Numérique

Point d'étape : où en est Pégase, le futur logiciel de scolarité de l’ESR ?

Par Isabelle Cormaty | Le | Équipements et systèmes d'informations

C’est un projet d’ampleur dans lequel sont engagés une soixantaine d'établissements du supérieur avec l’Agence de mutualisation des universités (Amue) et l’association Cocktail. La construction de Pégase, le logiciel mutualisé de gestion de la scolarité a pris deux ans de retard, ce qui met en péril son équilibre financier. Retour sur un projet qui passionne autant qu’il inquiète les établissements.

L’Amue et l’association Coktail portent PC-Scol, qui doit donner naissance au logiciel Pégase. - © Wikipédia
L’Amue et l’association Coktail portent PC-Scol, qui doit donner naissance au logiciel Pégase. - © Wikipédia

Adieu Apogée, adieu Scolarix. Bonjour Pégase ! Lancé en 2017, le Projet commun de la scolarité (PC-Scol) porté par l’Agence de mutualisation des universités (Amue) et l’association Cocktail doit aboutir à la création d’une solution mutualisée de gestion des formations pour les établissements du sup'.

Un logiciel dénommé Pégase pour « produit des établissements pour la gestion, l’accompagnement et le service aux études ». Il doit remplacer le logiciel Apogée proposé par l’Amue depuis 1995 et celui Scolarix de Cocktail.

Un projet d’ampleur avec deux ans de retard

« Pégase sera un commun numérique partagé au-delà du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à l’avenir. L’outil à terme sera incontournable », assure Simon Larger, directeur de l’Amue depuis mars 2023. 

Toutefois, le projet fait face à de nombreuses difficultés et accuse deux ans de retard. Cela « s’explique par le mode de construction, nous assurons directement le pilotage des RH et recruter des développeurs est compliqué, surtout de nos jours », analyse Simon Larger dans une interview à News Tank (abonnés) le 27 juin. 

Simon Larger dirige l’Amue depuis mars 2023. - © Amue
Simon Larger dirige l’Amue depuis mars 2023. - © Amue

Le projet se veut participatif : les établissements expriment leurs besoins voire mettent à disposition du personnel pour construire le logiciel. 70 personnes travaillent sur PC-Scol. 

« C’est un projet majeur, car il a marqué la fin d’une vision de l’Amue se réduisant à un éditeur ou à un prestataire des établissements. Concrètement c’est le choix de développer l’outil en co-construction entre établissements, en évitant d’avoir recours à des cabinets de consultants, qui a changé la donne », poursuit le directeur. 

Ce projet marque aussi le partenariat entre deux acteurs autrefois concurrents : l’Amue et l’association Cocktail qui propose une suite logicielle pour ses adhérents, en majorité des écoles spécialisées du sup’ comme les écoles normales, centrales, plusieurs instituts d'études politiques ou encore quelques écoles d’ingénieurs. 

Comment est financé le projet ?

Gilles Roussel préside l’Amue au titre de l’association France Universités.  - © France Universités
Gilles Roussel préside l’Amue au titre de l’association France Universités. - © France Universités

Soutenu par le ministère de l’enseignement supérieur, le logiciel est également financé par les établissements utilisateurs. Cette cotisation comprend la construction, le déploiement, les évolutions réglementaires et la maintenance de Pégase. 

Le retard de deux ans entraîne un surcoût estimé à 4 millions d’euros, d’après Simon Larger, et Gilles Roussel, le président de l’Amue. Pour permettre au projet de se poursuivre, l’Amue et l’association Cocktail ont lancé le 25 juillet dans un courrier un « appel à cotisations anticipé » à leurs adhérents. Ce dernier se termine le 30 septembre.

Alors que le ministère de l'économie et des finances lorgne sur les fonds de roulement des opérateurs publics pour boucler le budget 2024, les deux porteurs de PC-Scol avancent un argument de taille : financer Pégase plutôt qu’alimenter les caisses de Bercy… 

« La direction du budget observe de près les fonds de roulement disponibles dans certains de vos établissements - sans en contester la pertinence, afin de financer d’autres politiques publiques prioritaires - nous ne pouvons que souligner l’intérêt, pour la communauté de l’ESR, de soutenir le projet Pégase plutôt que de laisser partir ces financements vers d’autres services publics que celui auquel nous sommes, tous ensemble, si attachés », avancent les deux institutions. 

12 établissements répondent à l’appel à cotisations

L’Université de Strasbourg participe à la construction du projet PC-Scol.  - © D.R.
L’Université de Strasbourg participe à la construction du projet PC-Scol. - © D.R.

Deux mois après l’appel lancé par les deux porteurs du projet, une douzaine d'établissements ont assuré leur soutien financier à Pégase en date du 18 septembre.

En font notamment partie les universités de Sorbonne Paris Nord, Strasbourg, Montpellier, Lumière Lyon 2, Haute Alsace, Aix-Marseille, Corse,  Polytechnique Hauts-de-France, ainsi que l’Université de technologie de Belfort Montbéliard et l'École nationale supérieure d’architecture de Grenoble.

« L’engagement financier des établissements sous forme d’avance est un signal fort, au moment où ils sont confrontés à des difficultés financières sans précédent (non compensation de mesures salariales, explosion des dépenses énergétiques, incapacité financière à investir massivement dans la rénovation énergétique de leur patrimoine) », souligne Valérie Gibert, la directrice générale des services de l'Université de Strasbourg

Où en est le déploiement dans les établissements ?

Aix-Marseille Université a rejoint le projet PC-Scol comme établissement co-constructeur. - © D.R.
Aix-Marseille Université a rejoint le projet PC-Scol comme établissement co-constructeur. - © D.R.

Trois établissements ont été associés dès le lancement de PC-Scol pour construire la solution dans un mode itératif. Il s’agit des universités de Strasbourg, Nantes et d'Aix-Marseille. Cette dernière a remplacé l’Université de Grenoble Alpes qui s’est retiré du projet. 

« Nous le développons aujourd’hui avec nos ressources propres, c’est une vraie chance et un vrai savoir-faire de la communauté. Même si le projet a pris du retard, nous y arriverons », affirme Emmanuelle Hautin, directrice du numérique à l’Université de Strasbourg et vice-présidente de l’Assemblée des directeurs des systèmes d’information.

Une cinquième vague ouverte jusque fin novembre

13 établissements exploitent déjà Pégase et une cinquantaine sont en cours de déploiement. Toutefois, « les établissements ne peuvent pas déployer l’outil pleinement et doivent continuer à travailler en parallèle avec Apogée ; tandis que de son côté l’Amue doit continuer à faire évoluer Apogée… », reconnait Simon Larger. 

Un appel à candidatures pour la cinquième vague de déploiements est ouvert jusqu’au 30 novembre. 25 places sont disponibles pour une mise à disposition du logiciel au quatrième trimestre 2024.