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Comment faciliter l’essaimage des projets d’hybridation ?

Par Isabelle Cormaty | Le | Pédagogie

Poussés par le contexte sanitaire depuis 2020, de nombreux établissements ont lancé des projets d’hybridation de leurs formations. Les 34 projets ayant reçu des financements de l’État étaient réunis au ministère de l’enseignement supérieur les 18 et 19 janvier afin d’esquisser un bilan de leur déploiement. Synthèse de quelques bonnes pratiques pour faciliter leur essaimage.

34 projets sur l’hybridation des formations ont été financés en 2020 par des fonds publics. - © FU - Université d’Angers
34 projets sur l’hybridation des formations ont été financés en 2020 par des fonds publics. - © FU - Université d’Angers

Deux ans et demi après leur lancement, quel bilan dresser des 34 projets financés en juillet 2020 par l’appel à projets « Hybridation des formations de l’enseignement supérieur » ? Quels ont été les acteurs impliqués dans ces projets d’hybridation, portés en majorité par des consortiums d’établissements ? 

Autant de questions au cœur du colloque national organisé les 18 et 18 janvier dernier par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Créé dans un contexte de crise sanitaire à l’été 2020, l’appel à projets (AAP) hybridation avait pour objectif d’accompagner les établissements à préparer la rentrée en facilitant le passage à la modalité hybride. Que ce soit en distanciel (synchrone ou asynchrone) ou par le prolongement de l’enseignement présentiel via des plateformes pédagogiques en ligne. 

Campus Matin vous résume quelques bonnes pratiques ayant facilité l’essaimage de ces projets, mais aussi les limites de leur déploiement.

Les bonnes pratiques pour faciliter l’essaimage des projets

Frédéric Tesson a coordonné le projet Hype-13 piloté par l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. - © D.R.
Frédéric Tesson a coordonné le projet Hype-13 piloté par l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. - © D.R.

Sur les 34 projets d’hybridation financés par l’État depuis 2020, plus de la moitié sont portés par des consortiums d’établissements, comme Hype-13, qui réunit 12 universités françaises. La communication et le partage entre les écoles et universités lauréates sont donc primordiaux. 

« Nous ne nous connaissions pas avant de lancer ce projet. Nous avons remarqué que les besoins des équipes pédagogiques étaient très hétérogènes d’une université à l’autre. Nous avons donc embauché un ingénieur pédagogique par établissement pour incarner le projet », se souvient Frédéric Tesson, responsable scientifique et technique du projet Hype-13, coordonné par l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Le recours à des ambassadeurs a également été plusieurs fois cité lors du colloque. L’école d’ingénieurs Junia y a eu recours notamment pour promouvoir son digital teacher program, créé pour former et reconnaître et assurer la montée en compétences des enseignants. 

Communiquer sur les dispositifs

L’Université de Guyane a porté un projet d’hybridation renforcée qui a bénéficié du fond d’amorçage - © Université de Guyane
L’Université de Guyane a porté un projet d’hybridation renforcée qui a bénéficié du fond d’amorçage - © Université de Guyane

Les différents intervenants du colloque pointent un écueil aux dispositifs d’hybridation : la multiplication des ressources dans les établissements, qui va parfois de pair avec leur faible utilisation par les étudiants ou les enseignants, faute de publicité.

« Nous avons mis en place un certain nombre de moyens de communication pour faire connaître le dispositif. Nous avons réservé une page dans le guide étudiant pour le présenter », illustre Olivier Homand, ancien vice-président délégué au numérique de l’Université de Guyane.

Des réseaux d’ingénieurs pédagogiques

Pascaline Personnier est directrice opérationnelle du projet nouveaux cursus universitaires de l’Université Bourgogne Franche-Comté - © D.R.
Pascaline Personnier est directrice opérationnelle du projet nouveaux cursus universitaires de l’Université Bourgogne Franche-Comté - © D.R.

Le déploiement des projets a également donné naissance à des réseaux d’ingénieurs pédagogiques entre les établissements d’un site ou d’un groupe d’écoles. 

« La réponse à l’AAP hybridation a été une façon d’engager une réflexion collective entre les sept établissements du consortium. Nous avons créé un réseau d’accompagnement de la pédagogie qui regroupe tous les ingénieurs et responsables pédagogiques du site, soit une cinquantaine de personnes », salue Pascaline Personnier, directrice opérationnelle du projet Nouveau cursus à l’université (NCU) de l’Université Bourgogne Franche-Comté.

Pour son projet « HybrdInsa », le groupe d’écoles d’ingénieurs a utilisé 40 % de sa dotation pour étoffer ses équipes. « Insa a créé OpenInsa, qui réunit toutes les cellules d’ingénierie pédagogique des écoles du groupe. Ce service très actif organise des réunions tous les 15 jours, un séminaire annuel et un colloque pédagogique à l’échelle du groupe tous les deux ans », détaille Nicolas Delestre, maître de conférences en informatique à l’Insa Rouen Normandie.

« Quand une école teste un logiciel, elle peut faire un retour d’expérience aux autres établissements, ce qui permet de gagner du temps et de réduire les coûts, notamment sur l’achat de licence. »

L’implication des différents corps de métiers 

Enfin, plusieurs consortiums d’établissements mettent en valeur un point clé : l’implication des différents corps de métiers a facilité le déploiement et l’appropriation des projets d’hybridation.

Sophie Kennel est vice-présidente déléguée à la transformation pédagogique de l’Université de Strasbourg. - © Unistra
Sophie Kennel est vice-présidente déléguée à la transformation pédagogique de l’Université de Strasbourg. - © Unistra

C’est le cas notamment à l’Université de Strasbourg qui a obtenu un million d’euros pour le projet « Déphy » sur le développement des pédagogies hybrides et durables. 

« Les besoins sont partis de tout le monde et les résultats viennent de tout le monde. Nous avons beaucoup travaillé avec les services de scolarité, ceux des composantes, les personnels administratifs, le service numérique et les bibliothécaires. Cela nous a permis d’avoir cette plus-value de la confiance », se félicite Sophie Kennel, directrice de l’Institut de développement et d’innovation pédagogique (Idip) et vice-présidente transformation pédagogique de l’université.

Certains établissements sont allés encore plus loin dans le pilotage en accordant une place particulière aux ingénieurs pédagogiques. Exemple à l’Université Fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées qui a porté le projet The Campus.

« Un grand nombre d’ingénieurs pédagogiques ont été associés au projet et faisaient partie du comité de pilotage », explique Laurent Dairaine, responsable de la transformation numérique de l’école d’ingénieurs Isae-Supaero, membre du consortium.

Les limites de l’hybridation

Si le financement des projets pour deux ans s’est clôturé, les ressources créées par cet appel à projets persistent. Outre la question de la pérennisation des postes créés par des AAP, les intervenants du colloque pointent aussi d’autres limites de l’hybridation. 

« Nous avons partagé entre les 12 universités de nombreuses ressources, mais nous nous sommes rendu compte assez vite que les enseignants étaient assez peu enclins à partager leurs propres ressources et à utiliser celles des autres », indique Frédéric Tesson.

Corinne Parvery, ingénieure pédagogique à Bordeaux INP relève aussi des difficultés concernant les ressources humaines. « Le temps de recrutement des ingénieurs pédagogiques a été compliqué et retardé le déploiement du projet », note-t-elle.