danse.

Vous pouvez également parcourir les séries des années précédentes : les cartes postales de 2024 et les interviews décalées de 2021 à 2023. Bonne lecture !