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Le CRM n’est plus un tabou : comment sauter le pas en équipe


Un CRM modifie en profondeur les habitudes de travail. Échanges en amont, définition des règles du jeu et formation sont des ingrédients essentiels pour que la greffe prenne.

Comment réussir la mise en place d’un CRM ? Les conseils pour faciliter la conduite du changement. - © Canva
Comment réussir la mise en place d’un CRM ? Les conseils pour faciliter la conduite du changement. - © Canva

Hier encore, c’était à qui avait le tableau Excel le plus garni et le mieux organisé. « Cela nous paraît bien loin », songent Claire Spilmann et Julie Girault, de l’école d’ingénieurs Esiee Paris. La première est directrice des admissions, promotion et communication ; la seconde, directrice du développement. Et les deux ont pensé dès 2015 que mettre en place un CRM commun aux relations étudiants et entreprises offrirait une gestion plus fluide et pertinente.

« En relations entreprises, nous disposions déjà d’un outil. Ce n’était pas tout à fait un CRM mais il permettait un suivi commercial, le partage de portefeuilles entre les commerciaux, intégrait divers éléments comme les conventions de stage », relate Julie Girault. Pour ses équipes, donc, migrer vers le CRM d’Eudonet ne fut pas trop déconcertant.

Pour les autres, le changement était plus profond. Plusieurs éléments rendent le déploiement d’un CRM délicat. Pratiques, d’abord, tout le monde n’ayant pas la même agilité à s’emparer d’un énième outil informatique, ou l’envie de s’y plonger. Culturelles, aussi, dans un monde de l’enseignement où le seul « C » de CRM - « Client » pour désigner un étudiant ! - heurte encore certaines sensibilités.

« Les mentalités ont beaucoup évolué, mais il ne faut pas se le cacher. Pour certains, « chiffre d’affaires », « business » ou « génération de leads » restent des gros mots ! », acquiesce Florence Cann, fondatrice d’Oscar CRM, spécialement conçu pour coller aux besoins de l’enseignement supérieur.

Une friction qu’il faut savoir dédramatiser. « Pour être honnête, nous réfléchissons à un autre nom, pour ne pas l’appeler CRM. Nous ne l’avons juste pas encore trouvé », sourit Sarah Lohr, cheffe de projet digital et marketing de l’Université Côte d’Azur, qui inaugure sa plateforme en ce mois de juin.

Par-ta-ger

Tout n’est pas symbolique. Un tel logiciel bouleverse très concrètement les réflexes et processus de travail. Dans des établissements où les activités étaient cloisonnées, il impose en particulier une approche qui ne va pas de soi : partager l’information. Le concept est plus simple à énoncer qu’à instaurer.

Parce qu’au sein d’un établissement, certaines entités se retrouvent, de fait, en concurrence. C’est le cas d’une école à plusieurs campus, dont chacun est susceptible de s’adresser aux mêmes contacts. C’est aussi le cas à l’université, où IUT, licences ou instituts d’administration des entreprises (IAE) envoient tous leurs étudiants en stage ou en alternance dans la région, discutant avec les mêmes partenaires.

Un équilibre à trouver dans le partage

Quand l’Esiee Paris a intégré l’Université Gustave Eiffel, lors de la création de l’établissement public expérimental en 2020, le sujet est naturellement venu sur la table.

Claire Spilmann est directrice des admissions, promotion et communication de l’Esiee Paris. - © D.R.
Claire Spilmann est directrice des admissions, promotion et communication de l’Esiee Paris. - © D.R.

« Un enjeu était de trouver le bon équilibre de partage avec les autres entités de l’université. Par exemple, nous avons choisi de conserver chez nous notre base sur la partie relations étudiants », explique Claire Spilmann.

Quand les autres informations sont accessibles dans le CRM commun. « Nous avons commencé par échanger, puis mis en place une charte de bonnes pratiques. C’était une bonne idée. Avec du dialogue et un peu de bon sens, on parvient à ne pas se cannibaliser », complète-t-elle.

