Numérique

Souveraineté, RH, cyber… ce qu’il faut retenir de la stratégie numérique du ministère de l’ESR

Par Isabelle Cormaty | Le | Équipements et systèmes d'informations

Le Comité numérique pour la réussite étudiante et l’agilité des établissements du ministère de l’ESR a diffusé en mars sa stratégie numérique. Une feuille de route construite avec les acteurs de terrain, qui définit des orientations pour les établissements et doit aboutir à des propositions concrètes dans les mois à venir sur différentes thématiques comme les RH, les systèmes d’information ou les infrastructures numériques.

30 mesures composent la feuille de route du Coreale. - © Canva
30 mesures composent la feuille de route du Coreale. - © Canva

Analyser l’impact de l’IA sur les pratiques et dispositifs pédagogiques, établir la cartographie des systèmes d’information scolarité, orientation et insertion professionnelle, simplifier les procédures pour les étudiants, élaborer une stratégie nationale pour l’éducation ouverte, proposer une offre nationale de solutions collaboratives souveraines pour l’ESR.

Voici quelques-unes des 14 mesures prioritaires définies par le Comité numérique pour la réussite étudiante et l’agilité des établissements (Coreale) dans sa feuille de route pour 2023-2027 diffusée en mars 2024.

Comment cette feuille de route a-t-elle été construite ?

En 2023, la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip), la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) et France Universités ont lancé le Coreale pour élaborer une feuille de route. 

Ont participé aux travaux les différentes directions ministérielles et associations professionnelles, comme l’Assemblée des directeurs des systèmes d’information (A-DSI), l’association des vice-présidents numériques (VP-Num) ou encore le Comité des services informatiques de l’enseignement supérieur et la recherche (Csiesr). 

Un document stratégique issu d’une démarche participative

« Ce sont les établissements qui implémenteront les sujets. Le lien entre stratégie et expérience sur le terrain devrait encourager l’adoption des décisions », indique Gilles Roussel, président de l’Université Gustave Eiffel et coprésident du Coreale à News Tank (abonnés).

La feuille de route qui en découle contient 30 mesures dont 14 prioritaires. Chacune a été confiée à un binôme de coordinateurs chargé de solliciter des interlocuteurs puis de fournir un livrable dans les 6 à 36 mois à venir avec des propositions. 

« Les vice-présidents numériques ont participé à la construction. C’est une bonne chose que l’on puisse définir le cadre ensemble, mais quels sont les moyens derrière pour le mettre en œuvre ? », commente Olivier Wong, vice-président numérique de l’Université de Rennes lors d’une journée d’échanges sur le projet Demoes de l’Université de Lorraine le 22 mars. 

Renforcer la coordination des acteurs du numérique

Les acteurs impliqués dans la stratégie numérique de l’ESR sont larges et comprennent à la fois le ministère, les établissements du supérieur, les organismes de recherche, les producteurs de ressources, les centrales d’achat et les entreprises edtechs. 

« Cette multitude d’acteurs constitutifs de notre écosystème numérique dont les responsabilités, les besoins et les pratiques ne sont pas les mêmes, dont les rôles et périmètres de compétences respectifs peuvent parfois apparaitre comme manquant de clarté et dont la coordination est déterminante à la construction d’une vision commune de nature à offrir à tous les étudiants et personnels un environnement numérique adapté à leurs attentes, nécessite de revisiter la cohérence d’ensemble et de définir un pilotage adapté », souligne le Coreale.

Quels en sont les principaux enjeux ?

La feuille de route du Coreale présente quatre enjeux majeurs à prendre en compte par l’enseignement supérieur et la recherche pour la période 2023-2027 :

  • Des infrastructures numériques et des services associés en appui à la production et la diffusion de connaissance ;
  • Un numérique au service de la réussite des apprenants ;
  • Un système d’information en appui au bon fonctionnement des universités, des écoles et des organismes de recherche ;
  • Un système d’information au service des personnels des directions du ministère. 

Quitter les Gafam pour assurer la souveraineté de l’ESR ?

Avec la sécurité, le numérique responsable, la cloudification et l’ouverture ou circulation des données, la souveraineté fait partie des cinq grands principes dictés par le ministère et qui doivent accompagner l’ensemble des projets menés par les acteurs du numérique de l’enseignement supérieur et de la recherche.

« Le but de la souveraineté est que l’État conserve une possibilité et une capacité de choix des outils qu’il utilise, afin de pouvoir garantir, sur la durée, la disponibilité et la maîtrise des données et logiciels qu’il produit », précise la feuille de route. 

Dans cette optique, la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) a mis à disposition des établissements publics gratuitement quatre plateformes numériques open source et souveraines en mars 2023 :

  • la solution de classe virtuelle BigBlueButton (BBB) alternative à Zoom ou Teams et opérée par direction du numérique pour l’éducation ;
  • Esup-Pod pour les vidéos à la demande ;
  • une solution de tableaux de bord pédagogiques conçue par Avignon Université ;
  • et un espace collaboratif d’examen à distance.

Difficile de se passer des outils américains

Gilles Roussel est référent numérique de France Universités. - © France Universités
Gilles Roussel est référent numérique de France Universités. - © France Universités

Sur la souveraineté, la feuille de route du Coreale va encore plus loin et évoque la possibilité de « quitter les Gafam », quand des alternatives existent. Un principe nuancé par le référent numérique de France Universités, Gilles Roussel :

« Dans l’état actuel, cela semble irréalisable. Toutefois, si les questions de souveraineté deviennent prioritaires et que l’État définit clairement ses attentes vis-à-vis de ses opérateurs, cela deviendra nécessaire. »

« Pour encourager l’utilisation des outils souverains proposés par la Dgesip, il est crucial d’expliquer aux établissements l’importance de cette démarche. Sans directive explicite, il est difficile de se détourner des outils des Gafam en raison de leur qualité. Leur simplicité et leur qualité sont des atouts majeurs. Sans contraintes de confidentialité ou de souveraineté, il n’y a pas de raison pour que les établissements changent de fournisseurs », poursuit-il.

Le détail des 30 mesures du Coreale