Une culture à construire en interne

Le partage d’information est une culture à construire, au sein d’équipes habituées à travailler en silo. Aux yeux de certains, il peut en outre donner le sentiment que le CRM est une sorte de Big brother ultime, conçu pour surveiller leurs activités, leurs rendez-vous et jusqu’à leurs coups de fil. Pour contrer ces appréhensions, pas de recette magique, si ce n’est d’insister sur la dimension collective de l’outil, plutôt qu’individuelle.

Julie Girault est directrice du développement de l’Esiee Paris. - © D.R.
Julie Girault est directrice du développement de l’Esiee Paris. - © D.R.

« Travailler avec un si haut degré de transparence, c’est certain que cela change. Toutefois, nous n’avons pas rencontré de difficulté car le logiciel a été perçu comme un outil collaboratif, qui permettait de mieux analyser notre activité », assure Julie Girault.

Le degré de partage peut d’ailleurs être variable. « Un CRM ne va rien faire tout seul. Ce sont des process à déterminer, des règles à définir ensemble. Et celles-ci peuvent tout à fait évoluer ensuite, si besoin », rassure Florence Cann.

Le paramétrage de l’outil permet, de fait, tous types de protection ou de gestion des accès. Même si trop de cloisonnements reviennent à recréer les cases d’antan… À contre-courant de l’idée du CRM.

Le grand bain

Accompagner le changement passe par la désignation d’ambassadeurs du projet. « Il faut des sponsors métier crédibles pour le faire, des personnes qui aient du poids dans leur département », conseille Frédéric Leclère, expert éducation de l’éditeur Salesforce.

Florence Cann est la fondatrice d’Oscar CRM. - © D.R.
Florence Cann est la fondatrice d’Oscar CRM. - © D.R.

À eux de mener le dialogue auprès de leurs équipes, identifier les principaux besoins, comprendre les irritants. « On peut comparer cette phase à regarder l’existant depuis un hélicoptère », illustre-t-il. Il convient aussi d’adopter une communication positive au sujet de ce nouvel outil, centrée sur les bénéfices que chacun peut en tirer.

À ce titre, l’automatisation des tâches les plus chronophages (e-mailings, relances, etc.) fait généralement leur effet. « Ce n’est un secret pour personne que les équipes sont surchargées. Un outil qui nous fait gagner autant de temps est un soulagement », confirme Florence Cann.

La formation des personnels

Puis il y a la formation, étape décisive quand les autres ont été franchies. « Notre outil est proprement fantastique, assure Frédéric Leclère. Encore faut-il le maîtriser, sinon cela revient à lancer vos collaborateurs dans le grand bain sans brassard ! »

Cela tombe bien, car Sarah Lohr - qui s’occupe justement de mettre en place Salesforce Education Cloud - n’a pas pour intention de noyer ses collègues. « Nous tenons à assurer la formation nous-mêmes, car personne ne connaît les gens mieux que nous », estime-t-elle.

Sarah Lohr est cheffe de projet digital et marketing à l’Université Côte d’Azur. - © D.R.
Sarah Lohr est cheffe de projet digital et marketing à l’Université Côte d’Azur. - © D.R.

Sur un plan concret, elle a opté pour plusieurs demi-journées de formation, avant l’été puis à la rentrée, plutôt qu’une forte dose d’un coup. « Nous procédons par ateliers de cinq à dix personnes, avec dans l’idée de créer une cohésion de groupe », détaille la cheffe de projet digital et marketing.

Ne pas agresser, ne pas dégoûter (notamment en évitant le trop-plein de saisies dès le début), avancer étape par étape… Des conseils auxquels il faudrait ajouter être à l’écoute. Car cette phase de formation est l’occasion de recueillir toutes les remarques qui permettront de peaufiner l’outil avant son lancement.

À l’Esiee Paris, Claire Spilmann l’assure : « La prise en main d’un CRM est très rapide, même pour des non-technophiles. Chacun voit vite ce qu’il apporte dans le travail au quotidien, ce qui facilite son acceptation. » De plus, le fait qu’il assure un service fluide et continu, y compris pendant les vacances, ne semble déranger personne.

Concepts clés et définitions : #Customer relationship management (CRM)